Monday, August 29, 2011

LIBYE: Diplomatie africaine / Crise libyenne : L’Union africaine divisée


Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) s’est réunit vendredi 26 août à Addis Abeba, Ethiopie, pour arrêter une position commune sur la question de savoir s’il faut ou pas reconnaître le Conseil national de transition mis en place par les "rebelles" libyens. Sur les cinquante-quatre Etats membres de l’organisation panafricaine, vingt d’entre eux - dont le Nigeria - ont déjà reconnu le CNT (Conseil national de transition) comme "autorité légitime" de l’Etat libyen. Les Trente-quatre autres se tâtent. En tête, l’Afrique du Sud. Par la bouche de son ministre des affaires étrangères, le Rwanda de Paul Kagame a, vendredi, invité l’UA à reconnaître le CNT. Dans un registre congolo-congolais, la crise survenue en Côte d’Ivoire et en Libye ont le mérite de révéler une étrange "identité de vue" entre Kinshasa et Kigali. Coïncidence? Concertation?
«Une opposition historique et légitime», déclarait, le 18 mai, le président sénégalais Abdoulaye Wade à l’issue d’une audience accordée à Moustapha Abdeljalil, président du Conseil national de transition (CNT). "La CNT ne représente pas encore la Libye", a retorqué vendredi 26 août le président Jacob Zuma. L’attitude à adopter face à la question libyenne continue donc à diviser l’organisation panafricaine. Au-delà du précédent humiliant créé par le renversement d’un dirigeant africain par les forces de l’Otan, il faut dire que le leader libyen n’était pas n’importe qui. Gros contributeurs au budget de l’UA, il était aussi un "généreux donateur" pour bon nombre d’Etats du continent. Des Etats généralement incapables de boucler les "fins du mois". Il n’était pas rare que Tripoli délie les cordons de la bourse pour liquider des salaires des fonctionnaires et ceux des militaires. La chute de Kadhafi pourrait engendrer des conséquences imprévisibles pour la stabilité de certains Etats.

Zuma irrité

Composé de quinze membres, le Conseil de paix et de sécurité est un des organes de l’UA. Il est chargé de trois missions : le maintien de la stabilité, la promotion de la diplomatie préventive et actions humanitaires. Depuis le déclenchement de la «crise libyenne», l’Afrique du Sud soutient «l’approche de l’Union africaine de rechercher une solution politique pacifique» par la négociation entre les belligérants. Sans succès. Inutile de dire que le président Jacob Zuma considère la "défénétration" du "Guide" comme une déconvenue personnelle. Aussi, son pays considère-t-elle que la reconnaissance de la CNT n’est pas encore une priorité. Et ce aussi longtemps que les "Kadhafistes" vont résister. L’Afrique du Sud déplore par ailleurs "la dure situation humanitaire" qui est "créée par la guerre civile en cours et la campagne militaire de l’Otan". Le pays de Mandela sera-t-il suivi?

Le Rwanda a créé l’événement vendredi en appelant l’UA «à apporter son soutien aux rebelles libyens». Au motif que «le colonel Mouammar Kadhafi ne pouvait plus diriger le pays.» C’est la déclaration faite, vendredi, sur les ondes de la Radio Rwanda par le chef de la diplomatie de ce pays, Louise Mushikwabo. Dès le lendemain du déclenchement de la crise libyenne, le chef d’Etat rwandais a été parmi les premiers potentats du continent à pourfendre le «Guide». Joignant le geste à la parole, le régime de Kigali qui n’a pas la réputation de mieux traiter ses opposants avait gelé les avoirs libyens au Rwanda.

"Communauté de vue" entre Kin et Kigali

La position maximaliste adoptée par le Rwanda présente quelques similitudes avec celle prise par les autorités diplomatiques congolaises sur la question libyenne. Dans une «communication» faite le mardi 1er mars dernier aux diplomates en poste à Kinshasa, le ministre congolais des Affaires étrangères, Alexis Thambwe Mwamba, n’avait pas manqué de dénoncer «totalement les violences telles qu’elles se déroulent». Une motivation qui résiste difficilement à l’examen au regard de la brutalité qui caractérise le régime congolais. Dieu seul sait si le pouvoir kabiliste traite mieux la population congolaise. Le double massacre, en 2007 et 2008, des adeptes du mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo en témoigne. Sous le prétexte de «rétablir l’autorité de l’Etat»,
"Joseph Kabila" avait dépêché au Bas-Congo des policiers du fameux "bataillon Simba". Mission : canarder tout ce qui bouge. Les diplomates ont sans doute été stupéfaits d’entendre Thambwe dire que «le gouvernement congolais est très choqué par ce qui se passe aujourd’hui en Libye car quand il y a mort d’homme, même s’il n’y a qu’une seule personne, c’est déjà beaucoup». Et que c’est pour cette raison qu’il avait instruit le représentant permanent de la RD Congo aux Nations Unies, pour voter en faveur de l’exclusion de la Libye du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies. Tout ceci au nom des droits humains ou des raisons plus prosaïques notamment les liens qui auraient existaient entre Kadhafi et le leader du MLC, Jean-Pierre Bemba Gombo?

Dans une interview accordée à l’hebdomadaire parisien « Jeune Afrique » n°2625, Paul Kagamé a eu ces mots à propos de la Libye : « (…). Quand un pouvoir tue son propre peuple, cela nous concerne tous». C’est assez étrange de constater l’identité vue pour le moins "droitdelhommiste" affichée par le Congo de «Kabila» et le Rwanda de Kagame. Une attitude identique est perceptible sur la question ivoirienne en «prenant acte» de la chute de Laurent Gbagbo.

A Addis Abeba, les 54 membres de l’UA vont étaler leur division. "Le CNT ne représente pas encore la Libye pour la simple raison que les combats continus", a déclaré vendredi le chef d’Etat sud africain. Kigali et Kinshasa pourraient sabler le champagne pour «célébrer» leur «communauté de vue» au niveau des affaires africaines...
Author: B.A.W
Source: Congoindépendant 2003-2011, du 26/8/2011 

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