Friday, January 7, 2011

Côte d'Ivoire : Ouattara veut une opération commando pour "enlever" Gbagbo

Alassane Ouattara, reconnu président de la Côte d'Ivoire par la communauté internationale, a prôné jeudi 6 janvier une action commando "non violente" de l'Afrique de l'Ouest pour chasser Laurent Gbagbo du pouvoir et "l'emmener ailleurs". "S'il s'entête, il appartient à la Cédéao [Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest] de prendre des mesures nécessaires et ces mesures peuvent inclure la force légitime", a-t-il dit lors d'une conférence de presse à son QG de l'Hôtel du Golf d'Abidjan, soumis à un blocus des forces fidèles au régime.

Après une nouvelle médiation infructueuse mardi, l'organisation ouest-africaine a brandi de nouveau la menace d'une opération militaire pour obtenir le départ du président sortant et résoudre la grave crise née du scrutin du 28 novembre. Une intervention armée est en préparation, mais cette entreprise à hauts risques reste un "dernier recours". "La force légitime ne veut pas dire une force contre les Ivoiriens. C'est une force pour enlever Laurent Gbagbo et cela a été fait ailleurs, en Afrique comme en Amérique latine", a expliqué M. Ouattara. "Il y a des opérations spéciales non violentes qui permettent tout simplement de prendre la personne indésirable et de l'emmener ailleurs."

"Laurent Gbagbo partira avant la fin du mois de janvier", a-t-il encore assuré. "J'ai toute une série de mesures en cours qui vont faire qu'il va tomber comme un fruit, pas mûr, mais comme un fruit pourri", a-t-il lancé, sans en dire davantage sur ces "mesures". Retranché dans son QG alors que son adversaire est installé au palais présidentiel et contrôle l'armée et l'administration, M. Ouattara multiplie ces derniers jours les prises de parole après avoir été longtemps quasi-muet durant la crise.

210 MORTS

Et s'il dit préférer une "solution pacifique", il use d'un style agressif qu'il laissait jusque-là à son premier ministre, Guillaume Soro, chef de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN). Fustigeant un Gbagbo "hors la loi", il a dit qu'il le tenait pour "responsable de tous (les) crimes" et "assassinats" qui ont marqué ces semaines de tourmente. Fin décembre, le gouvernement Gbagbo, dont les Forces de défense et de sécurité (FDS) ont été mises en cause de façon répétée par l'ONU, avait fait état de cinquante-trois morts depuis le scrutin, dont quatorze parmi les FDS.

Mais pour les Nations unies le bilan depuis mi-décembre atteint deux cent dix morts, dont trente et un dans la semaine écoulée, notamment lors d'affrontements entre communautés dans l'Ouest. A Duékoué, à quelque 500 kilomères à l'ouest d'Abidjan, des violences entre ethnies guéré et malinké ont fait quatorze tués, a dit jeudi Simon Munzu, chef de la division des droits de l'homme de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci). "Ce qui s'est passé à Duékoué est le reflet de la tendance vers des tensions, des violences intercommunautaires", a-t-il ajouté, soulignant qu'"il y a toujours eu" de telles tensions, en particulier dans cette région peuplée d'ethnies diverses et d'étrangers. Interrogé par l'AFP par téléphone, le docteur Moïse Téki, de l'hopital de Duékoué, a fait état de "quarante et une personnes blessées par balles ou par armes blanches". "Le calme est revenu, mais la tension persiste."

Dans ce contexte de violences, l'impasse politique reste complète, illustrée tant par le discours offensif de M. Ouattara que par le maintien du blocus de l'Hôtel du Golf. Un blocus que M. Gbagbo ne compte pas lever tant que les éléments FN qui protègent son rival n'auront pas quitté les lieux, a prévenu son ministre des affaires étrangères, Alcide Djédjé. Ce proche de M. Gbagbo a écarté toute offre d'"amnistie" au président sortant en échange de son départ, évoquée par la médiation africaine, et repoussé l'idée d'un exil aux Etats-Unis : "le président Gbagbo n'a pas besoin d'aller à Washington, il est bien là où il est, il restera là où il est."

Washington gèle les avoirs de M. Gbagbo aux Etats-Unis

Le département du Trésor américain a annoncé, jeudi, qu'il gelait les avoirs aux Etats-Unis de Laurent Gbagbo ainsi que ceux de sa femme et de trois de ses proches.

La décision a été prise en vertu d'un décret permettant d'appliquer des sanctions financières à ceux qui "présentent une menace pour la paix et le processus de réconciliation nationale en Côte d'Ivoire ou qui agissent ou déclarent agir en leur nom", écrit le Trésor dans un communiqué.

Outre Simone Gbagbo, son épouse, les trois membres "du cercle proche" de M. Gbagbo visés par les sanctions du ministère sont Désiré Tagro, Pascal Affi N'Guessan et Alcide Ilahiri Djedje.

En vertu de ces sanctions, tout Américain qui viendrait à réaliser des transactions financières avec ces personnes s'exposerait à des poursuites judiciaires.


Source: LEMONDE.FR avec AFP , du 07/01/2011

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