Wednesday, June 15, 2011

RDC : Complot et/ ou ignorance crasse

Le Congo dit république démocratique n’est pas le seul pays à regorger d’immenses richesses du sol et du sous-sol. Si les autres pays se retrouvant dans les mêmes conditions que notre pays ont pu créer un tant soit peu de bonheur pour leurs populations, le Congo le peut, lui-aussi. Pourvu qu’il rompe avec la logique de la bouc émissairisation, deviennent un « Etat droit » et fasse des choix politiques et économiques responsables.

Si asphyxier le Congo (RD) peut être un objectif en soi pour les penseurs rétrogrades d’un monde à jamais unipolaire, les choix pour une véritable indépendance économique et politique de notre pays relèvent des décisions politiques et risquées des filles et fils de notre peuple. Il est plus facile de crier au complot que d’examiner sans complaisance nos choix politiques et économiques. Quand, après avoir été victimes des programmes d’ajustement structurel sous Mobutu, nous embrassons le FMI sous Joseph Kabila (, Muzito et Gizenga avec l’appui d’Olivier Kamitatu) en acceptant que nous sommes un pays pauvre très endetté sans un audit préalable de notre dette extérieure, nous devrions répondre de notre ignorance crasse. Etre responsables, c’est apprendre à répondre de ses actes dans chercher des boucs émissaires.

Quand nos amis du journal Le Potentiel (de ce 13 juin 2011) publie un article intitulé « gel des dépenses prioritaires de l’Etat, le complot », ils insultent l’intelligence congolaise éveillée et au courant du fonctionnement des IFI. Le gel des dépenses prioritaires de l’Etat est une monnaie d’échange de l’annulation d’une bonne partie de la dette odieuse de notre pays. Le FMI ne donne jamais le beurre et l’argent du beurre. Quand, pour conforter leur publicité de bons gestionnaires de la res publica, Joseph Kabila et ses gouvernements successifs acceptent d’embrasser l’initiative des pays pauvres très endettés du FMI, ils acceptent de geler certaines dépenses contraignantes de l’Etat (manqué). Asphyxier l’Etat, n’est donc pas un choix extérieur à l’Etat (manqué) congolais. C’est une inconséquence d’un choix non-réfléchi ; d’un choix historique sans un examen sérieux des engagements pris avec les Institutions Financières Internationales (IFI). Tel est le contexte dans lequel l’Etat (manqué) congolais ne réussit pas à assumer ses fonctions régaliennes. Si ces choix étatiques (manqués) ont quelque chose à voir avec les élections, ce que les options prises en suivant les conseils du FMI ont des incidences négatives sur les droits sociaux, économiques et culturels des populations congolaises. S’il arrivait qu’il y ait des soulèvements populaires, ceux-ci seront une réponse aux choix étatiques intéressés des gouvernants congolais. Ils ont cru que leur plébiscite suivant l’annulation de la detteodieuse contribuerait à leur reconduction à la tête du pays après les élections probables de novembre 2011. Certains médias congolais y ont aussi cru. Le comble est que la mentalité sorcière cherche à nous convaincre, par-delà les choix impopulaires de l’Etat (manqué) congolais, que notre pays va être victime d’un complot préconisant une période de transition.

A notre humble avis, le complot n’est pas qu’extérieur. Il est aussi intérieur et mesquin. Il relève, pour une bonne part, de l’entretien (voulu ?) de l’ignorance. Il a parti lié avec le coupagisme médiatique. Les médias kinois, ignorants et/ou informés des procédures des IFI, ont continué à adouber les gouvernants congolais tout en sachant qu’ils s’engageaient sur une voie risquée avec le FMI. (Le journal Le Potentiel a publié à plusieurs reprises les articles du Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-monde (CADTM) explicitant les risques que notre pays prenait en s’engageant avec le FMI. Aucune leçon ne semble en avoir été tirée.)

Au Congo, l’entretien de l’ignorance retarde « la révolution ». Ailleurs, en Grèce comme en Espagne, le rejet des mesures d’austérité du FMI appliquées par les parlements bourgeois sont rejetées par « les peuples indignés » qui sont descendus dans la rue. Quand le journal Le Potentiel publie un article lié aux conséquences de ces mesures d’austérité des IFI en parlant du complot (sans expliciter le niveau où ce complot intervient), il participe, à notre humble avis, de l’entretien de l’ignorance des mécanismes qui sont à la base desdites mesures d’austérité.

De toutes les façons, s’il y a complot, il est à situer au niveau des procédures des IFI que les apprentis politiciens et journalistes n’arrivent pas à maîtriser pour des actions révolutionnaires ; c’est-à-dire, capables de renverser le système.

Face à la brutalité de cette vérité, certains journalistes plongent dans la bouc-émissairisation, dans la mentalité sorcière, pour cacher leur rôle partisan dans le traitement de la question de l’avilissement des économies africaines et congolaise au profit de l’économie néolibérale.

Malheureusement, la mentalité sorcière n’aide pas. Une éthique de la résistance et de la responsabilité socio-politique, économique et culturelle, un appel à la politique conçue dans une société appréhendée comme un lieu de coopération et de délibération entre des citoyens libres et égaux sont, aujourd’hui, des atouts indispensables au renversement de la vapeur chez nous. Tant que nous n’aurons pas compris cela, nous accuserons toujours l’extérieur pour nous dédouaner de nos choix a-citoyens, partisans et compromettants pour notre devenir collectif.



Author:J.-P. Mbelu




Source:  Congo Libre, du 14/06/2011

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