Wednesday, February 2, 2011

COTE D'IVOIRE: GUILLAUME SORO: "Gbagbo est allé trop loin pour reculer"

Annoncée par deux fois puis reportée, la conférence de presse de Guillaume Soro à Ouagadougou a finalement eu lieu hier 1er février. Le Premier ministre ivoirien s’est entretenu pendant plus de deux heures avec les hommes des médias sur la crise post-électorale que traverse son pays, la Côte d’Ivoire. Pour Soro, l’enjeu de la crise ivoirienne est démocratique, et le départ de Gbagbo par la force reste une option sérieuse.

Après avoir fait la genèse de la crise, de la mise en œuvre de l’Accord politique de Ouagadougou (APO) qui a abouti aux élections du 28 novembre 2010, Guillaume Soro déclare être dans le vrai, dans la vérité lorsqu’il a présenté sa démission à Alassane Dramane Ouattara, le 1er décembre 2010. Pour lui, il ne fait aucun doute que ADO a gagné les élections en Côte d’Ivoire. Si tel n’était pas le cas, il aurait présenté cette démission à Laurent Gbagbo, soutient-il.

« L’enjeu aujourd’hui, c’est la démocratie. Ce n’est pas tant que Alassane Dramane Ouattara soit président. Les démocrates doivent veiller. Car si cette forfaiture survit, ce sera dangereux pour le continent. N’importe qui avec son Conseil constitutionnel peut se faire nommer président. » C’est le sens du combat que mène aujourd’hui l’équipe de ADO dont le Premier ministre vient de rentrer d’une tournée dans une dizaine de pays.

Le second tour a été mieux organisé

Il argumente : « Les élections ont été organisées dans les meilleures conditions possibles. La préparation a été méticuleuse. Je suis là pour le confirmer et insister là-dessus. Le premier tour a été un succès total, avec 84% de taux de participation. Le second tour était au-delà des espérances avec un taux de participation de 81%. Entre les deux tours, nous avons procédé à des améliorations en renforçant la sécurité et la transparence. » Il explique que 4 500 agents de sécurité sont allés renforcer la sécurité au nord du pays et 2000 dans le Sud-Ouest. Et que 2/3 des observateurs étaient dans le Nord du pays pour faire leur travail.

Pour lui, le second tour a été mieux organisé et des mesures exceptionnelles ont été prises pour que le vote des Ivoiriens ne soit pas détourné. Les mêmes procès- verbaux étaient utilisés par tout le monde pour le décompte ( CEI, représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, Conseil constitutionnel). Il était impossible de manipuler les résultats. L’empêchement de la CEI de proclamer les résultats entrait dans le cadre d’une forfaiture, explique-t-il. L’occupation de la CEI avait pour objectif de donner la possibilité au Conseil constitutionnel de le faire et tour serait joué. Le Premier ministre de Côte d’Ivoire a félicité ouvertement le président de la CEI pour son courage : "Il a fait son travail malgré les entraves. Le président de la CEI, en donnant les résultats, a sauvé la démocratie. » Guillaume Soro s’est réjoui de la décision des pays membres de la CEDEAO qui ont suivi la certification de l’ONUCI et ont reconnu Alassane Dramane Ouattara comme président.

De la reconnaissance de ADO comme président élu

Il en est de même des conclusions du dernier sommet de l’Union africaine (UA) tenu à Addis Abeba. Il salue la décision de l’UA qui a repris à son compte les décisions de la CEDEAO, notamment au point II. Pour lui, le point II souligne la victoire de ADO. Il reste que le sommet a décidé de nommer un panel de chefs d’Etat pour donner encore une chance à une sortie pacifique de la crise. Le chef du gouvernement et ministre de la défense ivoirien reste sceptique quant à l’issue heureuse de cette énième tentative de médiation.

Pour lui, c’est « la palabre africaine » : « Je suis convaincu qu’il ne cédera pas, je sais qu’il est allé trop loin pour reculer. » Et de conclure que : « L’histoire nous enseigne que les dictateurs ne reculent pas, il faut donc l’aider à partir » Aux journalistes qui voulaient savoir la mission exacte du panel et que fallait-il entendre par « mesures contraignantes », Guillaume Soro explique que les chefs d’Etat vont demander des garanties à ADO en faveur de Laurent Gbagbo et ADO est prêt, selon Soro, à lui concéder le statut d’ancien chef d’Etat, s’il accepte de partir.

Mais dans son scepticisme, le Premier ministre Soro veut laisser les chefs d’Etat faire leur expérience auprès de Gbagbo. Sur l’option militaire prônée par le camp du président élu et envisagé par la CEDEAO, le Premier ministre Guillaume Soro se veut rassurant : "Ce n’est pas une guerre généralisée. » Il ne s’agit pas de cela. Ce n’est pas deux armées face-à-face qui vont s’affronter. Il s’agit plutôt d’une opération militaire comme il y en a déjà eu ailleurs. L’opération militaire ne va pas engendrer la guerre, c’est le chantage que fait Gbagbo. » Il partira dans quelques semaines et il n’y aura rien, le pays va continuer de fonctionner. »

« Notre pouvoir s’accroît »

Sur la réalité du pouvoir que l’on dit être dans les mains de Laurent Gbagbo, le conférencier du jour a des doutes. Laurent Gbagbo a perdu le pouvoir diplomatique, selon Soro, puisque son gouvernement à lui a rappelé certains ambassadeurs et dès la semaine prochaine, des nominations vont être rendues publiques. Le camp Gbagbo ne peut plus en nommer et ses ministres, selon Soro, sont même refoulés dans certains pays. Le pouvoir financier a été également perdu par Gbagbo explique-t-il après la reconnaissance par la BCEAO et l’UEMOA de la signature de ADO dans les livres de la Banque centrale.

Au niveau de l’administration, de grands commis de l’Etat dans le corps préfectoral et au niveau de la magistrature ont choisi leur camp. L’administration ne fonctionne pas. Selon le Premier ministre, elle est en train de basculer. "Notre pouvoir s’accroît, c’est une marche pénible et difficile mais irréversible. Le temps, il n’est pas sans limite. La patience a des limites et nous agirons au moment opportun."


Author: Abdoulaye TAO


Source:Le Pays, du 02/02/2011

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