Saturday, November 20, 2010

RDC: Mimétisme, quand tu nous tiens !

En vivant et en voyant l’homme politique congolais à l’œuvre, il faut que le cœur se brise ou se bronze. Tel est l’état d’esprit qui nous anime à la lecture de la communication politique intitulée : « Vital Kamerhe implante son parti au Benelux ». Ainsi, l’ancien président de l’Assemblée nationale congolaise a crée un nouveau parti dans un pays qui en compterait déjà quelques centaines : l’Union pour la Nation Congolaise. Il a même pu se trouver une idéologie qui n’existerait sans doute pas encore ou qui serait mal représentée ou défendue sur l’échiquier politique de son pays : la social-démocratie. Mieux, le nouveau parti a un projet de société qui lui serait propre. Et il a déjà des partisans prêts à le vulgariser, à le défendre et à le vendre afin de recruter de nouveaux membres. D’où vient Kamerhe? Quelles étaient ses convictions politiques? Pourquoi change-t-il de parti? Que représente l’idéologie de son parti par rapport aux conflits et aspirations majeurs qui traversent la nation congolaise ? Et que dire du projet de société du nouveau parti ?

Vital Kamerhe est celui-là même qui, à la veille des élections de 2006, avait écrit un livre intitulé « Pourquoi j’ai choisi Joseph Kabila ». L’ouvrage fut officiellement présenté au public, le 10 mars 2006, par l’un des plus grands opportunistes et flatteurs récidivistes de la nation, le patron du journal Le Soft International Kin-Kiey Mulumba. Son quotidien en a assuré la couverture médiatique dans sa livraison du 15 mars. On peut y lire : «Un millier de personnes dont des parlementaires, des ministres, des diplomates, des PDG, des membres des cabinets officiels dont celui du Chef de l’État, des représentants du monde de la culture en tête des écrivains, etc., avaient pris d’assaut la cérémonie de présentation du livre du Secrétaire général du PPRD Vital Kamerhe. Lieu: la cour de l’hôtel Invest Okapi, Cité de la RTNC. La manifestation, qui a eu l’ex-PDG de l’ACP et de l’OZRT Landu Lusala Khasa comme master of ceremony, a connu plusieurs étapes : d’abord le baptême proprement dit du livre conduit par le sénateur Chiralwira sous la surveillance du président de l’Union des Écrivains Congolais Buabua wa Kayembe entouré d’un groupe d’auteurs dont Yoka Lye Mudaba, Masiala Ma Solo, Eddy Angulu, Modeste Mutinga Mutuishayi et le professeur historien, directeur des Archives nationales Lumenga Neso, etc. Parrain et marraine de baptême: le général Didier Etumba et la journaliste de la RTNC Chantal Kanyimbo. Ce fut ensuite le clou de l’événement, à savoir la présentation du livre par le professeur Tryphon Kin-Kiey Mulumba et l’allocution de l’auteur avant une séance de dédicace».

Dans un style digne d’un eternel flagorneur, Kin-Kiey Mulumba en profita pour lancer un clin d’œil à «Joseph Kabila» : « Quand je l’ai vu [pour la première fois] et que j’ai parlé avec lui, ma conviction est que tout ce qui se disait sur cet homme était faux ». Qualifiant l’objet de la rencontre de tout ce beau monde de « livre confirmation d’une filiale idéologique » ou encore de « profondément livre acte de foi », Kin-Kiey écrit : « Ce livre-témoignage est aussi excellent qu’utile précisément à la veille de nos grandes échéances politiques : il nous faut connaître les hommes qui vont concourir au suffrage des citoyens ». Il poursuit : [ce livre] « règle certains débats récurrents dont la filiation et la scolarité », entendez de « Joseph Kabila ». A en croire l’auteur, qui déclare que « trop peu de gens savent quelque chose sur Joseph Kabila », ce dernier, qu’il a connu lors de la guerre d’agression d’août 1998, est un « homme hors du commun, qui commande tout, planifie tout et contrôle tout avec adresse et minutie ». Pourquoi Kamerhe choisit-il « Joseph Kabila » ? Parce que celui-ci « aura été l’homme de l’espoir et du destin du Congo nouveau ». Aussi le propose-t-il aux Congolais comme « le choix judicieux pour un Congo meilleur », car Kamerhe voit en lui « un avenir radieux mais laborieux et plein de promesses qui se dessine pour notre peuple ». Et Kamerhe d’enchaîner : « Il faut être aveugle pour ne pas voir de quel amour jouit le Président Joseph Kabila de la part des Congolais et surtout des jeunes. Il a fait honneur à la jeunesse congolaise en montrant que les vertus de sagesse et d’intelligence ne sont pas l’apanage de la seule vieillesse».

En mai 2006, la plume de Baudouin Amba Wetshi égratignait ce livre qui n’était pas passé sous l’œil scrutateur d’un éditeur : « Ce bouquin donne, sur le plan de la forme, l’impression d’un travail bâclé. Un travail fait par un imprimeur amateur. Il s’articule sur 158 pages et ce non compris les six autres couvrant la table des matières. Quid du fond ? Sans vouloir tomber dans la caricature, cette brochure est un petit chef d’œuvre dans le style panégyriste. Une propagande politique qui met à nu le décalage entre le dire et l’agir. C’est à la limite une compilation de vœux pieux, de contre-vérités, des affirmations non-étayées dont l’objectif paraît clair : vendre l’image d’un Joseph Kabila idéalisé ». Et Amba Wetshi de souligner quelques zones d’ombre : « Selon Vital, Kabila est né à Fizi. Le réquisitoire lu, le 26 janvier 2001, par le procureur général de la république mentionne pourtant Hewa Bora II comme lieu de naissance. Or, cette localité n’a pas d’existence formelle. L’auteur note que Joseph a commencé une formation militaire en Tanzanie. En quelle année ? Silence radio. Ce fait suggère que l’actuel chef de l’Etat congolais a été un moment donné un citoyen tanzanien ». Citant l’auteur qui affirme que
«lors de sa formation militaire de base en Tanzanie, Joseph Kabila se distingue par son aptitude au commandement et par ses qualités morales d’officier et de meneur d’hommes », Amba Wetshi conclut : « Kabila junior était déjà officier pendant qu’il recevait sa formation de base. Est-ce possible ? Selon l’auteur toujours, poursuit le patron du journal en ligne CIC, « Kabila Kabange a parfait sa formation d’officier à l’Université de Défense nationale à Pékin ». Commentaire du critique : « Et dire que le général-major Kabila n’a passé que trois mois dans la capitale chinoise ». Adoptant un ton prophétique face à ce livre d’une très grande médiocrité tant sur le plan de l’écriture que du savoir, Amba Wetshi note : « L’avenir seul dira si le secrétaire général du parti présidentiel a convaincu ». Ainsi, tout Kinshasa s’était déplacé pour un bouquin qui accordait la nationalité congolaise à un étranger que Vital Kamerhe ne connaissait pas du tout.
Qu’est-ce qui s’est passé entre le Kamerhe de 2006, qui revisitait à sa manière la fable de Jean de La Fontaine « Le corbeau et le renard » et celui d’aujourd’hui, qui ne se retrouve plus dans le fameux parti présidentiel dont il fut le puissant secrétaire général avant d’être promu à la présidence de l’Assemblée nationale ? Une et une seule chose. Après avoir laissé s’échapper le fromage qu’il tenait dans son bec au profit du renard Kamerhe, le corbeau « Joseph Kabila » s’est autorisé de le récupérer pour le donner à un autre renard. On nous rétorquera que toute personne a le droit de changer de parti politique. Oui. N’empêche que la motivation du changement seule détermine la qualité de son auteur. Et ici, on nage en pleine politique du ventre et non des idées. Au sujet de celles-ci, on notera qu’après avoir bu quelques tasses de social-démocratie auprès des Blancs, Kamerhe croit dire quelque chose d’important en se proclamant social-démocrate.

Mais qu’est-ce qu’une idéologie ? Une idéologie est une prise de position face aux conflits et aspirations majeurs qui traversent un Etat. Depuis les indépendances, les Etats africains connaissent tous deux conflits majeurs pendant que leurs peuples aspirent tous à la liberté, à la dignité et à la prospérité. Ces aspirations sont étouffées par l’absence de solution viable à chacun des deux conflits majeurs. Le premier, vis-à-vis des puissances occidentales, est leur éternelle domination. Le second, à l’intérieur de chaque Etat, est la prise en otage des instruments de la souveraineté de tout un peuple par un individu, faussement appelé père de la nation, s’appuyant avant tout sur des membres de son ethnie et/ou de sa région. C’est donc face à ces deux conflits majeurs que les partis politiques doivent prendre position ou proposer des solutions. La dénomination du parti de Kamerhe, Union pour la Nation Congolaise, laisserait penser que cette formation politique aurait pour ambition d’apporter une réponse au second conflit. Mais Kamerhe se réclame de la social-démocratie. « Initialement, la social-démocratie est une appellation du mouvement socialiste international, et en particulier de la IIe Internationale fondée en 1889 à l’initiative notamment de Friedrich Engels. Il s’agit donc à la base d’un mouvement marxiste [qui] désigne aujourd’hui un courant politique de gauche, réformiste et non marxiste ». (Wikipédia). Quel est le rapport avec les conflits majeurs de l’Etat congolais ? Aucun. Dans le contexte congolais, la social-démocratie est une idéologie suspendue en l’air. Par voie de conséquence, le parti de Kamerhe ne peut être qu’une coquille vide. Comme tous les autres partis congolais. Par ailleurs, qui ne sait qu’en Afrique les idéologies politiques ne représentent rien ? Existent-ils des Africains qui adhèrent aux partis parce qu’attirés par leurs idéologies respectives ? Parmi les intellectuels importateurs d’idéologies eux-mêmes, qui y croit ? La politique africaine ne se caractérise-t-elle pas par l’immense fossé entre les idéologies dont les politiques se réclament et la réalité des pouvoirs qu’ils exercent ? En fait, en se collant l’étiquette de social-démocrate, Kamerhe démontre tout simplement qu’il sait singer l’homme blanc. Comble du ridicule, il singe l’homme blanc au moment où les idéologies sont en faillite en Occident même. Son projet de société ? Des vœux pieux. Une vaste rigolade. Kamerhe aurait de la peine à designer un seul parti politique africain qui ne sache articuler d’aussi belles promesses.

Tout compte fait, à l’entrée des sièges des partis congolais dont l’Union pour la Nation Congolaise (UNC) de Vital Kamerhe, on devrait afficher la fameuse phrase inscrite à l’entrée de l’enfer : ‘‘Toi qui entre ici, abandonne tout espoir’’. Ainsi en est-il de ‘‘Tatu’’ Hilaire Lumbaie Mulumba, Président de la Fédération de l’UNC pour le Benelux que nous saluons amicalement au nom de la fraternité ‘‘belgicaine’’.

Source: Congoindépendant 2003-2010, du 19 Novembre 2010
Author: Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo
 

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