Thursday, March 15, 2012

THOMAS LUBANGA DEVANT LA CPI: le verdict de tous les enjeux

La date du mercredi 14 mars 2012 est à inscrire en lettres d’or dans les annales de la Cour pénale internationale (CPI). La raison est simple ; c’est ce jour qu’elle a rendu son tout premier verdict dans le tout premier procès de crimes de guerre, qui s’est déroulé en son sein pour la première fois depuis son entrée en fonction en 2002.

Et celui à l’encontre duquel le verdict a été prononcé est le Congolais Thomas Lubanga, transféré en 2006 à la CPI, et dont le procès s’est déroulé entre janvier 2009 et août 2011. La CPI, en rendant son verdict hier 14 mars au terme de 220 audiences, a reconnu le fondateur de l’Union des populations congolaises (UPC) et ex-commandant en chef des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC, branche armée de l’UPC), coupable « d’enrôlement, de conscription et d’utilisation d’enfants soldats », durant la guerre civile en 2002-2003 en Iturie dans la nord-est de la République démocratique du Congo (RDC).

La peine qu’il encourt lui sera communiquée ultérieurement à une autre audience dont la date n’a pas encore été communiquée. En attendant, il a 30 jours à compter d’hier pour faire appel de ce verdict de la Cour. Sous réserve d’un éventuel appel qui pourrait rouvrir le dossier, on peut dire que c’est la fin d’un marathon judiciaire marqué par des huis clos, des suspensions d’audience, des joutes oratoires entre, d’une part, le procureur en fin de mandat de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, et les avocats du chef milicien, et, d’autre part, entre le même procureur et les juges de la Cour qui, en juillet 2010, avaient décidé de remettre provisoirement en liberté Thomas Lubanga.

On se rappelle aussi que le prévenu a passé le temps à nier l’accusation de crimes de guerre, à travers l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans comme soldats, en faisant savoir que les jeunes combattants lui étaient envoyés par leurs parents pour combattre dans sa milice créée pour défendre l’ethnie Hema contre celle Lendu. Mais au regard du verdict qui vient d’être rendu, cet argument, et bien d’autres comme la subornation des témoins par le procureur, n’ont pas prospéré. Le parquet a plus ou moins obtenu gain de cause avec ce verdict. L’accusé, âgé de 51 ans, a perdu la première manche. La CPI, depuis son entrée en fonction en 2002, fait l’objet de critiques acerbes surtout de la part de certains Africains.

Celle qui revient le plus souvent est son « acharnement » contre les Africains, surtout après l’émission d’un mandat d’arrêt contre un chef d’Etat en exercice, en l’occurrence Omar el-Béchir du Soudan. Puis, d’autres ont suivi : Mouammar Kadhafi, son fils Seif el-Islam ainsi que des ministres et des proches d’el-Béchir. Les mandats n’ont fait que décupler les critiques. En dehors de ces cas, il y a aussi les célèbres « clients » africains comme Jean-Pierre Bemba et Laurent Gbagbo qui attendent de passer dans le box de la CPI. L’ancien président libérien, Charles Taylor, y a déjà répondu et attend son verdict qui, en principe, doit tomber en avril prochain. Avec ce premier verdict, la CPI semble ne s’être pas laissée démonter par ces critiques. Elle est décidée à accomplir sa mission de punition des auteurs de crimes contre l’humanité sans distinction de races et rendre ainsi justice à tous ceux qui en sont victimes.

Déjà, le premier volet de son verdict dans l’affaire Lubanga a été salué par les organisations de défense des droits humains. La CPI veut se rendre utile à l’humanité et espérer, par son action, mettre fin ou, à tout le moins, juguler les conflits donnant lieu à des exactions souvent innommables contre d’innoncentes populations civiles. Seulement, c’est à se demander si ce premier verdict dissuadera les auteurs potentiels de crimes réprimés par la CPI.



Author: Séni DABO



Source: Le Pays, du 15/03/2012

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