Tuesday, August 23, 2011

LIBYE: SuperMouammar, héros anticolonialiste

Mouammar Kadhafi fait l’objet d’un storytelling nourri de sa singulière résistance aux attaques occidentales. De quoi alimenter le mythe d’un superhéros de l’anticolonialisme. Texte et dessins inédits du dessinateur burkinabè Damien Glez.

© Damien Glez, tous droits réservés.
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Serait-il indestructible? Mouammar Kadhafi a résisté à tant de crash tests qu’il pourrait sembler invincible. Baraka de «cocu» politique, force surhumaine ou talent stratégique? Son dernier carré de fidèles écrit, chaque jour, quelques lignes de la légende du martyr qui plie mais ne rompt jamais sous les coups de boutoirs de l’Otan. Un scénario digne des bandes dessinées patriotiques que l’Etat américain parrainait dans les années 40.

Les aventures internationales de SuperMouammar

Pour camper un superhéros, peut-on rêver meilleur comédien que ce caméléon libyen qui pimente la géopolitique internationale depuis la fin des sixties? Assurément non. Alors place à des aventures romancées qui, entre réalité et fiction, méritent d’être éditées, sur papier glacé, aux Éditions du Guide, en pré-commande sur «Amazones».
Albums à ne pas manquer: SuperMouammar chez les Bédouins (1942), SuperMouammar contre les cowboys (1986), SuperMouammar à l’assaut de Lockerbie (1988), SuperMouammar sur les traces du Da Vinci code (2007), SuperMouammar, superhéros des superhéros (2009), SuperMouammar contre al-Qaida (2011), SuperMouammar contre B.H.L. (à paraître).
Après tout, Barack Obama a bien eu droit à son apparition dans un comic

Tout superhéros a son fanclub

Si Superman fut créé en 1932 par l’écrivain Jerry Siegel et le dessinateur Joe Shuster, ses aventures furent, par la suite, reprises et imaginées par de nombreux artistes. C’est ainsi que plusieurs animateurs se relaient dans le développement de la saga de SuperMouammar. Des moustaches verticales, des crânes nouvellement rasés ou des nuques à chignon.
Sur le continent africain, Robert Mugabe, déjà lui-même au ban de tout, est un des derniers aficionados officiels du Guide de la Révolution de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste.
Sur le continent américain, le plus grand fan de la série SuperMouammar reste le président vénézuélien, lauréat, en 2004, du prix Kadhafi des droits de l’homme. Ce lundi, le cheveu ras défendait encore les bouclettes. Hugo Chavez refusait de reconnaître les rebelles libyens, vomissant «cette pantomime d’un Conseil de transition et l’attirail farineux des pays européens».
Sur le continent européen justement, et dans un registre plus spirituel, le fondateur du Mouvement raëlien soutient le guide libyen. Avec l’ambassadeur des extraterrestres dans son pool de storytellers, SuperMouammar a de quoi planer dans l’espace comme Superman.
Les animateurs d’une fable kadhafienne kafkaïenne ont une trame dramaturgique imparable. Les superhéros les plus mémorables sont ceux qui ont affronté de flamboyants «méchants». Et Raël explique que le pouvoir libyen combat «les agressions des pays développés ex-colonisateurs, en proie actuellement aux crises économiques et financières, qui n’hésitent pas à revenir en Afrique en utilisant tous les faux prétextes possibles pour justifier leurs interventions militaires».
SuperMouammar devient alors le héros (héraut?) de l’anticolonialisme, celui qui résiste à la spoliation des richesses libyennes par des puissances étrangères qui piétinent le droit international et tiennent des discours dignes de salmigondis.
Cent ans après, SuperMouammar devient la réincarnation d’Omar Al Mokhtar qui résista à la colonisation italienne. Au début du XXe siècle. De quoi assurer à ses aventures plus de volets que celles d’Harry Potter. Il suffira que la fiction embellisse la réalité…
Reste à pourvoir le superhéros libyen en petits accessoires qui feront sa personnalité. Si Superman avait sa précieuse kryptonite, ce matériau pierreux qui suscitait tant de convoitises, SuperMouammar lui possède une matière première fossile qui fait tourner les têtes: le pétrole. Côté costume, Superman avait sa cape rouge, mais SuperMouammar les aime dorées

SuperMouammar, envers et contre tous

Nul doute que SuperMouammar est plus fort que Captain America. Pour être statistiquement précis, il est plus fort que les huit Captains America qui se sont succédés à la Maison-Blanche depuis son arrivée au pouvoir à Tripoli: Captain Nixon, Captain Ford, Captain Carter, Captain Reagan (qui, déjà, le bombarda), Captain Bush père, Captain Clinton, Captain Bush fils et Captain Obama. Le dernier, d’ailleurs, a plutôt des airs de Frozone, le super héros qui crée la neige et la glace dans Les Indestructibles.
Puisant aux racines de la culture pop du grand Satan américain, SuperMouammar se révèle aussi vigoureux que les Quatre Fantastiques réunis: aussi râleur et robuste que La Chose, sa force de frappe fait trembler ses adversaires; capable d’invisibilité comme Jane Storm, il peut disparaître pendant des jours, attisant toutes sortes de rumeurs sur une éventuelle fuite au Venezuela; résistant aux flammes de bombardements incessants comme la Torche Humaine, il sait lui-même mettre le feu au désert; idéologiquement aussi élastique que Monsieur Fantastique, il alterne appel au djihad contre la Suisse et dénonciation de l'épouvantail islamiste.
Il y a même un peu de Rahan dans SuperMouammar. Le «fils des âges farouches» est apparu, lui aussi, en 1969, issu d’un monde où les clans avaient été exterminés par un volcan en fusion. Le héros libyen, lui, évolue entre des tribus Kadhafa, Warfala ou Megarha bien mises à mal. Le groupe de presse communiste qui éditait Les aventures de Rahan était aussi un chantre de l’anticolonialisme…
Et si les dirigeants subsahariens font profil bas, sur le dossier libyen, Kadhafi est toujours le superhéros d’une partie des populations du continent africain. Le 30 juillet dernier, une section de l’Union des jeunes musulmans du Mali organisait un meeting de soutien au Guide, brûlant trois drapeaux français à Korofina, un quartier de Bamako.

Author: Damien Glez
Source: SLate Afrique, mise à jour 05/08/2011

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