Friday, August 26, 2011

LIBYE: Redistribution du pétrole libyen en vue.

La chute du régime Kadhafi devrait contribuer à la reprise des exportations d’or noir du pays. Total et Eni pourraient en profiter. L’arrivée des nouvelles compagnies pétrolières est également attendue.

Avant la chute du «Guide de la Jamahiriya», la Libye produisait 1,6 million de barils de pétrole par jour (2% de la production mondiale). Le pays était le 17e producteur de pétrole dans le monde et troisième en Afrique. Le pétrole représentait plus de 95% des exportations du pays, dont 85% à destination de l’Europe. Le principal acheteur du pétrole libyen en 2010 était l’Italie (28%), suivi de la France, (15%), la Chine (11%), l’Allemagne (10%) et l’Espagne (10%). Les Etats-Unis ont acheté à peine 3% de l’or noir du pays.

La production de pétrole était partagée entre une dizaine de grandes compagnies pétrolières libyennes et 35 compagnies étrangères. Les compagnies libyennes, toutes contrôlées par le gouvernement de Kadhafi, étaient des filiales de la National Oil Corporation (NOC) (qui regroupe notamment Arabian Gulf Oil Company, Sirte Oil Company et Zawia Oil refining Company). La production de la NOC était estimée à 500.000 barils par jour. Selon les calculs du cabinet Evaluate Energy, près d’un quart des sites de production appartiendrait entièrement à la National Oil Corporation, et environ 35% seraient constitués de joint-ventures avec des entreprises étrangères (principalement avec Eni et Repsol).

Parmi les 35 compagnies internationales, c’est l’italien Eni, qui reste le plus important producteur pétrolier étranger avec 116.000 barils de pétrole par jour en 2010. La production journalière des autres compagnies pétrolières étrangères, notamment du français Total, l’américain ConocoPhilipps et l’espagnol Repsol-YPF variait l’année dernière entre 55.000 et 41.000 barils. Quant à la production de la société autrichienne OMV, qui est entrée au capital d’une vingtaine de sites pétroliers en Libye, elle atteignait en tout 33.000 barils de pétrole par jour en 2010.


Toutefois, la part de la production du pétrole en Libye variait en fonction des compagnies. Si pour Wintershall, elle représenterait plus de 70%, cette part tombait à 14% pour l’Eni et alors que pour Total, cette part ne représentait que 2,6%.

D’autres acteurs, principalement des compagnies pétrolières nationales, avec une production de brut moins importante, étaient également présents sur le sol libyen. Il s’agit notamment de la compagnie chinoise CNPC, des deux entreprises russes Gazprom Neft et Tatneft, et du norvégien Statoil. Selon les analystes, la raison de leur implantation en Libye était plutôt liée avec des projets de développement à long terme.

Total et Eni pressentis gagnants
Ces six mois de guerre civile ont porté sérieusement atteinte à l’industrie pétrolière libyenne, qui est tombée à moins de 100.000 barils par jour au mois de juillet. Mais avec la reprise du contrôle sur les régions orientales de la Lybie par les rebelles, l’Arabian Gulf Oil Company (AGOCO), basée à Benghazi, qui produisait près de 440.000 barils de pétrole par jour avant la chute de Kadhafi, a annoncé une reprise très prochaine des opérations. «Nous reprendrons les livraisons losrque la situation politique sera plus stable», précise le directeur-général de la compagnie Abdeldjalil Mayouf. «La production reprendrait peut-être d’ici à deux ou trois semaines après l’accalmie».

Les militants du Conseil national de transition (CNT) ont affirmé mener des pourparlers avec Eni, Total, Shell, BP et Occidental pour la reprise de la production dans le pays. Les analystes estiment que Total et Eni pourraient sortir gagnants de la redistribution des principaux sites de production du pétrole sous le nouveau régime. L’italien, dont les contrats de production pétrolière ont été conclus jusqu’en 2042, a annoncé lundi la reprise de ses activités en Libye et le retour de ses employés. D’autres compagnies «seraient en train d’attendre et d’essayer de déterminer qui dirige ce pays», a indiqué un consultant, interrogé par Reuters. D’autres producteurs, comme Shell, chercheraient à augmenter leur production en Libye lorsque la situation économique sera plus stable.

Les estimations de spécialistes du secteur quant à la reprise de la production du pétrole en Libye varient de quelques mois à un an. «Il n’est pas clair pour l’instant quelle sera la nouvelle politique de la compagnie nationale NOC, et il faudra attendre le retour de la main d’œuvre des pays voisins pour reconstruire l’infrastructure pétrolière détruite pendant la guerre», a indiqué dans un entretien au journal russe l’économiste de l’Institut des recherches sur l’énergie d’Oxford Willy Olsen. «Mais ce qui est sûr, c’est que les dépenses pour la resconstruction de l’infrastructure seront à la charge des pouvoirs libyens, mais aussi des compagnies pétrolières étrangères qui reviendront dans le pays».

Le CNT, qui pourrait, selon certaines sources donner le contrôle du secteur pétrolier à l’AGOCO, risque de se montrer méfiant à l’égard des compagnies de Russie, Chine ou Brésil, car les gouvernements de ces pays étaient opposés à la guerre contre le régime de Kadhafi. C’est alors que d’autres acteurs du secteur pétrolier auront la possibilité de s’implanter sur le sol libyen. Le pays africain pourrait ainsi ouvrir ses réserves à la société de négoce Vitol et Qatar Oil (la compagnie nationale du Qatar), qui a fourni une aide logistique pour l’exportation du pétrole libyen durant la guerre civile.

Author: Zagrebnov, Eugène



Source: Le Figaro, du 26/08/2011

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