Friday, December 31, 2010

RDC 2010 : bilan mitigé

Le peuple congolais tourne, ce vendredi 31 décembre à minuit, la dernière page de 2010 qui aura été, selon le président Joseph Kabila, « une véritable année de grâces ». Pour avoir, notamment atteint « envers et contre tout, le cinquantenaire de notre indépendance dans l’unité et la paix retrouvées (…), de nous voir finalement déchargés du lourd fardeau de la dette, avec l’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative PPTE (…) de voir, pour la troisième fois, un fils de notre pays créé Cardinal ». Quant au bilan lié aux « œuvres », les avis sont partagés.

« Si vous ne croyez pas à ma parole, croyez au moins à mes œuvres », a recommandé aux incrédules le président de la République, Joseph Kabila Kabange, dans son discours sur l’état de la Nation devant l’Assemblée nationale et le Sénat, le 8 décembre 2010 au Palais du peuple. Faisant le bilan de son mandat à 12 mois de son terme.

« Trois ans après, où en sommes-nous ? », s’est-il interrogé évoquant le «pacte conclu avec le peuple congolais» en 2006 lui imposant «cinq objectifs».

En cette fin d’année de «grâces», les avis divergent sur l’action du gouvernement quant au «rétablissement et (à) la consolidation de la paix», à la «réhabilitation de l’Etat dans ses prérogatives régaliennes», à l’«amélioration de la gouvernance politique, économique et sociale», la «relance économique» et à la «reconstruction du pays».

Si la majorité présidentielle au pouvoir salue des avancées significatives, l’opposition par contre émet toujours des doutes.

PAIX «FRAGILE EN CERTAINS ENDROITS»
Globalement, la situation sécuritaire s’est sensiblement améliorée en RDC en 2010. «Quoiqu’encore fragile à certains endroits, la paix est bien de retour sur pratiquement l’ensemble du territoire national. Ainsi, aujourd’hui, sur les 145 territoires qui composent notre pays, il n’y en a que 5 qui connaissent des perturbations, et font donc l’objet d’opérations militaire », a déclaré le chef de l’Etat le 8 décembre 2010.

Pour Joseph Kabila, «cela est le fruit d’une politique bien réfléchie (…), une politique combinant pression militaire, dialogue politique, initiatives diplomatiques et action humanitaire».

« A ce jour, si la quasi-totalité du territoire congolais est entrée de plain-pied dans l’ère post conflit, de nouvelles poches de non droit, réfractaires aux changements démocratiques, ont resurgi dans les territoires de Rutshuru et de Masisi au Nord-Kivu, ainsi que dans ceux d’Irumu et de Djugu en Province Orientale, provoquant à nouveau mort d’hommes et désolation», avait-il déjà déploré le 13 décembre 2008 devant les sénateurs et les députés réunis au Palais du peuple.

Quoique, douze mois plus tard, il se réjouisse en 2009 de ce qu’il n’y ait « plus, dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, à proprement parler de guerre, sinon celle que nous faisons aux FDLR». Ce qui était «une nouveauté, particulièrement pour les adolescents de la région (qui), depuis leur naissance, n’avaient connu que bruits de bottes et de canons».

Sur cet aspect de la question sécuritaire, les violons semblent s’accorder. « En dépit des apaisements de l’Exécutif, la paix n’est toujours pas totalement rétablie à l’Est, au Nord-Est et à l’Ouest du pays. Les opérations conjointes menées par les FARDC et les armées régulières ougandaise et rwandaise ont permis en 2009 de réduire la force de frappe des groupes armés étrangers et de déstabiliser leurs structures militaires, sans pour autant détruire entièrement leur capacité de nuisance », selon l’opposition politique.

Somme toute, le défi à relever pour les prochains mois est celui de la consolidation de la paix et de la stabilisation de l’Est de la RDC.

L’ETAT EN CONSTANTE REHABILITATION
Des réformes sont en cours dans différents secteurs de la vie nationale pour que l’Etat congolais soit complètement réhabilité dans ses fonctions régaliennes. Car, la RDC ne peut pas se relever si elle n’observe pas certaines règles qui sont devenues universelles du fait de la mondialisation.

A ce propos, le mandat du président Joseph Kabila est axé sur la trilogie bonne gouvernance – démocratie – respect des droits de l’Homme qui, pour Joseph Kabila, «sont les principaux piliers de la gestion moderne de l’Etat et de la coopération entre les nations ». Mais, «l’administration congolaise, jadis colonne vertébrale de l’Etat, n’existe maintenant que de nom», avait constaté en décembre 2006 le président de la République. «Sous mon impulsion, un travail rigoureux de réforme de cette administration doit s’effectuer en même temps que le renforcement des capacités institutionnelles de l’Etat et des acteurs non étatiques pour, justement, s’attaquer aux causes profondes de la mauvaise gouvernance», avait-il promis. A ce jour, l’Etat ne connaît toujours pas le nombre exact de ses agents et fonctionnaires, malgré les innombrables contrôles effectués tant au sein de l’administration civile que militaire et policière.

« De même, depuis plusieurs mois, l’Exécutif évoluant dans un dysfonctionnement et dans une atmosphère de désagrégation demeure largement dominé par le président de la République qui conduit ainsi la politique de la nation, en violation flagrante des articles 91 et 92 de la Constitution », relève l’opposition politique. Signalant, par ailleurs, «d’autres violations : le processus de décentralisation (articles 2 et 226) et la retenue à la source de la quotité de 40% en faveur des provinces ».

En effet, le chef de l’Etat a toujours réaffirmé «le statut constitutionnel de l’opposition qui doit jouer son rôle de contrepoids institutionnel», faisant «foi en l’attitude responsable qu’elle affichera».

Le dysfonctionnement de l’Exécutif s’est de nouveau révélé à l’occasion du récent Conseil des ministres au cours duquel le président Joseph Kabila est revenu sur la non application de son décret limitant à 4, depuis 2002, le nombre des services publics aux postes frontaliers.

SITUATION MACROECONOMIQUE « BONNE »
Sur le plan économique et financier, la situation macroéconomique à fin 2010 est « bonne », quoique l’activité économique se soit déroulée dans un environnement international «plutôt préoccupant», a noté le chef de l’Etat, évoquant « quelques indicateurs significatifs ».

« Projetée à 5,4% en début d’année, le taux de croissance devrait ainsi atteindre 6,1% contre 2,9% en 2009 ; le taux d’inflation annualisé a été ramené à 8,99% contre une prévision de 9,9% ; le taux de change gravite autour de 910 Francs congolais le dollar américain, alors que les prévisions les plus optimistes le situaient à 950 Francs congolais ; les réserves internationales brutes ont atteint 1,2 milliard de dollars américains, ce qui représente l’équivalent de pratiquement 8 semaines d’importations, soit un des niveaux les plus élevés depuis une vingtaine d’années », s’est réjoui Joseph Kabila au début du mois.

«Dans tous les secteurs, la production est en hausse», a-t-il vanté. Toutefois, a-t-il averti en juillet dernier, « la capacité d’endettement retrouvée (après l’atteinte du point d’achèvement en juin 2010) ne devrait, en aucune manière, être comprise comme une licence à s’endetter à nouveau de manière inconsidérée ».

C’est dans cette embellie que s’effectuent les travaux de construction et de réhabilitation des infrastructures. « Le développement de notre vaste pays dépend de notre capacité à construire, à réhabiliter et à entretenir nos infrastructures de base, particulièrement celles de transport », a expliqué le chef de l’Etat.

L’ambition affichée est de rouvrir, en urgence, les routes permettant de réunifier la RDC, de connecter les principaux centres de développement et de relancer l’économie. Soit un tracé linéaire de près de 16.000 kilomètres, répartis sur les trois principaux corridors de transport du pays : Ouest-Nord-Est, Nord-Sud et Ouest-Sud-Est.

Parmi les « réalisations majeures » du chantier « infrastructures » en 2010, le président Joseph Kabila a épinglé la reconstruction de la Route nationale 1 (du plateau des Batéké à la limite du Kasaï Occidental), celle des ponts Mpozo au Bas-Congo et Loange au Bandundu, le bitumage de la Nationale 1 de Moanda à Boma via Kitona, l’asphaltage de la route Béni-Kisangani (déjà effectif jusqu’au niveau d’Erengeti) et le bitumage des routes Lubumbashi-Kasomeno, Likasi-Kolwezi et Bukavu-Kavumu.

Les routes Batshamba-Tshikapa et Bukavu-Uvira sont les « chantiers prioritaires » pour 2011, a-t-il indiqué.

LE SOCIAL « OUT »

La gestion on ne peut plus prédatrice du budget de l’Etat et des ressources du pays conforte la fortune des tenants du pouvoir et de leurs alliés nationaux et étrangers pendant que la quasi-totalité des Congolais ne peuvent ni manger à leur faim, ni se loger et se vêtir décemment, ni accéder aux soins primaires, à l’eau potable et à l’électricité, ni encore moins éduquer leurs enfants comme des êtres dignes », accuse l’opposition politique. Affirmant que « la souffrance du peuple congolais a trop duré ».

Dans son récent discours sur l’état de la Nation, le président de la République n’a donné aucune indication sur la situation sociale des Congolais.

Pourtant, en 2009, il avait été très explicite à ce sujet. « Les réformes courageuses engagées sous ma direction pour relancer notre économie depuis huit ans et les sacrifices stoïquement acceptés par notre peuple durant la même période se sont avérés payants, même s’il est vrai que les dividendes sociaux ont dû être remis à plus tard », avait reconnu Joseph Kabila.

« Il n’y a pas eu création d’emplois dans les proportions escomptées, ni une génération notable de revenus additionnels pour les individus et les ménages », avait-il admis.

C’est donc sur le plan social que les Congolais n’ont pas ressenti les dividendes de l’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative PPTE. Ce qui a justifié de nombreux mouvements de grève observés dans les services publics du pays. D’où, ce bilan mitigé.

Source: Le Potentiel, du 31/12/2010

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