Sunday, February 6, 2011

RDC: «Kabila»-Jeune Afrique : La fin (étrange) d’une connivence

Les «mangecrates» de la «Kabilie» sont dans tous leurs états. En cause, le brûlot lancé contre le président sortant «Joseph Kabila» par l’hebdomadaire parisien «Jeune Afrique» qui passait pour les zélateurs du «raïs» pour un «média ami». Que s’est-il passé ? Cette publication vient-elle de découvrir ce que la grande majorité des Congolais savait déjà? Sous le titre «Kabila : Mobutu light», le journal, sous la direction de François Soudan, publie une enquête au vitriol sur les dix années de «Joseph» à la tête de la RD Congo. «Joseph Kabila règne sur un pays sinistré, gangrené par la corruption, miné par l’injustice, l’impunité et les scandales financiers.» Bras droit financier du président, Augustin Katumba Mwanke y est présenté en «Raspoutine congolais». "J.A" dénonce un chef d’Etat «arrogant» et «autocrate» sans oublier l’enrichissement de son entourage et de sa famille. Le diamantaire Dan Getler en prend également pour son grade. Les cinq chantiers? «Un programme sans cohérence ». La réconciliation avec le Rwanda ? «Elle n’a pas ramené la paix au Kivu ». Qui gouverne la RD Congo? «La RD Congo est dirigée par un gouvernement parallèle.» Un véritable réquisitoire.
 
Analyse
Depuis la sortie de l’édition numéro 2612, daté du 30 janvier au 5 février 2011, les «petits soldats» du «raïs» sont sur pied de guerre. En tête, il y a l’inénarrable Lambert Mende Omalanga, le ministre de la Communication. «L’homme qui parle plus vite que son ombre», ironise un diplomate en poste à Kinshasa. Jeudi 3 février, Mende a animé, en son cabinet, un point de presse pour «contrer» l’attaque du magazine parisien. Est-il parvenu ? On peut en douter. Au lieu de «démolir» point par point les griefs articulés à l’encontre de «Kabila», Mende a opté pour la dérobade en criant «au complot» ourdi par des « adversaires déloyaux» à son patron de président. Des adversaires qui sont à l’origine d’une «campagne de sape d’une rare virulence». Le but, selon lui, est de «casser Joseph Kabila qui se prépare à affronter des élections dans quelques mois».

Réputé pour son sens de la nuance, le quotidien kinois «L’Avenir» présente «Jeune Afrique» comme un «magazine en perte de vitesse» et qui «tente de démontrer sans y parvenir qu’il y aurait une dictature en RDC incarnée par Joseph Kabila». Le journal de Pius Muabilu crie son indignation en qualifiant les articles contenus dans ce dossier d’«élucubrations». «Une suite indigeste de confusion et de déclarations politiques basées sur aucun fait». Pour cette publication pro-kabiliste, l’article «Kabila : Mobutu light» a été rédigé par le «con-frère» (sic!) François Soudan «sous la dictée» de l’ancien président de l’Assemblée nationale Vital Kamerhe. «Le papier de François Soudan est un plaidoyer tardif en faveur de Vital Kamerhe, mieux une propagande insipide et précoce. On a en face des journalistes qui règlent des comptes à un pays, à un chef de l’Etat, pour des raisons que nous dénoncerons prochainement.»

Moins outrancier mains développant néanmoins un certain fanatisme aveugle, le quotidien «La prospérité» qualifie l’article incriminé «d’intox». Selon elle, c’est une attaque menée par d’«impénitents adversaires» contre les «succès engrangés par le chef de l’Eta» en «utilisant l’arme des faibles, celle de la délation.» Le journal d’énumérer les «réalisations» du président sortant au niveau des infrastructures. Sans oublier le «rôle joué» par ce dernier durant la transition. «Là-dessus, personne au pays, tout comme à l’étranger, écrit-il, ne peut contester la plus grande avancée démocratique en Afrique. Alliant l’acte à la parole, Joseph Kabila a ouvert l’espace politique où se meuvent plus de trois centaines des partis politiques, des associations de tout genre ainsi que des médias. Contrairement à certaines allégations qui fusent de partout, la liberté d’expression a droit de cité». Pas la moindre allusion aux critiques soulevées par «Jeune Afrique».

Le temps de l’idylle
Les faits dénoncés par Jeune Afrique seraient-ils vrais ou faux? Outre les éléments cités dans les lignes qui précèdent, le journal parisien s’étonne du «changement» intervenu au niveau de la personnalité du chef de l’Etat congolais. Comme pour rappeler les promesses non-tenues, le magazine rappelle une déclaration faite jadis par le président «élu» : «Je veux faire de la RD Congo la Chine de l’Afrique». Sur un ton de réquisitoire, "J.A" parle du «goût pour le luxe» et l’«arrogance». Voici un petit florilège : «Kabila sûr de lui, à la limite de l’arrogance à qui son inséparable bras droit Katumba ne cesse de répéter dès le lendemain qu’il ne doit sa victoire à personne (…).» ; «Depuis quatre ans, le gouvernement ressemble à une assemblée de fantômes» ; «Gouvernement parallèle» ; «Comme sous Mobutu, comme sous LD Kabila, les gros dossiers se traitent Kabila, les gros dossiers se traitent dans ce cabinet noir"; «Kabila est devenu un papillon solitaire et autocratique» ; «Le massacre des adeptes de Bundu dia Kongo» ; « L’assassinat de Floribert Chebeya » ; «La mort d’Armand Tungulu Mudiandambu dans un cachot de la garde républicaine» ; «Sécurité : Le clan des Katangais» etc.

N’en déplaise au quotidien «L’Avenir», il faut refuser de regarder pour ne pas voir que l’hebdomadaire parisien n’a pas peu contribué à la propagande qui a abouti à la «victoire» de «Joseph Kabila» à la présidentielle de 2006 face à un Jean-Pierre Bemba Gombo présenté à l’époque comme un «avatard» du président Mobutu Sese Seko. En juillet 2006, le "Groupe J.A" publie à la Une de «La revue pour l’intelligence du monde», un titre-choc : «Le vrai Kabila». L’article a pour auteurs François Soudan et un certain Wilson Omanga. Un "kabiliste" pur sucre. Que lit-on? Point de scoop. Les deux hommes ont puisé leur luttérature dans l’ouvrage «Pourquoi j’ai choisi Kabila» de Vital Kamerheet dans l’interview de Mama Sifa Mahanya au quotidien «Le Soir». De la communication rien que de la communication. Soudan se comporte en "griot blanc" pour démontrer la «congolité» du président-candidat. Pour lui, le discours sur les origines de «Joseph» est tout simplement «pervers». Il énumère deux raisons : «en l’absence d’un état civil bien tenu, ce type d’insinuations est la fois sans fin et applicable à tout un chacun (ou presque). Et les nombreuses précisions que nous avons recueillies sur la naissance et la jeunesse de Joseph Kabila ne peuvent que conduire à avaliser la version officielle : le président congolais est bien le fils de Laurent-Désiré Kabila et de Sifa Mahanya». Soudan et Omanga d’embellir l’image du président-candidat : «En réalité, le bagage scolaire du président congolais vaut largement celui de tous ses pairs de la région. Il est en outre le seul à être totalement bilingue français-anglais et l’un des rares à maîtriser l’outil informatique». «Si Joseph quitte la faculté de droit en 1996, c’est parce que son père l’appelle près de lui». Quid du bilan de 2001 à 2006? Les deux compères citent «le retour de la paix et la perspective des premières élections générales libres depuis l’indépendance». Selon eux, en cinq ans, «Kabila a mis fin à la guerre, rétabli l’autorité de l’Etat sur la majeure partie du pays (…)».

«Congo Bashing»
En octobre 2009, François Soudan innove en "inventant" l’expression «Congo Bashing» que son "ami" Mende va user et abuser. "F.S" explique sa trouvaille dans son blog : «Le problème, évidemment, dans cet exercice de «Congo bashing » (que l’on pourrait traduire par « critique permanente et systématique ») est que tout élément à décharge, ou tout simplement explicatif, de la situation actuelle, est a priori écarté. Au risque de paraître politiquement incorrect, certaines évidences méritent pourtant d’être énoncées. La première est qu’on ne sort pas de trente ans de dictature et d’une décennie de guerre sans que tout - y compris la façon d’être et de penser des Congolais – soit à reconstruire. La deuxième est que, si la RD Congo est aujourd’hui en paix avec tous ses voisins, c’est à Joseph Kabila qu’elle le doit. La troisième est que la Banque mondiale et le FMI, qui se sont livrés sur Kinshasa à un véritable chantage afin que le fameux prêt chinois soit révisé d’un tiers à la baisse, portent une lourde part de responsabilité dans l’écrasante dette extérieure, contractée pour l’essentiel sous Mobutu avec leur bénédiction, et qu’ils ne l’assument pas. La quatrième enfin est que, pour la première fois depuis longtemps, une réponse est apportée en ce moment au défi fondamental: comment rétablir le contrôle de l’État sur toute l’étendue du territoire? (…). Comment désenclaver un arrière-pays dont certaines zones sont revenues à l’état précolonial? Tel est l’objectif, ambitieux certes, problématique sans doute, mais profondément raisonnable des «cinq chantiers de la République» dont certains ont déjà commencé – notamment le long de la mythique RN 1, qui relie le Bas-Congo au Katanga.»

La fin de la connivence ?
L’hebdomadaire «Jeune Afrique» va-t-il grossir la longue liste des «déçus du kabilisme joséphite»? Le journal serait-il chargé d’une «mission de déstabilisation» comme allèguent les "petits soldats" de Kabila, candidat à sa propre succession, qui se prépare à affronter (dixit Jeune Afrique) «un scrutin taillé sur mesure pour sa reconduction». Qui serait le commanditaire de cette mission ? Kamerhe ? Des opérateurs miniers déçus par la rapacité du président et de son entourage? Dans l’article «Kabila : Mobutu light» l’épithète «arrogant» revient à plusieurs reprises. Le bilan de «Joseph» à la tête du pays? Un bilan que le journal assimile à de l’immobilisme. Le pays «fait sérieusement du surplace».

Avant l’annonce de la candidature d’Etienne Tshisekedi au poste de président de la République, la vie politique en RD Congo ressemblait à un «fleuve tranquille».
«Pas d’alternative à Kabila», murmurait-on. Comme l’Ivoirien Laurent Gbagbo et ses partisans, les kabilistes étaient convaincus qu’"il n’y a rien en face". Certains "vuvuzélateurs" du «raïs» le voyaient déjà "en haut de l’affiche" dès le premier tour de la présidentielle avec une large majorité aux législatives. «Tshi-Tshi» est venu bouleverser les calculs. D’où l’agitation. Dans le numéro n°2594 daté 26 septembre au 2 octobre 2010, les lecteurs de «J.A» ont noté que François Soudan avait fait le déplacement de Bruxelles pour interviewer Tshisekedi. le président de l’UDPS d’en profiter pour asséner des coups au «sortant» mais aussi au Premier ministre Muzito. «M. Kabila est un adepte de la destruction créative. Il pille la Miba et revient se présenter en sauveur. Il amène la guerre au Congo et tente de se faire passer pour un faiseur de paix.» Il n’y a que Muzito qui croit qu’il est le Premier ministre.

Mi-novembre dernier, le patron de Jeune Afrique, Béchir Ben Yahmed, a créé l’événement en déclarant dans une interview que le bilan de Joseph bilan est "désastreux".«C’est à en pleurer... ». Et d’ajouter : «Ce malheureux pays connaît la même malédiction que la Guinée. Il est sorti de Mobutu pour tomber dans Kabila. Et cela fait cinquante ans que ça dure…». Dans son édition n°2607-2608, daté du 26 décembre 2010 au 8 janvier 2011, «J.A» consacre sa couverture aux «50 personnalités africaines les plus influentes». Un seul citoyen congolais y figure : le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya. Quelques chefs d’Etat des pays voisins sont là : Paul Kagame, José Edouardo dos Santos, Yoweri Museveni.
«Joseph» est «oublié». Dans l’article qui fait l’objet de cette analyse, «F.S» écrit notamment : «(…) : Kabila n’a aujourd’hui aucun ami, aucun proche parmi les chefs d’Etat de la planète.» Citant un «observateur attentif», il ajoute : «Seul Paul Kagame a une certaine influence sur lui…». Une chose paraît sûre, l’hebdomadaire Jeune Afrique ne fait plus partie du «club des amis du raïs». Que s’est-il passé? Devrait-on parler de regain d’idéalisme démocratique de la part de ce premier magazine africain où de démarche opportuniste face à un dirigeant africain "condamné" suite à des intérêts contrariés? Affaire à suivre.
Author: B.A.W
Source: Congoindépendant 2003-2011 , du 04 Février 2011

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