Thursday, June 28, 2012

RDC: Raymond Tshibanda: le Rwanda rallume le divisionnisme au Congo

Revenant de New York, le ministre congolais des Affaires étrangères Raymond Tshibanda s’est longuement entretenu avec son homologue Didier Reynders de la situation au Nord Kivu. « Lorsque nous avons reçu les preuves établissant que la nouvelle rébellion du M23 avait bénéficié, dès février, du soutien d’éléments infiltrés depuis le Rwanda, nous avons amené ces informations à Kigali, compte tenu de nos relations de bon voisinage. Les réunions se sont multipliées à tous les niveaux, j’ai même rencontré le président Kagame lui-même. Une commission mixte, congolaise et rwandaise, a interrogé les hommes qui avaient fait défection, et l’évidence absolue d’un soutien rwandais s’est imposée, en dépit des dénégations rwandaises, car les transfuges ont été à même de donner tous les détails : leur nom, leur commune d’origine, le nom du chef de secteur etc…. »
Pour le ministre, « un tel fait est en contradiction avec les efforts déployés depuis 2009 où des accords de paix avaient été conclus : tenant compte des préoccupations du Rwanda, nous avons engagé des opérations militaires contre les rebelles hutus des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) ; de 7 à 8000 hommes en 2008, ils ne sont plus que 800 aujourd’hui, dispersés en petits groupes. Mais la situation actuelle au Nord Kivu pourrait leur permettre de se réorganiser, c’est le premier résultat concret de cette mutinerie qui mobilise les forces gouvernementales et a empêché que se poursuivent les opétrations qui étaient en cours contre les FDLR…»Le ministre souligne aussi que la communauté rwandophone congolaise, au nom de laquelle les mutins d’hier et d’aujourd’hui prétendent combattre, a bénéficié de nombreuses mesures d’intégration, tant au sein de l’armée que des institutions politiques et que le rapatriement de réfugiés congolais tutsis se trouvant au Rwanda a été entamé, supervisé par une commission tripartite à laquelle participe le HCR.. En dépit de ces efforts d’intégration, de ce refus de toute discrimination, il souligne que « nous avons les preuves qu’au Rwanda, de hauts responsables téléphonent à des représentants des Tutsis congolais, militaires et politiques, pour leur demander de soutenir les mutins du M23, et cela sur base de la solidarité ethnique ! Autrement dit le divisionnisme, banni au Rwanda, est exporté au Congo ! »
Ces affirmations du ministre nous avaient été confirmées sur le terrain, à Goma, voici quelques semaines, et il apparaissait que des chefs de communauté, des notables tutsis recevaient régulièrement des appels provenant du Rwanda, leur demandant, au nom de la solidarité entre rwandophones, de soutenir les mutins du M23. « Nous avons une liste des appels… précise M. Tshibanda, tandis que des responsables de la sécurité assuraient qu’ils redoublaient de vigilance afin qu’aucun « meurtre inexpliqué » de ressortissants tutsis congolais ne soit commis. De tels crimes en effet donneraient de la substance aux prophéties autoréalisatrices du Rwanda où la ministre des Affaires étrangères Louise Mushikwabo a déjà évoqué les risques accrus désormais encourus par les « cousins » tutsis congolais…Des risques dont la prévention justifierait une intervention militaire plus directe…
Brandissant les faits, le ministre congolais adjure la communauté internationale : « il faut signifier au Rwanda que tout le monde sait ce qui se passe et qu’il faut reprendre le dialogue » Le Congo s’est aussi adressé aux chefs d’Etat de la région (Ouganda, Burundi, Angola, Afrique du Sud, Congo Brazzaville) afin qu’ils activent les ressources de la diplomatie. Car il y a le feu : « la situation est encore rattrapable mais il y a une sérieuse rupture de la paix… » Pour Tshibanda, « il est clair que le général Bosco Ntaganda, est le patron des mutins, il a eu peur d’être transféré à la Cour pénale internationale à l’instar de Thomas Lubanga, le chef de guerre de l’Ituri qui vient d’être condamné. C’est au moment du verdict prononcé contre Lubanga que Bosco a commencé à s’agiter, à préparer la mutinerie et il paraît que Laurent Nkunda lui-même aurait refait surface…Je me demande si le Rwanda, à son tour, ne s’inquiète pas de ces procédures de la CPI qui deviennent de plus en plus pressantes contre les chefs de guerre de la région…»
Le ministre s’insurge aussi du fait qu’au Conseil de
Sécurité, la partie du rapport des experts de l’ONU qui décrivait le soutien apporté par le Rwanda aux mutins ait été expurgée, sous pression sans doute de « pays amis » : « si nous voulons construire une paix durable dans la région, la vérité doit être connue… » Mais par contre, M. Tshibanda relève que la Belgique a parfaitement compris les enjeux de la situation actuelle et se félicite de l’intervention de Didier Reynders auprès de l’Union européenne.


Source: Carnet de Colette Braeckman, du 27 Juin 2012

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