Une électrice dans un bureau de vote en 2006 En 2011 comme en 2006, les Congolais sont allés aux élections les cœurs pleins d’espoir. En 2011 plus qu’en 2006, une douche froide s’est abattue sur la nation à la suite de l’annonce des résultats de l’élection présidentielle. Depuis lors, on maudit le ventre qui jadis enfanta Daniel Ngoy Mulunda, le président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). On voue aux gémonies le principal bénéficiaire de la plus grande farce électorale qu’ait connue l’Afrique. Le défoulement est certes important après un si grand désenchantement. Mais cela n’avancera nullement le Congo dans sa quête légitime de démocratie. Qu’une nation entière ait fondé par deux fois et en moins d’une décennie ses espoirs sur un système de gouvernement dont les tares sont pourtant visibles, il y a de quoi douter de la capacité de l’homme congolais à se relever un jour. Car ce qui est arrivé était non seulement prévisible, mais également annoncé à travers des écrits publiés in tempore non suspecto et toujours disponibles dans la rubrique «Archives» du journal en ligne CIC. Prenons le cas de la CENI aujourd’hui décriée dans toutes les langues nationales et tribales du Congo. Publié le 1er août 2011, l’article « CENI : où est l’indépendance ? » soulignait déjà l’aveuglement des opposants congolais. L’auteur, Mr. Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo, pour ne pas le citer, notait : «Les hommes politiques congolais ont participé fièrement à la construction de l’indépendance (fictive) de la CENI. Avec enthousiasme, ils ont accepté de se porter candidats à la prochaine élection présidentielle en sachant que la Cour suprême de justice, qui devra proclamer les résultats définitifs de l’élection, est inféodée à l’un des prétendants au fauteuil présidentiel, à savoir le président sortant. Rien n’a été fait pour affranchir les membres du bureau de la CENI du poids de l’Exécutif et de la classe politique. Leur désignation par celle-ci gâche tout. Le rapport clientéliste liant le président de la CENI à celui de la république alourdit la note. L’inexistence de l’indépendance de la CENI est une évidence qui crève les yeux. Pourtant, les hommes politiques, pouvoir et opposition confondus, ont le sentiment d’un devoir bien accompli. Demain, les opposants seront les premiers à contester la neutralité de la CENI et de la Cour suprême de justice. Peut-on être plus inconséquent? A-t-on le droit de blâmer autrui de tirer profit d’une faiblesse institutionnelle à laquelle on aura contribué ou qu’on aura cautionnée soi-même? » Passons à l’enjeu majeur de la dernière élection présidentielle. Que fut-il ? Gagner cette élection ? Oui, mais il y avait un mais que les opposants ne semblaient pas voir et que l’auteur cité ci-dessus avait dévoilé dans un autre article intitulé « De la fragilisation du front commun de l’opposition ». Cet article publié le 21 février 2011 réagissait notamment à la vision de l’enjeu électoral telle que perçue par le premier des opposants, à savoir Tshisekedi wa Mulumba. Réécoutons-le : « Je n’ai pas lutté vingt ans pour laisser ma place à un autre. C’est pour rester, prendre le pouvoir et instaurer un Etat de droit. Celui qui n’est pas d’accord avec le programme de l’UDPS, il est libre de faire ce qu’il veut, il n’est pas obligé de faire plate-forme avec l’UDPS. Mais l’UDPS est préparée à se présenter aux élections et à les gagner ». « Quelle naïveté ! », s’était déjà exclamé l’auteur de l’article avant de mettre l’accent sur le véritable enjeu de l’élection en ces termes : « Joseph Kabila ne peut se permettre d’organiser une élection présidentielle qu’il perdrait. Dans le cadre de la démocratie de façade dont l’impact sur les populations est différent d’un leader à un autre, ce qui est le propre de tout régime politique, l’enjeu pour l’opposition n’est pas de gagner simplement, mais de gagner de manière à ce que les fraudes que l’imposteur mettra en place deviennent si grossières que ses maîtres occidentaux ne se permettraient de les minimiser. D’où l’intérêt pour l’opposition de rester soudée et de se préparer à allumer l’étincelle du soulèvement populaire afin de jeter hors du territoire national le cadeau empoisonné de la vie sexuelle désordonnée de l’aventurier Laurent-Désiré Kabila ». Tshisekedi était celui qui avait tout intérêt à ce que l’opposition reste unie. Depuis l’ouverture officielle du processus de démocratisation au Congo, le 24 avril 1990, sa popularité est si immense qu’il ne peut être battu à une élection présidentielle à un seul tour. A sa place, tout fin politicien aurait accordé à Kamerhe, Kengo et bien d’autres petits animaux politiques se réclamant de l’opposition les postes qu’ils convoitaient quitte à les éjecter de leurs sièges après une année de pouvoir, le temps de s’assurer que le nouveau pouvoir était bien assis. Mais Tshisekedi, lui, était resté égal à lui-même comme l’avait si bien noté notre auteur en écrivant : « Tshisekedi adore surfer sur la vague de sa popularité, qui est bien réelle, au point d’oublier que la politique ne se fait pas avec le peuple, mais avec la classe politique. Aussi a-t-il toujours fini par être marginalisé en dépit de son immense popularité. Du 24 avril 1990 à ce jour, on peut affirmer que Tshisekedi a fait partie de notre misère et non de sa solution. En fragilisant aujourd’hui le front commun de l’opposition tant attendu par notre peuple longtemps humilié et martyrisé, il commet une énième erreur politique. Celle-ci ouvrira un boulevard triomphal à l’imposteur qui mérite mille et une fois d’être pendu haut et court… pour ses violations graves des droits de l’homme et ses nombreux crimes contre l’humanité. Faudra-t-il continuer à le maudire ou devra-t-on se maudire soi-même? » Qu’on se comprenne bien. On ne s’attend pas à ce qu’un leader charismatique de la trempe de Tshisekedi soit une foudre d’intelligence. Le moins que l’on puisse attendre de lui, c’est qu’il soit entouré de têtes pensantes capables d’éclairer sa voie vers la magistrature suprême. Le drame de Tshisekedi est de s’être toujours entouré d’intellectuels avant tout soucieux de le caresser dans le sens du poil afin de participer un jour au festin du pouvoir. Tel fut, par exemple, le sens de l’article intitulé « Elections présidentielles et l’incontournable bipolarisation », signé par Tharcisse Loseke Nembalemba, membre co-fondateur et chargé des relations extérieurs de l’ECiDé, lequel article voyait en Tshisekedi « le seul vrai opposant ». Dans l’article « L’éternelle misère de l’opposition » publié le 8 février 2011, Mr. Mayoyo avait une fois de plus réagi à une vision aussi manichéenne de l’espace politique congolais. Mais surtout, l’auteur avait souligné l’étonnante incapacité de l’opposition incarnée par Tshisekedi à tirer des leçons de ses échecs passés. Car, écrivait-il au sujet du processus de démocratisation sous Mobutu, « Plus l’UDPS discréditait ou excommuniait les « faux opposants », plus l’avenir de Tshisekedi se situait derrière lui. Rejouer un air aussi fatal, n’est-ce pas être amnésique? ». Il est ironique de constater qu’après l’annonce des résultats de la dernière élection présidentielle, plus personne dans le camp de Tshisekedi ne considère Vital Kamerhe, par exemple, comme un « faux opposant ». Mieux, l’opposition qui était partie à l’élection en ordre dispersé s’est enfin réunie pour une contestation aux résultats connus d’avance. Le sort des Congolais dépendra pour longtemps de l’attitude de leurs dirigeants dans le face-à-face inégal qu’un pays potentiellement aussi riche entretient avec les grandes puissances. Tshisekedi a eu l’intelligence de faire un tour en Occident avant l’élection présidentielle. Malheureusement, il en a tiré une conclusion empreinte de naïveté ; ce que notre auteur n’a pas manqué de souligner dans l’article « Adieu la bipolarisation ! » datant du 28 juillet 2011. « Lors de mes rencontres, disait alors Tshisekedi, j’ai exhorté mes interlocuteurs occidentaux à s’abstenir de toute ingérence dans nos affaires comme ce fut le cas en 2006. Je leur ai demandé de laisser le peuple congolais choisir librement la personne de son choix pour le diriger. Je crois pouvoir dire que le message a été bien reçu. Et cet excès d’optimisme, je pense que nous pouvons avoir nos apaisements de ce côté-là. Personne ne viendra nous imposer quelqu’un choisi à l’extérieur ». Pourtant, il suffit de comparer l’attitude des puissances occidentales dans la gestion les dossiers ivoirien et congolais pour se rendre compte qu’elles restent mues par leur droit à choisir les dirigeants africains. En Côte d’Ivoire, elles s’étaient mobilisées militairement pour légaliser les fraudes électorales de leur candidat Alassane Ouattara au nord du pays. Au Congo, elles se taisent ou réagissent timidement pour atteindre le même objectif : laisser passer les fraudes électorales de leur candidat qui contrairement à Ouattara détient tous les rênes du pouvoir. Pourquoi ? Parce que le radicalisme de Tshisekedi pendant la campagne électorale, « Ya Tshi-Tshi, zongisa ye na Rwanda », n’a pas rassuré ceux qui ont décrété l’impunité du Rwanda face à tous les crimes commis au Congo, lequel Rwanda s’est toujours caché derrière Joseph Kabila. Pauvre Congo ! A chaque tournant décisif de son histoire, il faut qu’un dirigeant impulsif soit plus populaire que tous les autres leaders politiques. Hier le «nationaliste» Patrice Emery Lumumba qui voulait l’indépendance totale et immédiate alors qu’il n’en avait aucun moyen. Hier encore le «libérateur» Laurent-Désiré Kabila qui se bombait le torse en tant que nationaliste pendant qu’il assurait avant tout la promotion de ses frères ethnico-régionaux. Et depuis 1990 le « Moise-sauveur » Etienne Tshisekedi wa Mulumba dont les caprices et erreurs ont eu pour mérite de maintenir le cap sur la descente aux enfers du pays. Tant que les Congolais n’auront pas compris qu’entre le radicalisme de ces trois hommes politiques et la compromission du «Guide éclairé» Joseph-Désiré Mobutu puis du « Raïs » Joseph Kabila Kabange, il y a plusieurs autres attitudes responsables face à la domination occidentale, l’histoire du pays restera écrite en lettres de misère, de larme et de sang. A moins d’un coup de force ou d’un miracle, pour ceux qui y croient, Joseph Kabila a désormais les coudées franches pour que sa dictature rivalise celle de Mobutu en durée. Les prochaines étapes de cette dictature sont déjà connues : révisions constitutionnelles sur le nombre et la durée du mandat présidentiel. Que faire maintenant ? Continuer à crier haro sur le duo Ngoy Mulunda-Kabila Kabange ? Applaudir Etienne Tshisekedi qui vient de commettre une erreur supplémentaire en s’autoproclamant président de la république, allant jusqu’à prêter serment dans sa résidence, ce qui lui aliène en Occident le peu de crédit qui lui restait de son statut de victime ? Même si par bonheur le peuple longtemps abâtardi par les Églises de réveil ou, mieux, du sommeil venait à se soulever comme ailleurs en Tunisie, en Egypte ou en Lybie, construire une démocratie effective sera la finalité d’un tel soulèvement. Or, depuis le 24 avril 1990, les Congolais n’ont rien entrepris qui aille dans ce sens ; ce qui explique le désenchantement généralisé au lendemain des élections. Ce constat amer nous renvoie une fois de plus à Mr. Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo dans son article cette fois publié le 13 mai 2010 : « Plaidoyer pour une alternative à la démocratie partisane et conflictuelle ». Oui, il est temps que les Congolais se détournent de marchands d’illusions que sont leurs hommes politiques tant du pouvoir que de l’opposition. Il est temps que les Congolais se mettent enfin à l’écoute des idées-outils susceptibles de les sortir un jour des marécages. Et ce ne sera jamais la démocratie des singes en vigueur depuis 2006. Author: Nkwa Ngolo Zonso Source: Congoindépendant 2003-2012, du 24 Janvier 2012
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Welcome to the Rwanda-Drc-Burundi-Ouganda Blog. Well, this blog will gather daily, all interesting news related to some countries of the greatlakes region. Our attention will focus primarily on the DRC and Rwanda. I believe these two countries have come a long way and proceeding in the right direction (provided that they build, from now on stronger institutions!). In addition, some interesting news from Africa and other parts of the world will be posted from time to time.
Wednesday, January 25, 2012
RDC: Tosuki wapi?
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