Friday, April 13, 2012

Guinée Bissau : décryptage d’un coup de force

L’ex petite colonie portugaise ouest-africaine renoue avec le syndrome politico-militaire. Jeudi dans l’après midi, une tentative de coup d’Etat a interrompu le processus démocratique en cours. Mobile ethnique ou piste des narcotrafiquants ?

Alors que la Guinée s’acheminait vers un second tour de la présidentielle prévue le 29 avril prochain et devant départager les deux candidats, Cadogo Junior Gomez (premier ministre sortant) et Coumba Yalla (ex président) restés dans la course, des groupes de sous officiers ont, dans l’après midi de jeudi, assiégé la radio et télévision nationale et attaqué la résidence du premier ministre. Lequel était introuvable tôt ce vendredi. Selon des sources bien informées contactées par Les Afriques, le premier ministre, Carlos Gomez a été exfiltré de sa résidence peu après l’attaque et a trouvé refuge à la chancellerie du Portugal à Bissau.

Avec ce coup de force, Bissau plonge dans une confusion totale à moins de 17 jours du second sprint électoral devant opposer une figure emblématique du paysage politique guinéen et un ex président du pays, très influent auprès de la haute hiérarchie militaire.
Le climat politique bissau-guinéen s’était détérioré, suite à l’assassinat, en pleine campagne électorale, du commandant Samba Djallo, chef des services de renseignements militaires, réputé proche du défunt président, Malam Bacai Sagnha.

Le second tour prévu le 22 avril puis reporté au 29 avril prochain est compromis avec le coup de force d’un groupe de soldats équipés de mitrailleuses engouffrés dans des picks up. Les putschistes ont occupé le siège de l’office RTGB (Radio télévision de Guinée Bissau) vers 18 heures (heures locales).

Derrière cette tentative de prise de pouvoir, se cache la piste des officiers d’ethnie Balante proches du candidat et ex président, Coumba Yalla , qui a appelait jeudi matin ses militants à boycotter le scrutin du 29 avril prochain. Selon une source bien informée, contactée par Les Afriques, ce coup de force pourrait être commandité par l’actuel chef d’état major des armées, Antonio Nyie, un des caciques du défunt président et ennemi juré du chef du gouvernement. Leurs relations se sont détériorées durant toute la cohabitation Gadogo Gomez- Malam Bacai, affirment nos sources. Une autre piste, celle des narco-trafiquants qui avaient fait de ce pays leur passoire vers l’Europe et l’Amérique Latine, revient dans les hypothèses. Le général amiral, Bubu Natiutié, tombé en disgrâce et dont les connexions douteuses avec les cartels de la drogue étaient établies par les autorités de l’ancien régime, s’était rapproché d’une frange de l’armée ces derniers mois. Selon notre source, ce haut gradé, qui jouit d’une forte emprise dans les cercles de l’armée tirait les ficelles dans l’ombre et attendait son heure.

Le premier ministre, Carlos Gomez a pu échanger au téléphone vers les coups de 23 heures Gmt avec le président angolais, Dos Santos et le président de la CICPL (Commission pour la Paix des Pays Lusophones). L’armée est la colonne vertébrale du pays et ses récurrentes irruptions dans le jeu politique ont contribué à l’instabilité des institutions. La Cedeao a condamné cette tentative de coup d’état dans la soirée.


Author:  Ismael Aidara


Source:  Les Afriques, du 13/04/2012

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