Thursday, March 15, 2012

RDC: La CPI prononce sa première condamnation

La Cour pénale internationale a jugé coupable de crimes de guerre Thomas Lubanga, un chef de milice congolais.

Thomas Lubanga est coupable et l'histoire s'en souviendra. Car en condamnant mercredi l'ancien chef de milice de la République démocratique du Congo (RDC), la Cour pénale internationale (CPI) a aussi rendu son premier jugement, dix ans tout juste après sa création. En 2002, à la signature des statuts de Rome qui mettaient sur pied la première juridiction transnationale permanente, cet avenir n'était pas si évident.

Beaucoup doutaient alors que la CPI ne voit vraiment le jour. À commencer par Thomas Lubanga. Celui qui était alors le tout puissant chef de l'Union des patriotes congolais (UPC) régnait sur Bunia, la capitale de l'Ituri. Un fief que le leader hémas s'était taillé aux dépens des Lundus dans une guerre ethnique qui fit plus de 70.000 morts. Sûr de lui, le seigneur de guerre intouchable recevait dans une vaste villa protégée par une meute de gamins en armes auxquels il ne prêtait pas la moindre attention. C'est pourtant la présence de ces enfants soldats qui le conduiront, plus tard, devant ses juges pour crimes de guerre. «La chambre a conclu à l'unanimité que l'accusation a prouvé au-delà de tout doute raisonnable que Thomas Lubanga est coupable d'enrôlement d'enfants de moins de quinze ans», a déclaré le juge britannique Adrian Fulford. Sur le banc des accusés, Thomas Lubanga n'a pas bronché à l'énoncé du verdict. Les juges fixeront sa peine ultérieurement.

Un «petit poisson»

«C'est un signal très fort que l'impunité n'existe pas, s'est réjoui Géraldine Mattioli, de l'ONG Human Rights Watch. Une transition très importante.» Une transition car pour tout symbolique qu'il soit, le jugement reste d'une portée modeste et ne fera pas taire toutes les critiques. Thomas Lubanga n'a de fait jamais été qu'un «petit poisson» du conflit qui a ravagé la RDC.

Pour s'installer, les magistrats de la CPI vont devoir maintenant démontrer leur capacité à juger les personnalités de premier plan déjà arrêtées. Le premier sera un autre Congolais, Jean-Pierre Bemba, candidat malheureux à la présidence en 2006. La cour détient aussi l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo. Les sceptiques redoutent que ces procès à venir s'enlisent, notant qu'il a fallu pas moins de cinq ans pour condamner, à grand mal, le «petit» Lubanga en première instance.

Les critiques demandent aussi que la CPI fasse la preuve de sa capacité à juger les véritables puissants pour gommer l'image d'une justice réservée aux seuls vaincus. Thomas Lubanga, arrêté en 2006, avait en effet été livré par le pouvoir de Kinshasa, qui se méfiait de lui. Mais son adjoint d'alors, Bosco Ntaganda, lui aussi poursuivi par la cour pour crimes de guerre, n'a jamais été inquiété. Général de l'armée congolaise, il vient même d'être promu. La CPI n'a pas non plus pu interpeller le président soudanais Omar el-Béchir, mis en examen pour génocide au Darfour. Quant au chef de guerre ougandais Joseph Kony, premier homme mis en examen par la CPI, il est toujours en fuite.




Author:Tanguy Berthemet



Source: Le Figaro, du 15/03/2012

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