
En février 2010, une fois le terrain déminé par Claude Guéant et Bernard Kouchner, Nicolas Sarkozy s'est rendu à Kigali. Pas d'excuses, comme la Belgique ou les États-Unis, encore moins de repentance, mais la reconnaissance d'une «forme d'aveuglement» pour n'avoir pas «vu la dimension génocidaire» du régime rwandais hutu d'alors, avec qui Paris entretenait des liens étroits. C'est cette «faute» de jugement (Bernard Kouchner avait parlé de «faute politique») que le gouvernement français était prêt à admettre, pas autre chose. Aux côtés de son hôte français dans les jardins luxuriants de la présidence à Kigali, Paul Kagame s'était accommodé de ce discours. L'enquête du juge Bruguière sur l'accident d'avion, le 6 avril 1994, du président rwandais Juvénal Habyarimana qui avait déclenché le génocide avait, il est vrai, été remisée.
Entre la France et le Rwanda, pourtant, le passé reste à apurer. Le régime rwandais n'a, lui, pas retiré l'épée de Damoclès qu'il maintient sous la forme du rapport d'enquête Mucyo qui accuse depuis 2008 des personnalités françaises d'implication dans le génocide. Un rapport qui a fait sortir de leurs gonds certains acteurs de l'époque, notamment des militaires. L'ex-ministre de la Défense, Hervé Morin leur a fait écho lundi en déclarant que «s'il était logique que la France renoue des relations diplomatiques avec le Rwanda», il n'était «pas nécessaire» de recevoir Paul Kagame. «Qu'on puisse prêter un quelconque crédit à l'idée que des responsables politiques et des militaires français aient pu, en quelque sorte, être complices du génocide, c'est scandaleux», a répété lundi Hervé Morin.
Un petit dragon économique
À Paris, quelque deux cents manifestants ont rappelé au président rwandais son piètre bilan en matière de droits de l'homme. Diplomatiquement, Nicolas Sarkozy lui a fait valoir «son attachement à l'État de droit et à la coopération judiciaire entre les deux pays», selon l'Élysée. Mais, au total, les intérêts mutuels bien compris ont prévalu. Paul Kagame sait qu'il ne peut compter uniquement sur Londres et Washington, qui lui reprochent sa piètre gouvernance - et qu'il doit aussi compter sur Paris, sur un plan économique et diplomatique. La France, elle, ne peut ignorer un acteur incontournable dans les Grands Lacs et un petit dragon économique en devenir. Les engagements financiers au Rwanda vont passer de 23,7 à 42,2 millions d'euros et la France soutiendra les PME rwandaises et le programme national d'électricité, a-t-on appris lundi. Paul Kagamé a plaidé auprès de son hôte «pour plus de commerce, plus de partenariats» et en faveur d'investissements dans «le tourisme, les infrastructures générales…». Les retrouvailles franco-rwandaises sont consommées. Les arrière-pensées franco-rwandaises seront-elles solubles dans ce nouvel élan?
Author: Alain Barluet
Source: Le Figaro, du 13/09/2011
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