Wednesday, November 10, 2010

RWANDA: La renaissance de Révérien Rurangwa après 16 ans de vie entre parenthèses

RÉVÉRIEN RURANGWA Fin des galères administratives pour Révérien Rurangwa, désormais au bénéfice d'un permis humanitaire. «Pour moi, c'est une renaissance. Vivement que je travaille!» (GUILLAUME PERRET)Après des années de combat, le rescapé du génocide rwandais Révérien Rurangwa vient enfin de se voir délivrer un permis humanitaire par les autorités suisses.

On imagine, Révérien, que vous ressentez un immense soulagement aujourd'hui. Comment avez-vous appris la nouvelle?

J'ai d'abord reçu l'avis de résiliation du bail du studio mis à ma disposition par le Service des migrations, pour le 31 mars prochain... Je n'étais au courant de rien! J'ai commencé à douter... Ce n'est que quelques jours plus tard que j'ai reçu une lettre recommandée qui m'apprenait qu'un permis humanitaire m'était enfin accordé.
Suite au génocide auquel vous avez miraculeusement survécu, vous êtes arrivé en Suisse en 1994. Pourquoi tant d'années se sont écoulées avant de voir votre situation régularisée?

En 1996, à peine soigné, je suis reparti au Rwanda. J'espérais qu'un membre de ma famille aurait peut-être, lui aussi, survécu au massacre. Mais je n'ai retrouvé que mes bourreaux. Menacé de mort, j'ai dû quitter le pays. Ce n'était plus chez moi. En 2000, à mon retour en Suisse, j'ai obtenu un permis L, provisoire, le temps que durent mes soins. Puis, ma demande d'asile a été refusée, ainsi que mon recours. En 2006, un second dossier a été déposé pour obtenir un permis humanitaire, lui aussi refusé. S'en est suivi un immense soutien médiatique, car mon livre-témoignage, «Génocidé», était publié à ce même moment et un nouveau recours a été lancé. Il a fallu cinq ans pour qu'il aboutisse. Pendant toutes ces années, c'était comme si je vivais un second génocide. D'abord on te tue pour ce que tu es et que tu n'as pas choisi. Ensuite on t'empêche de vivre pour les mêmes raisons.
Vous avez pourtant bénéficié de beaucoup de soutiens politiques...

Oui, jusqu'au sein de l'UDC! Mais sérieusement, ce qui m'a sauvé, c'est plutôt la pression des médias. Pour le côté humain, je salue néanmoins Didier Berberat qui n'avait pas beaucoup de marge de manœuvre mais qui est resté en contact avec moi, ainsi que Nicole Jeanneret, cheffe du Service juridique à Neuchâtel, qui prenait soin de me tenir au courant de l'avancée du dossier.
Qui souhaitez-vous remercier?

Pas la Berne fédérale en tout cas! Le pays qui m'a sorti d'entre les morts a mis 16 ans à reconnaître mon statut de victime. Malgré les séquelles qui marquent mon corps, j'ai dû sans cesse me justifier. Pour moi, ce permis humanitaire n'est que justice. Non, ceux que je remercie, ce sont les gens, les anonymes. Ceux qui, sans me connaître, ont arpenté le canton pour rassembler deux cartons de signatures; les milliers de personnes, de Belgique au Maroc en passant par le Canada, qui m'ont encouragé via internet; les femmes qui proposaient de m'épouser pour me sauver la mise, etc. Des inconnus, qui ont lu mon livre et ont été touchés par mon histoire.
Comment voyez-vous l'avenir?

C'est une nouvelle vie! Désormais, je pourrai travailler, ouvrir un compte, voyager, répondre aux invitations des éditeurs que j'ai dû refuser jusqu'ici, donc continuer à témoigner, ce qui me tient particulièrement à cœur. J'aimerais bien sûr faire une grande fête à La Chaux-de-Fonds pour remercier tous ceux qui m'ont soutenu. Et puis, je vais très vite chercher un appartement, à La Chaux-de-Fonds bien sûr, car on peut presque dire que c'est là où j'ai grandi! Et surtout, le prochain rêve que je voudrais réaliser, c'est travailler comme employé de commerce, la formation que j'ai suivie. Avoir une vie normale. De 15 à 32 ans, elle a été mise entre parenthèses. Aujourd'hui, c'est une renaissance.


Author:SYLVIE BALMER







Source:Arcinfo.ch, Dernière mise à jour : 10.11.10 | 05:51

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