Sunday, December 5, 2010

RDC: L’autre démocratie lance un appel aux critiques

Dans ses «questions directes» à Valentin Nagifi, essayiste congolais et auteur du livre «Les derniers jours de Mobutu à Gbadolite» sorti aux éditions L’Harmattan de Paris en 2003, Baudouin Amba Wetshi pose la question qui devrait s’imposer à l’esprit de tout Africain depuis la perversion des indépendances : «Que faire pour que le pouvoir d’Etat soit perçu comme une charge et non comme une partie de plaisir ?» Cette question en rappelle une autre, celle posée à la fin des années 60 par le recteur de l’Université Lovanium (l’actuelle Université de Kinshasa), Mgr Tshibangu Tshishiku, qui deviendra plus tard le recteur de l’Université Nationale du Zaïre : «Où sont nos penseurs, nos sociologues, nos philosophes, économistes, théologiens, psychologues, critiques de science, etc. qui portent leur regard sur les différents aspects de notre vie d’aujourd’hui et en tirent une lumière, répondent à nos investigations et nous indiquent les voies pour nous réaliser authentiquement? Il est temps que de tels représentants de la société se produisent pour que nous ne soyons pas perpétuellement des suiveurs et que d’autres continuent à penser et à assurer notre société pour nous ». En invitant son peuple à se prononcer sur le fonctionnement des institutions de la Deuxième République lors du lancement des consultations populaires le 14 janvier 1990, le Président Mobutu reposait la même question à sa manière. Confronté aux soubresauts d’une présidence tourmentée issue d’un processus électoral libre, juste et transparent, le Président du Congo-Brazzaville, le professeur Pascal Lissouba, conclura : « L’Afrique périclite non seulement à cause de la pauvreté, mais parce que les mentalités ont été perturbées, parce que nous ne retrouvons plus nos racines ». Aussi lancera-t-il un appel aux intellectuels du continent, qui « devraient réfléchir là-dessus et orienter leurs chefs d’Etat en conséquence et non pas crier pour crier ».
«Les mentalités ont été perturbées», car des indépendances à nos jours, les Africains ont toujours envisagé la réponse à cette question récurrente, à savoir la démocratie, de la même manière. Ils tournent leur regard vers l’Occident, observent ce qui s’y passe et le copient. Se forment alors des partis politiques qui se lancent dans la course au pouvoir. A l’issue des élections, un parti ou groupement de partis est déclaré vainqueur tandis qu’un ou plusieurs autres partis sont vaincus. Les vainqueurs forment le gouvernement et exercent le pouvoir. De leur côté, les vaincus se retrouvent dans l’opposition jusqu’à nouvel ordre. A trois niveaux vitaux, l’impact de la copie sur le tissu social et la gestion de la chose publique est différent de celui du modèle originel. Celui-ci offre un environnement apaisé en Occident. Par contre en Afrique, tension, contestation, violence, instabilité et tueries sont autant d’ingrédients qui s’invitent souvent à l’organisation des élections. L’étape électorale franchie, l’exercice du pouvoir par les vainqueurs, lui, reste rarement démocratique, décrédibilisant une fois de plus la copie. En cas d’abus du pouvoir, le processus de déposition du chef d’Etat prévu par la constitution s’avère inopérant, légitimant ainsi l’alternative par coup de force.
Quand le 24 avril 1990 le Président Mobutu prononça le discours lançant le processus de démocratisation, celui-ci avait étrangement un air de déjà vu, tellement les espoirs qu’il avait suscités ressemblaient à ceux de la veille de l’indépendance. Pendant que le peuple et ses élites se frottaient les mains dans l’espoir de vivre enfin dans un Etat démocratique, quelque chose nous disait que le chef de l’Etat zaïrois venait de commettre une grosse erreur en invitant son peuple à « tenter de nouveau l’expérience du pluralisme politique » au lieu d’appréhender concrètement les réalités sociales du pays à travers des institutions démocratiques appropriées.
Telle fut notre conviction profonde. Une conviction difficile à assumer ou partager, car noyée dans le brouhaha de la psychose du changement. Aussi avions-nous fait de la recherche à partir de 1996 pour confronter notre point de vue à l’expertise mondiale en la matière. Grande fut notre surprise, pour ne pas dire satisfaction, de découvrir que d’éminents chercheurs étaient parvenus à la même conclusion déjà au lendemain des indépendances, tout en soulignant l’existence et la particularité des démocraties originales dans l’Afrique précoloniale. Cependant, il fallait relever un défi de taille. L’ancien Premier ministre togolais Edem Kodjo avait déclaré péremptoirement du haut de son perchoir de Secrétaire général de l’OUA : « Les Africains qui revendiquent un modèle original de la démocratie n’en précisent jamais les contours. Et pour cause. Ils ne peuvent le faire. La réalité qu’il convient de méditer est qu’il n’existe pas une démocratie pour les Blancs de l’Occident et une démocratie pour les Nègres d’Afrique ».
En 1999, les résultats de nos recherches furent publiés dans une brique de 284 pages : « L’ajustement politique africain. Pour une démocratie endogène au Congo-Kinshasa » (Paris, L’Harmattan, Montréal, L’Harmattan Inc.). Nous y avons dessiné les contours d’un modèle démocratique original. Comment le livre fut-il accueilli sur les plans populaire et scientifique ? L’accueil du public congolais et africain, notre cible, fut froid lors de la présentation du bouquin sur les antennes de plusieurs radios bruxelloises (RTBF, Radio Air Libre, Radio Campus et Radio Panik). A l’époque, la psychose du changement et les espoirs aveugles fondés sur le multipartisme atteignaient des sommets. Et la formule démocratique originale mise au point dans notre imaginaire créatif avait l’air d’une bizarrerie. Mais lors de nos dernières vacances familiales en Belgique au courant de cette année, le désenchantement généralisé vis-à-vis de la démocratisation aidant, des voix des auditeurs commençaient à manifester un intérêt certain sur les antennes des mêmes radios.
Sur le plan scientifique, la Revue de droit africain, fondée à Bruxelles par l’actuel Secrétaire général du gouvernement congolais Vincent Kangulumba Mbambi, consacra au livre un « lu pour vous » sous la plume de l’actuel Président de l’Assemblée nationale Evariste Boshab. De son côté, Jean-Claude Mashini, l’un des quatre adjoints au Directeur de cabinet du Premier ministre Muzito, apporta un deuxième coup de projecteur à la publication en nous invitant à donner des conférences à ses étudiants bruxellois de l’Institut de formation de cadres pour le développement (IFCAD). Troisième confrontation au regard scientifique, les Cycles d’Information Générale de la Coopération Technique Belge (CTB) à Bruxelles où nous avions travaillé de 2002 à 2004 en qualité de conférencier chargé de la problématique du développement de l’Afrique subsaharienne. Nous y avions enseigné entre autres notre vision démocratique à divers groupes d’aspirants coopérants auxquels se joignaient aussi des coopérants anciens ou en exercice, des licenciés aux docteurs en passant par les détenteurs d’une maîtrise dans divers domaines du savoir universel. Initialement prévue pour les francophones, les réactions de ceux-ci étaient si positives que la CTB exigea que notre conférence profite en même temps aux francophones et aux néerlandophones et cela dans une langue neutre, l’anglais. En 2005, RFI classait le livre parmi les trois meilleurs écrits sur le sujet depuis le coup d’envoi des processus de démocratisation en Afrique. Mais notre meilleure récompense fut de voir l’ouvrage figurer dans la bibliographie de certains enseignements universitaires sur la politique africaine tant en Afrique qu’en Occident. Une grande récompense dans une tristesse immense, car l’évolution politique de l’ex-Zaïre et de l’Afrique dans son ensemble nous donne entièrement raison. En Afrique, l’importation du modèle démocratique occidental accouche presque toujours d’une souris. Dans ce contexte, nous ne pouvons que nous entêter à prendre la parole et solliciter les critiques sur l’alternative proposée qui n’a d’autre ambition que de voir se relever un jour le Congo, pays tant humilié et martyrisé, et l’Afrique, continent piétiné et chosifié depuis des siècles. Comment se présente en gros notre ingénierie politique ?

1.Elections législatives et municipales

A ce stade, il n’y a rien de neuf. Nous nous sommes bornés à faire des recommandations. Les élections législatives et municipales se dérouleraient comme du temps du Mouvement Populaire de la Révolution (MPR) Parti-Etat, via des élections au suffrage universel direct, à cette différence qu’aucune candidature ne serait écartée pour des motifs inavouables. Il serait sans doute utile de souligner que le fait d’être constituées non pas par des partis politiques mais par des individus qui se seraient bien défendus auprès de leurs électorats respectifs en raison de leurs valeurs personnelles, n’empêcherait nullement que les deux chambres soient traversées par des courants de pensée nés des enjeux sociaux, économiques et politiques propres au pays, lesquels solliciteraient l’adhésion des élus, avec cet avantage que celle-ci serait sincère et plus démocratique. Ce qui rendrait le jeu politique plus ouvert et dynamique que dans les chambres occidentales où, le rapport majorité/opposition aidant, l’on se contente souvent de battre le rappel des troupes sur les votes, les élus se conduisant alors non pas comme des êtres humains votant en âme et conscience mais comme des moutons suivant les consignes des partis.

2.Phases et but de l’élection présidentielle

Au niveau de l’exécutif, il convient d’abord de souligner que les sociétés africaines ne connaissent pas la notion du chef irresponsable. Avoir un président de la république et un premier ministre, chef de gouvernement, c’est tomber dans le piège de la transplantation des institutions occidentales. Nous savons combien l’Afrique a souffert et continue à souffrir de cette greffe de partage de responsabilité entre le chef du gouvernement et le chef de l’Etat. Par ailleurs, alors que l’action du président de la république a un impact plus considérable que celle du premier ministre sur la marche du pays, le régime semi-présidentiel présente l’inconvénient de soustraire le président de tout contrôle. Avec ce système de gouverne, les Congolais sont retournés sans s’en rendre compte à la proposition qu’ils avaient pourtant rejetée le 24 avril 1990 quand, dans son discours de coup d’envoi du processus de démocratisation, le Président Mobutu avait pris soin d’institutionnaliser sa position de monarque de fait, en se situant « au dessus des partis politiques », dans le rôle de « l’arbitre », « l’ultime recours » ou encore « le dernier rempart de la nation », ne pouvant être soumis « ni à la critique ni au contrôle du conseil législatif ». Depuis les élections de 2006, le président actuel profite de son intouchabilité consacrée par les institutions pour diriger un gouvernement parallèle dans tous les dossiers sensibles du pays, multipliant les crimes et les hautes trahisons en toute impunité.
Le régime présidentiel est celui qui correspond le mieux à la culture politique africaine. L’innovation ici consiste d’abord en ce que, contrairement en Occident, un tel régime soit caractérisé par une séparation stricte des pouvoirs, par la responsabilité gouvernementale devant le parlement (pour les ministres) et le sénat (pour le président) et par l’absence du droit de dissolution. Ensuite, les élus des législatives (et des municipales si nécessaire) joueraient un grand rôle dans l’élection présidentielle. Dans chaque province, ces derniers se réuniraient en conseil provincial. La course à la présidence de la république se déroulerait en trois temps. D’abord, les candidatures seraient reçues, examinées, suivant des critères déterminés au préalable, et sélectionnées à travers un scrutin indirect au niveau du conseil provincial, chaque province devant retenir un seul candidat. A ce stade, il convient de noter qu’une telle procédure serait de loin plus démocratique par rapport aux pratiques actuelles, car les candidatures des Africains aux élections présidentielles ne font quasiment pas l’objet d’un débat démocratique au sein des partis, les chefs de ceux-ci étant considérés comme des propriétaires. Ensuite, les meilleurs candidats, qui se seront choisi un colistier chacun, se retrouveraient dans la capitale pour se vendre cette fois auprès des membres de tous les conseils provinciaux (ou du sénat seul) qui voteraient pour les trois meilleurs candidats. Enfin, ces derniers solliciteraient en un seul tour le suffrage universel de toute la nation ; ce qui minimiserait le coût financier de l’élection. Qui plus est, la nation veillerait à ce que les trois candidats bénéficient de mêmes moyens financiers et logistiques, offerts par l’Etat, pour battre campagne ; ce qui n’a jamais été le cas depuis les indépendances. Car partout en Afrique, les campagnes électorales ont toujours été totalement déséquilibrées, avec des présidents sortant mobilisant tous les moyens de l’Etat contre leurs challengers. Pour que l’élection ne soit pas vécue comme un combat au couteau, entraînant des tensions ethnico-régionales, pour qu’elle soit transparente et, pourquoi pas, festive, la cerise sur le gâteau consisterait à ce qu’il n’y ait aucun perdant véritable. Les trois meilleurs candidats se battraient pour trois présidences : celle du parlement pour le troisième, du sénat pour le deuxième et de la république pour le premier. Il va sans dire que seul le premier prendrait le pouvoir avec son colistier.

3.Formation du gouvernement

Dans la formation du gouvernement, le président de la république, qui associera sans doute le vice-président, n’aura pas les mains entièrement libres. D’abord, il alignerait un nombre identique de ministres par province. Ensuite, il ne pourrait composer l’équipe gouvernementale qu’en puisant dans des assiettes de candidats ministrables que lui tendraient les différents conseils provinciaux ; ce qui civiliserait l’accès aux postes ministériels, en le rendant totalement transparent. Car des indépendances à nos jours, l’opacité absolue règne dans ce domaine. On peut devenir ministre tout simplement parce qu’on couche avec le président de la république, un chef de parti, un membre influent du premier cercle du pouvoir ou un membre de l’un ou l’autre sexe de leurs familles biologiques respectives. Pour qu’il y ait un minimum de choix de la part du chef de l’Etat, il va de soi que l’assiette, constituée après un vote du conseil provincial, devrait contenir au moins le double du nombre auquel chaque province aurait droit. L’élément de force du chef de l’Etat et chef de l’exécutif se limiterait donc à ce choix et à son droit à révoquer les ministres et à remanier le gouvernement. L’objectif visé par une telle démarche serait d’affaiblir le président de la république, qui ne pourrait distribuer à ses frères et amis ni puissance, ni richesse, ni gloire, afin de prévenir le clientélisme et son corollaire, le large Etat de non-droit. Il va sans dire qu’éradiquer ou minimiser le clientélisme, le népotisme, le favoritisme de tout genre ou, en un mot, les parachutages rendrait son sens à l’esprit de carrière et à la méritocratie.

4.Révocation des ministres

Concernant la révocation des ministres et autres hauts commis de l’Etat, on veillerait à ce que celle-ci ne se fasse pas sans l’approbation du sénat. Ceci afin d’éviter qu’ils ne soient démis pour un oui ou pour un non, ou encore pour une histoire de cuisses, autant des motifs que les régimes autocratiques africains habillent sous des expressions aussi élégantes que creuses : « haute trahison », « manquement grave à la discipline du parti », etc. A chaque révocation d’un ministre, son conseil provincial présenterait au chef de l’Etat un nouveau panel de candidats ministrables. L’entrée de tout nouveau ministre laisserait au président de la république la latitude de remanier le gouvernement à sa guise. Dans un tel système, il serait plus indiqué qu’il n’ait pas le pouvoir de dissoudre les deux chambres. Si jamais celles-ci lui devenaient hostiles, il n’aurait d’autre choix que de démissionner ou de retrouver coûte que coûte la faveur des élus du peuple.

5.Déposition du chef d’Etat

Il ne suffit pas d’élire le chef de l’Etat et chef de l’exécutif. Encore faut-il avoir la possibilité de le démettre à tout moment pour incapacité, incompétence, corruption et non respect de la loi. Les constitutions de toutes les démocraties partisanes et conflictuelles africaines offrent cette possibilité. Confrontées à la réalité du pouvoir, elles s’avèrent incapables de mettre en branle les mécanismes de déposition du chef, alimentant ainsi la violence et l’instabilité politiques. L’énorme pouvoir discrétionnaire du détenteur de l’imperium dans les nominations aux postes tant politiques qu’administratifs est la raison d’être de ce blocage, car ce pouvoir place automatiquement ce dernier au dessus de la loi. Ne pouvant nommer et démettre les ministres et les autres hauts commis de l’Etat à sa guise, le président de la république pourrait enfin être facilement écarté du pouvoir par des mécanismes légaux. Pour que cela se fasse paisiblement, il conviendrait de le remplacer par un(e) citoyen(ne) originaire de sa province afin que sa révocation ne soit pas ressentie comme une humiliation collective par celle-ci et la pousser, par voie de conséquence, dans une aventure sécessionniste. Un tel remplacement ne nécessiterait pas une élection au suffrage universel. Deux scrutins indirects au conseil provincial, d’où émergeraient trois meilleurs candidats, et au niveau des deux chambres suffiraient pour ne pas imposer à l’Etat de trop lourdes charges financières, car le rôle du remplaçant reviendrait à mener à terme le mandat du chef révoqué ou décédé en cours de mandat.
6.Pouvoir judiciaire et autres instances
Pour ce qui est du pouvoir judiciaire, on éviterait également toute nomination ou cooptation imposée, afin de garantir son indépendance. Chaque conseil provincial élirait un nombre déterminé de mandataires devant siéger à la cour constitutionnelle. Les différents élus présenteraient au chef de l’Etat une assiette d’au moins trois candidats, des homologues, parmi lesquels il choisirait le président de ladite cour. Les candidats seraient tous issus des provinces autres que celles des présidents du parlement, du sénat et de la république. Constituée de manière associative, la cour constitutionnelle serait l’unique tribunal chargé d’appliquer et d’interpréter la loi fondamentale. Elle veillerait à l’indépendance de l’administration, de la justice, de l’armée et des chambres, au partage équitable du pouvoir entre les provinces et à l’intérieur de chacune d’elles, et à la division des compétences entre les provinces et le pouvoir central conformément à l’esprit de la constitution.
La logique du partage équitable et équilibré du pouvoir entre les provinces s’étendrait à toutes les sphères politiques, culturelles et économiques du pouvoir central, notamment dans l’armée et la sûreté de l’Etat, ces deux grandes muettes, instruments du pouvoir par excellence, qui sont plus que bavardes en Afrique. Presque partout, il existe une armée dans l’armée : la garde présidentielle, composée essentiellement des membres de l’ethnie et de la province du chef de l’Etat ou du détenteur de l’imperium. Elle est généralement bien équipée et bien rémunérée. Par contre, le gros de l’armée nationale croupit dans la misère, réduite à la clochardisation. Aussi s’illustre-t-elle à voler, violer, piller et rançonner la population plutôt qu’à garantir l’intégrité du territoire national quand le pays est menacé. On veillerait également à ce que le chef d’Etat-major général de l’armée et le chef de la sûreté de l’Etat proviennent des provinces différentes de celles des présidents du parlement, du sénat, de la cours constitutionnelle et de la république.
Il va sans dire que le pilote de cette mécanique institutionnelle serait la commission électorale nationale. Pour simplifier les choses, celle-ci pourrait être constituée uniquement de représentants des églises traditionnelles, choisis par leurs pairs au prorata des poids respectifs de ces églises au sein de la nation. On pourrait tout aussi bien imaginer un représentant par conseil provincial, élu sur base des critères fixés par le législateur, avec à leur tête un Primus inter pares élu au sein même de l’organe. Jamais l’indépendance de cette institution ne pourrait être plus totale. On éviterait également que cette présidence ne tombe dans la province de l’un de hauts commis de l’Etat cités ci-dessus.

Conclusion

La démocratie partisane et conflictuelle est certes une modalité fondamentale de la participation à la vie politique et de l’accès au pouvoir en Occident. Mais elle n’est pas le véhicule obligé de la démocratie partout dans le monde. Le propre d’un Etat démocratique dans le contexte mondial actuel est de permettre aux citoyens de participer à la vie politique de leur pays en choisissant librement leurs dirigeants et en les sanctionnant. La démocratie se mesure avant tout à l’existence et à l’effectivité des contre-pouvoirs. Cela n’implique pas nécessairement la création des partis, leur compétition et la dualité pouvoir-opposition. En proposant une autre formule démocratique, nous nourrissons l’espoir de sortir enfin le Congo et l’Afrique des marais. Aussi lançons-nous cet appel aux critiques, qui devraient se concentrer sur les trois niveaux les plus sensibles de la démocratisation en Afrique : la tenue des élections, les freins à l’exercice du pouvoir et la déposition du chef de l’Etat. Nous attendons qu’on nous démontre que la mécanique démocratique exposée ci-dessus ne permettrait pas la tenue des élections enfin apaisées. Nous attendons qu’on nous prouve qu’elle ne serait pas de loin plus démocratique que le modèle occidental qu’on s’acharne à plaquer sur les réalités africaines et cela toujours pour la plus grande désillusion des Africains. Nous attendons qu’on nous démontre que ce mécanisme de gouverne ne serait pas en mesure d’œuvrer à l’émergence des freins effectifs à l’exercice du pouvoir, fondement de tout Etat de droit. Et nous attendons qu’on nous explique qu’il ne rendrait pas effectif le processus de déposition du chef de l’Etat.
Pour les lecteurs qui estimeraient comme nous qu’il est temps d’enterrer définitivement la démocratie des singes, celle mise en place par des Noirs qui n’ont d’autre ambition que d’imiter servilement l’homme blanc, notre souhait est de les voir enrichir tant soit peu ce modèle qui a le mérite d’exister. Du choc des idées jaillit la lumière, dit-on. Peut-on espérer construire la démocratie s’il n’y a aucun débat à ce sujet ?

Author: Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo
Source: Congoindépendant 2003-2010 , du 27 Novembre 2010

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