Sunday, February 5, 2012

RDC/GOMA : ARRESTATION SANGLANTE D'UN DEPUTE NATIONAL

GOMA : ARRESTATION SANGLANTE D'UN DEPUTE NATIONAL
Combien de morts y a- t-il eu le matin du jeudi 2 février 2012 dans l'enceinte de la résidence du député Dieudonné- Jacques Mithondeke? Quatre, deux du côté des gardes de Mithondeke et deux militaires de l'armée, selon le Général Mayala, Commandant de la 8ème Région militaire, qui a supervisé l'arrestation du député. Six, corrigent les voisins qui affirment avoir vu les corps de deux policiers de la Police Nationale Congolaise (PNC) et de deux militaires des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) avant que ne soient découverts ceux des deux gardes de Mithondeke. Au- delà du bilan, qui risque du reste de s'alourdir au vu du nombre des blessés graves dans les rangs de la PNC et de FARDC, les habitants du quartier Katindo-RVA de Goma ne sont pas près d'oublier une journée qui leur a rappelé les pires épisodes des dernières guerres de l'Est.

Les plus matinaux d'entre eux, ceux qui se lèvent tôt pour commencer la lutte pour la survie quotidienne, sont les premiers à constater une forte présence policière sur l'avenue Beni. Arme au poing, béret rouge sur la tête, manteaux sur les épaules, des éléments de la Police Militaire (PM) occupent les lieux depuis quatre heures du matin. Les voisins se passent le mot, les plus intrépides sortent et passent devant cette haie inhabituelle, sans aucun problème. Les élèves, à leur tour, quittent le quartier pour se rendre à l'école. Entre-temps, le déploiement de la PM se focalise autour de la résidence du député Mithondeke, qu'ils prennent en tenaille, en occupant l'entrée principale de sa maison et les parcelles voisines, l'arme tournée vers l'intérieur de la concession. De loin, on peut apercevoir le député en train de parler aux éléments de la PM postés autour de sa maison, alors que lui-même se trouve dans sa cour. Quelques longues minutes plus tard, une colonne de militaires FARDC, en tenue de combat, investissent l'avenue. La plupart d'entre eux se postent en face de la résidence du député, alors que d'autres occupent les deux extrémités de l'avenue. Plus aucun mouvement des civils n'est possible, et les voisins se rendent compte qu'ils sont pris au piège.

A huit heures, des balles crépitent. C'est le début d'un feu d'artifice qui va durer près de trois heures, les armes lourdes répondant aux armes légères, dans un périmètre de trente mètres carrés ! Plus tard, on apprendra que des éléments de la PM ayant tenté de prendre d'assaut le domicile de Mithondeke en franchissant le mur, les gardes de ce dernier les avaient cueillis à froid par la première salve de kalashnikov. Les premiers morts de ce jeudi noir venaient de tomber, et la tension avait atteint des sommets.

Alors que l'on assistait au renforcement des forces de la PNC et des FARDC sur les lieux, une colonne des forces onusiennes de la MONUSCO arrive sur les lieux. Leur interprète congolais, de l'entrée de la résidence, crie à tue-tête en swahili, un message destiné " à l'Honorable " pour qu'il se rende " parce que la MONUSCO est là " et que sa sécurité sera sauve. Le député faisait donc de la résistance. Plus tard il dira qu'il n'avait pas voulu se soumettre à une perquisition à des heures indues et qu'il avait invité les policiers à repasser à des heures normales. Mais après les échanges de tirs entre ses propres hommes et les éléments PNC/FARDC venus pour la perquisition ayant entraîné mort d'hommes, il sentait que l'équation s'était corsée.

La médiation de la MONUSCO ayant apparemment été un échec, et les tirs sur la résidence n'ayant pas contraint le député à se rendre, une grenade lacrymogène est lancée contre la maison. Une longue fumée bleue s'éleva de la parcelle de Dieudonné Jacques ; elle commençait à blanchir lorsqu'il se rendit au Général Mayala, qui le conduisit auprès de l'Auditorat militaire pour jugement en flagrance. Il était onze heures. Aux dernières nouvelles, il aurait été décidé en haut lieu de le transférer à Kinshasa. Sa femme et ses enfants, arrêtés plus tôt dans la matinée et emmenés à l'Auditorat militaire, ont été libérés dans la soirée.

Entre-temps, les éléments de la PNC et des FARDC avaient pillé systématiquement la résidence. Rien n'a été dédaigné. On a ainsi vu, sur les épaules des hommes en armes, de petits vieux matelas. On les a vus arborer au cou des pagnes ou des bottines reliées par leurs lacets. Ils ont emporté des chaises en plastic, un seau noir, un porte-voix, et même la corde où l'on étalait le linge à sécher. Parfois, ils s'éloignaient du lieu des opérations pour aller mettre en sécurité leur précieux butin, avant de revenir reprendre leur place dans le dispositif.

De quoi Mithondeke est-il coupable pour mériter pareil traitement ? Selon le Général Mayala, Monsieur Bakungu Mithondeke est accusé d'entretien une milice privée et de détention illégale d'armes. A l'issue de la perquisition, douze armes ont été récupérées, dont dix AK47 et deux armes d'assaut. Le gouvernorat de la province du Nord Kivu va plus loin, en accusant le député d'avoir planifié une attaque sur la ville de Goma pour le samedi 4 février 2012 ; la perquisition était donc une façon d'étouffer cette attaque dans l'œuf.

Dieudonné Jacques Mithondeke n'est pas à sa première confrontation sanglante avec la PM. Pendant la période de transition, alors qu'il vivait une sorte de cohabitation politique avec le Gouverneur Eugène Serufuli (alors issu de la rébellion du RCD), les éléments de la garde du vice- Gouverneur Bakungu Mithondeke (alors proche de Joseph Kabila) avaient tiré sur une patrouille PM envoyée pour les désarmer au motif qu'ils n'appartenaient pas à l'armée régulière. Le capitaine à la tête de la patrouille avait été tué sur place sans qu'aucune suite ne soit donnée à l'affaire. En 2006, le vice-Gouverneur a été élu Député national dans la ville de Goma pour le compte du parti présidentiel PPRD et a continué à bénéficier d'une garde armée.

En 2011, le député opère un double revirement ; il quitte le parti et le camp présidentiels pour embrasser l'Union pour la Nation congolaise (UNC) de Vital Kamerhe et pose sa candidature dans le Territoire de Masisi. L'impressionnant déploiement militaire et la mobilisation des principaux officiers de la PNC et des FARDC, ainsi que l'éventualité du transfèrement du député à Kinshasa semblent indiquer que cette affaire dépasse le niveau local et que Mithondeke, qui n'a pas su lire les signes des temps en continuant à se comporter comme du temps où il était très proche du pouvoir, est un homme politiquement fini.

Cependant, sa descente aux enfers risque d'exacerber les frustrations de sa communauté ethnique Hunde qui avait déjà commencé à exprimer des récriminations contre les résultats des législatives dans le Masisi où aucun des leurs n'avait été élu. Les élections dans le Masisi viennent d'être invalidées et, au cas où elles seraient réorganisées comme le demande la Commission électorale nationale indépendante, M. Mithondeke a très peu de chances de s'y présenter, avec ce dossier de meurtre d'agents de police et de l'armée en service qu'il va désormais traîner comme un boulet. La cohésion extrêmement fragile au Nord Kivu pourrait s'en trouver encore plus mise à mal.

Author: Onesphore SEMATUMBA
Source: Pole Institute, du février 2012

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