La Cour pénale internationale (CPI) a lancé un mandat d’arrêt international contre Mouammar Kadhafi et deux de ses proches. C’est la deuxième fois, après le cas du soudanais Omar el-Béchir qu’elle tente de faire arrêter un chef d’Etat africain pour le juger. Mais faute de moyens de contrainte, ses décisions ne sont pas appliquées.
Après Omar el-Béchir, Mouammar Kadhafi. La CPI a annoncé lundi qu’elle allait décerné un nouveau mandat d’arrêt international contre un chef d’État encore en exercice. C’est le guide libyen dont le pays est en proie à une rébellion armée depuis février, qui est cette fois visée par le tribunal chargé d’appliquer une justice universelle. « Il y a des motifs raisonnables de croire que (...) Mouammar Kadhafi, en coordination avec son cercle rapproché, a conçu et orchestré un plan destiné à réprimer et à décourager la population qui était contre le régime », a déclaré au siège de la CPI à la Haye aux Pays-Bas, la juge Sanji Mmasenono Monageng, en annonçant la décision de poursuivre le dirigeant libyen. Le mandat de la CPI contre Mouammar Kadhafi concerne également son fils Seif a-Islam et le chef des services de renseignements libyens, Abdallah Al-Senoussi.
C’est la deuxième fois, en deux ans, que la CPI vise directement un président encore en fonction. En 2009, ce tribunal avait déclenché une procédure similaire contre Omar el-Béchir, le maitre de Khartoum. Dans un premier temps, il l’avait inculpé de crime contre l’humanité et de crime de guerre et décerné un premier mandat d’arrêt contre lui. En appel, l’accusation de génocide en lien avec les événements du Darfour avait donné lieu à un deuxième mandat d’arrêt.
Dans leur traque mondiale des chefs d’Etat en indélicatesse grave avec les droits humains, les magistrats internationaux de La Haye n’ont pas l’intention de s’arrêter à ces deux cas. Laurent Gbagbo, le président sortant de la Côte d’Ivoire, pourrait être lui aussi poursuivi. Lundi, une mission d’évaluation de la CPI s’est rendue en Côte d’Ivoire. Objectif : enquêter dans l’optique d’établir si des faits qualifiables de crime contre l’humanité ont pu être commis, pendant la crise postélectorale, qui a coûté la vie à plus de 3000 Ivoiriens. Le rapport de la mission d’évaluation pourrait permettre au procureur de la CPI, Luis Moreno Ocampo, d’ouvrir une information judiciaire et de lancer des mandats d’arrêts. A Abidjan, l’arrivée de cette mission à dû réjouir le nouveau président, Alassane Ouattara. Celui-ci ne cache en effet pas son souhait de voir son ancien rival, Laurent Gbagbo, qu’il a fait placer en résidence surveillée à Korhogo dans le nord du pays, traduit devant la justice internationale. Le 3 mai, il avait écrit à Luis Moreno Ocampo pour lui demander de diligenter des « enquêtes indépendantes et impartiales sur les crimes les plus graves commis depuis le 28 novembre 2010 sur l’ensemble du territoire ivoirien ». Pour que « les personnes portant la responsabilité pénale la plus lourde pour ces crimes soient identifiées, poursuivies et traduites devant la CPI ». Une allusion à peine déguisée au président sortant et ses proches.
Beaucoup d’initiatives pour peu de résultats
Si la CPI affiche volontiers son courage et sa détermination à poursuivre des chefs d’Etat soupçonnés de crimes graves, ses initiatives peinent cependant à aboutir. Lorsque les mis en cause ne lui dénient pas toute compétence à les juger, ils s’autorisent à la narguer. Les autorités libyennes ont ainsi contesté le mandat d’arrêt annoncé contre Mouammar Kadhafi, en rappelant que Tripoli n’avait pas ratifié le statut de Rome, traité fondateur de la CPI. Nouveau ministre libyen de la Justice, Mohamed Al-Gamoudi a fait savoir que son pays « n’accepte pas la juridiction de la Cour ». Selon lui, le mandat de la CPI constitue en réalité une « couverture pour l’Otan qui a essayé et tente encore d’assassiner Kadhafi ».
De son côté, Omar el-Béchir ne s’est jamais montré inquiété par les mandats d’arrêt délivré contre lui, qui ne l’empêche pas de se déplacer à l’étranger. Les Etats-Unis ont demandé au président soudanais de se présenter à la justice. Il n’a pas jugé utile de réagir. Lundi soir, il est arrivé à Pékin, en Chine, pour une visite officielle. Après s’être rendu chez plus d’une dizaine de ses paires africains, dont plusieurs le soutiennent ouvertement.
Ancien président du Tchad, accusé de graves crimes par de nombreuses associations de victimes et visé par un mandat d’arrêt international délivré par la justice belge en 2005, Hissène Habré avait pareillement échappé à la CPI. Même si dans le cas de l’ancien président, exilé au Sénégal depuis son renversement lors d’un coup d’Etat orchestré en 1990 par Idriss Déby, c’est cette juridiction même qui s’était déclarée incompétente : adjointe au procureur de la CPI, Fatou Bensouda avait argué que les faits reprochés à l’ancien dictateur tchadien s’étaient produits avant la création du tribunal international.
Créée en deux temps, entre 1998 et 2002, sous l’impulsion de l’ONU, la CPI est indépendante du Conseil de sécurité. Cependant, l’adhésion des Etats au statut de Rome qui l’institue dépend de leur bon vouloir, ce qui la fragilise. Plus significatif, la CPI ne dispose pas de force contraignante de nature à mettre ses décisions en application. L’exécution de ses mandats dépend donc du bon vouloir des États. D’où son manque actuel d’efficacité.
Author: René Dassié
Source: Afrik.com, du 29/06/2011
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