Saturday, September 17, 2011

RWANDA/FRANCE: Kagamé et les Gaulois

Le président du Rwanda, Paul Kagamé, se souviendra encore longtemps de sa visite d’Etat sur les bords de la Seine. Si, au plan officiel, cette visite, la première d’un chef d’Etat rwandais depuis le génocide de 1994, est restée dans les limites du diplomatiquement correct, elle n’a pas moins été émaillée, aux plans social et médiatique, d’incidents diplomatiquement inconvenants. Au final, c’est une visite pour le moins controversée qu’a achevée l’homme fort de Kigali à Paris mardi dernier, alors qu’elle était censée «parachever la réconciliation entre les deux pays», après l’épisode des massacres de Tutsi dans lesquels le Rwanda continue de dénoncer la participation de soldats français.

Mardi matin encore, en effet, une trentaine de militants de l’ONG Reporters sans frontières ont élevé une vive protestation contre la visite de Paul Kagamé, qu’ils ont qualifié de «prédateur de la liberté de la presse». Le chef de l’Etat rwandais devait recevoir ce jour-là, dans l’hôtel parisien du Ritz, une délégation de patrons français. Les militants de RSF se sont déployés un à un devant le célèbre édifice hôtelier, «symboliquement bâillonnés avec un ruban rouge», exhibant des pancartes et des parapluies qui affichaient fièrement: «Kagamé prédateur», «France-Rwanda, pas de liberté, pas de contrat»...

Même s’ils ont été rapidement encerclés par des gendarmes, éloignés de la place Vendôme et conduits quelques rues plus loin, ils ont tout de même réussi à faire passer leur message. «Paul Kagamé est venu discuter de contrats et d’investissements. Il y a aujourd’hui des journalistes qui croupissent en prison au Rwanda, il n’est pas normal que la France déroule le tapis rouge à un tel prédateur des libertés de la presse», a notamment déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de RSF.

L’incident de mardi fait suite à une précédente interpellation du président rwandais, la veille, par plusieurs ONG sur les droits de l’Homme dans son pays. Kagamé, plein de ressources et qui s’exprimait en anglais sur la terre de Voltaire, ultime défi à la franco-cacophonie, avait alors «sèchement rabroué ses détracteurs, déniant à ces organisations le droit de s’ériger en professeurs des droits de l’Homme dans son pays».


Author: Phil


Source:  Journal du Jeudi, Du 15 au 21 septembre 2011

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