La saison électorale qui s’est soldée par la victoire de Joseph Kabila Kabange (à travers la prouesse de la réalisation de deux séries électorales en cinq ans dans un contexte post-conflit – sans Armageddon !), avait connu une campagne électorale assortie d’une vertigineuse communication politique. L’arène politique avait vibré par l’usage de toutes sortes d’arsenaux discursifs. Envolées autosublimantes. Puis, valses encenseuses. Ensuite, splendide prestation de serment par ici, et auto proclamation onirique par là. Ce n’est pas fini : vaine tentative par quelques ecclésiastiques aux mois prisonniers des débâcles politiques des années 1990 (et d’une atterrante infécondité sociale pour le Zaïre), d’avilir le processus électoral. Ici aussi, on a repéré les résidus d’une communication d’avilissement des autres, par auto-sublimation. Dans cette réflexion je soutiens qu’il faut aller plus loin, au-delà de l’exigence d’une communication politique élégante et pacifique, pour jeter un regard exploratoire sur sa dimension ontologico-psycho-politique. C’est-à-dire pour tenter d’élucider, tant soit peu, dans quelle mesure notre communication politique révèle la nature première du politicien congolais et, ipso facto, offre quelques repères sur la conscience politique de notre société. Force est de relever que les spécialistes de la communication (journalistes et autres experts des medias) se focalisent sur les techniques et procédures de structuration, de transmission et de captage des transactions communicationnelles. Mais, au-delà, il y a l’aspect méta-communicationnel. C’est pourquoi ma cogitation propose la thèse d’une communication politique formatée par les donnes ontologico-psychiques, et par la culture politique dominante. J’y soutiens que la communication politique est traductrice d’une mentalité, et d’un état psychique. Ainsi, trois aspects essentiels sont explorés ici : le premier, qui est général, tente de proposer l’embryon d’un spectre typologique des communicateurs politiques congolais. Le deuxième aspect examine quelques prismes communicationnels de l’opposition (l’illogisme et le négationnisme). Le dernier aspect traite de l’impératif d’une approche communicationnelle républicaine. La conclusion propose les éléments d‘une communication politique développante.
1. DIALECTICIENS, SITUATIONISTES ET BRUMEUX Les politiciens congolais communiquent à profusion. Dans mon expérience d’Expert Principal en Gouvernance de Partis Politiques sur le plan continental, et tel que j’ai eu l’occasion d’observer la communication politique dans les pays comme l’Afrique du Sud, le Sénégal, le Cameroun, La Centre Afrique, le Tchad, l’Angola, je peux affirmer que la RDC souffre d’une sorte d’hyperinflation en communication politique. En outre, la communication politique congolaise est hyper intensive, diffuse, vertigineuse, et surtout déficitaire en termes de pédagogie politique démocratisante (pour ainsi dire). Mais, on ne saurait dire en termes absolus qu’elle est d’une valeur intellectuelle qui tient seulement sur la pointe d’une épingle. Politologue et acteur de cette communication, je repère ses bornes entre la dialectique progressive et le nihilisme régressif. Il me semble que de manière générale, les acteurs politiques congolais sont plus des commentateurs événementiels que de vrais communicateurs du politique. Ils communiquent surtout sur un mode diffus, sans cohésion thématique intégrant des faisceaux de pensées de propulsion sociétale. Cela est compréhensible. Il s’agit d’une classe politique qui, de manière générale, opèrent dans un système politique sous-développé. La discursivité politique y est encore tributaire de l’instinctif et de l’émotif. On y note un très faible niveau de structuration discursive cartésienne. Mais, on ne saurait pas proposer une typologie des communicateurs politiques en blocs parfaitement ciselés. Il convient de souligner aussi que l’opinion publique sur les prestations communicationnelles de politiciens congolais en général est très peu reluisante. Toutefois, il faut éviter toute généralisation abusive. Si l’on prend comme critère la passion de l’idéal couplée à la profondeur des idées, la cohérence argumentative et surtout la fécondité pédagogique des idées emises (cette vertu de socialisation dont parle Phlippe Braud), on peut discerner trois types de communicateurs politique au Congo : les dialecticiens, les situationistes et les brumeux. Souvent doctrinaires, les dialecticiens sont des idéalistes passionnés (les politiques passionnés pour puiser dans la typologie de Buffelan reprise par Joseph Kabila comme modèle de politiciens susceptibles d’œuvrer pour la Révolution de la Modernité). Dès les premières phrases de leur livraison discursive, on détecte de prime abord la flamme intense du rêve d’un Congo modernisé. Ils se distinguent par un système d’idées (system of ideas , pour puiser chez Lasswell) dans lequel ils puisent souvent et font recours à des concepts clés, par lesquels on peut les reconnaitre. L’une de leur marque est aussi le recours aux données scientifiques, mais aussi aux faits concrets pour corroborer leurs assertions. Ils allient doxa et praxis. Les dialecticiens proposent aussi des réflexions écrites. Ils étalent leur pensée sur papier. Parler est aisé. Ecrire exige une certaine profondeur intellectuelle et un effort mental assidu pour structurer la pensée et surtout partager ses idées. Sur le plan de la fonctionnalité politique (contribution des idées émises au progrès), qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, les dialecticiens présentent des antithèses aux thèses et actions porteuses des contradictions. Ils balisent ainsi la piste vers des synthèses incrémentales – comme dirait Charles Lindblom – ou des alternatives solides. Les dialecticiens de la majorité sont alertes pour anticiper sur le repérage des déficits et contradictions de ladite majorité, afin de proposer des actions correctives aux instances décisionnelles. Une majorité développée est celle qui possède des capacités autocorrectives. Ses gestionnaires et communicateurs sont aussi sensibles aux antithèses de l’opposition afin d’y repérer quelques éléments de vérité pouvant contribuer au progrès collectif. Par principe, les dialecticiens de l’opposition ne nient jamais les réalisations de la majorité, mais proposent la modalité du « mieux». C’est essentiellement à travers les communicateurs dialecticiens que l’opposition remplit sa fonction républicaine pour le développement. Dans l’arène politique congolaise, les dialecticiens se comptent aux bouts des doigts d’une seule main. Les situationnistes sont des réactionnaires opportunistes. Toute leur stratégie communicationnelle est fondée sur le positionnement afin de détrôner les gouvernants ou de défenestrer ceux dont ils envient les postes, voire de neutraliser leurs camarades dans la course au pouvoir – que ce soit dans la majorité ou dans l’opposition. C’est-à-dire que par essence leur pulsion communicationnelle première n’est pas mue par le progrès de la république, comme c’est le cas pour les dialecticiens, mais l’ascension au pouvoir ou la conservation des postes. Les situationnistes sont souvent les acteurs éjectés de leurs partis politiques. Ils créent ainsi les leurs pour revenir au pouvoir. Ce sont aussi souvent des acteurs ayant gouté aux délices de l’imperium et qui mettent en œuvre une stratégie communicationnelle de positionnement, selon la situation, ou au regard des enjeux du moment, pour « revenir aux affaires ». Il ne faut cependant pas s’y tromper : les situationnistes peuvent être aussi des communicateurs habiles et pointilleux. Mais leur cohérence discursive est généralement apparente. Il ne s’agit que d’un stratagème de rationalisation de leurs intérêts égotistes. La communication politique situationniste – que l’on retrouve un peu plus dans l’opposition – n’avance pas le pays. Souvent sophistes, les situationnistes de l’opposition n’ont généralement pas le mental structuré pour proposer des model alternatifs : ils déploient tous leurs armada discursifs dans l’avilissement de leurs adversaires de la majorité. C’est ainsi que leur rhétorique glisse irrémédiablement dans le mensonge, l’altération des faits, les conclusions biaisées, les injures et les imputations dommageables, mais habilement maquillés avec des arguments – souvent apparemment tissés avec des concepts biens ficelés sur la thématique de la justice, la liberté, l’Etat de droit (un concept dépassé, puisqu’ aujourd’hui l’idéal est celui d’un Etat développemental). Les brumeux, qui sont les plus nombreux (on en trouve quelque uns dans la majorité, mais ils sont plus nombreux dans l’opposition), sont légion dans l’arène politique congolaise. Ils sont souvent accusateurs. Calomniateurs et dénonciateurs inconsidérés, ils ont un verbe très incohérent. Ils sont repérables par leurs contradictions ; un lamentable manque de maitrise de concepts, des lacunes criardes dans leur saisie du fonctionnement institutionnel du pays, dédoublés d’une ignorance déplorable de l’histoire de la nation. Ils n’ont pas de système d’idées et sont fébriles dans les considérations personnelles et les commentaires presque puérils des événements. Reprenant souvent en échos les rumeurs et autres commentaires caricaturaux des places publiques (…et aussi des interprétations des salons à vin), ils sont exhibitionnistes, manipulateurs et émotifs. Au plan de la fonctionnalité communicationnelle, les brumeux de l’opposition peuvent être catégorisés comme des « agents provocateurs ». Ils sont les accessoires des situationnistes de l’opposition car leur rôle est d’énerver les gouvernants (les pousser à la faute pour ainsi dire). Les brumeux disent des « choses crues et grossières» que les situationnistes (qui veulent se faire passer pour des rédempteurs saints) ne peuvent faire sortir de leurs bouches. Dans l’opposition, les brumeux sont les agents de divisions et de l’affaiblissement.
2. EXPLORATION DE L’ILLOGISME ET DU NEGATIVISME DE L’OPPOSITION
L’illogisme de la communication politique de beaucoup d’acteurs de l’opposition peut être compris, dans le canon des modes de conceptualisation (en logique formelle), comme l’expression de la pensée par laquelle un communicant désigne un objet réel porteur d’un concept approprié, par un autre concept (ou signifiant) négateur du signifié. C’est-à-dire que très souvent, la communication politique de certains acteurs de l’opposition opère sur un mode de «la contradiction ». Par exemple, très souvent, l’on entend de nombreux communicateurs de l’opposition dire qu’une route nouvellement construite est «rien », un nouvel hôpital est «rien». Force est de souligner, cependant, qu’une route ou un hôpital qui est là, dans le réel, comme objet matériel palpable, avec toutes ses notes d’intelligibilité (tous les éléments d’une route ou d’un hôpital), ne peut pas être à la fois une route (ou un hôpital) et rien. Même si l’on saisissait une telle expression de la pensée (cette route est rien) comme une figure de style (dans un entendement métaphorique), une telle expression de la pensée frise l’absurde. Parce que même si la route ainsi désignée est porteuse de quelques éventuelles imperfections, le concept (signifiant) rien ne peut être déployé comme porteur d’expression pour designer ladite imperfection. A la rigueur, on pourrait recourir au concept générique route, en utilisant d’autres signifiants d’exception pour ainsi designer l’imperfection. Ceci est d’autant plus vrai qu’une imperfection (par exemple la fragilité de quelques matériaux pouvant être corrigée) n’est pas extinctrice de tous les autres éléments essentiels d’une route, et encore moins annulative de sa fonctionnalité. En ce qui concerne le négativisme ou le nihilisme de la communication politique de l’opposition, il peut se concevoir comme un «état psychique de répulsion» ou de rejet. On le saisit dans l’illogisme négateur : «la croissance économique de – 4 % sous Mobutu à 6 % sous Joseph Kabila c’est rien» ; «l’effacement de la dette de $13 milliard c’est rien». Loin de constituer simplement une trame de communication oppositionnelle, ou des métaphores, toutes ces négations traduisent en réalité une «psychose nihiliste». En effet regarder un objet palpable et en nier l’existence (le designer comme rien, donc comme inexistant) est souvent la conséquence d’un état psychologique dont on est inconscient, mais qui procède d’un reflexe de répulsion provoqué par une impulsion égotiste. Une telle impulsion égotiste découle d’un moi politique altéré, enflé, par lequel le sujet se considère comme le détenteur du monopole de la production du bien. Inconsciemment, le sujet qui glisse dans la négation systématique de la réalité souffre d’un égotisme de répulsion qui le rend incapable de reconnaitre l’autre comme producteur du bien. Tout le problème psychopolitique est là : ceux (politiciens et prélats) qui avaient noyé le Zaïre dans les tourments politiques infeconds dans les années 1990 ont du mal à accepter que le fils de Mzée en soit, lui, le modernisateur. Mais l’histoire a ses raisons : lorsqu’ une génération s’est avérée inféconde pour produire la démocratie et lancer le développement, la société, par des détours qui nous échappent parfois, produit d’autres agents de modernité. Conclusion : Nécessité de la discursivité politique républicaine pour la consolidation de la démocratie La démocratie, et plus vitale, la consolidation de la démocratie, ne sont pas des phénomènes naturels. Il s’agit des accomplissements des peuples conduits vers la conquête des horizons de l’élévation ontologique totale par des élites transformationnelles. La substance de la communication politique, ses logiques et trames sous-jacentes, reflètent la qualité de l’élite (progressive ou régressive). Et l’émergence des élites de transformation procède d’une résolution collective de mutation : mutation de notre esprit collectif, de notre regard sur nous-mêmes, mutation de l’entendement de notre destinée, et surtout une mutation de notre ambition comme nation dans le contexte d’une mondialisation hyper compétitive. Si nous voulons émerger comme nation compétitive (comme ambitionné par le Chef de l’Etat dans son speech inaugural), nous sommes obligés de purger nos protocoles logico-politiques des inepties affaissantes. En d’autres termes nous devons commencer par la Révolution de la Modernité sur le plan anthropologique : devenir des hommes modernes producteurs de modernité. Contrairement aux thèses régressives, la Res Publica se conçoit comme espace de rationalité et de moralité. Ces deux paramètres de la civilisation démocratique développementale, sont les produits des efforts de transformation par les élites, surtout politiques, qui, au-delà du rituel électoral, recherchent et proposent à leurs concitoyens des idées, des projets de l’élévation collective. Oui, depuis la tradition des anciens, la Res Publica est le produit des hommes libérés de l’instinct de l’avilissement et de l’anéantissement de leurs semblables. Née avec l’éclosion de la logique et ayant une fonction civilisatrice, la polis, c’est l’espace de la célébration de l’homme comme esprit qualitatif en permanente mutation modernisatrice.
Source: La Prospérité, du 16/01/2012
Welcome to the Rwanda-Drc-Burundi-Ouganda Blog. Well, this blog will gather daily, all interesting news related to some countries of the greatlakes region. Our attention will focus primarily on the DRC and Rwanda. I believe these two countries have come a long way and proceeding in the right direction (provided that they build, from now on stronger institutions!). In addition, some interesting news from Africa and other parts of the world will be posted from time to time.
Subscribe to:
Post Comments (Atom)
Bonjour, je suis un lycéen s’intéressant énormément à la géopolitique qui a l'habitude de lire les articles des journaux et sites politiques congolais.
ReplyDeleteMoi même d'origine congolaise, j'ai été choqué par l'incapacité des dirigeants actuels de la RDC à gérer des crises économiques,sociales et géopolitique sans précédent.
C'est ce pourquoi j'ai de nombreuses questions à vous poser.
Quel est ,actuellement, l'homme politique congolais dont les idées sont les plus cohérentes et les intéressantes par rapport à la situation actuelle du pays ?
Qui pour succéder à Joseph Kabila ?
Pourquoi ce pays ne mise t-il jamais sur la jeunesse, qui regorge d'énergies et d'espoir ?
Le pays doit-il abandonner ce système capitaliste et installer une politique de relance budgétaire plus rigoureuse ?
Le problème de l'Homme Africain ne vient il pas du fait qu'il continue à garder une soumission à l'Homme Blanc ?
Est-ce que le projet hydroélectrique du Barrage Grand Inga au RDC va permettre une revitalisation rurale et une percée économique de la province du Bas-Congo ?
Est-ce que les étroites relations économiques et diplomatiques qu'entretiennent la Chine avec le RDC depuis ont eu un impact positif et significatif sur le pays ?
Quelles industries le RDC doit il développer afin d’être compétitifs avec les autres d'Afrique émergents tels que l'Afrique du Sud et la Tunisie ?
Afin de sortir de cette situation politique et économique catastrophique le RDC doit-il prendre pour modèles des pays comme et la Chine et l'Afrique du Sud qui ont su exploiter leurs ressources et miser sur l'innovation ?
Merci d’avance pour vos réponses.