Wednesday, August 31, 2011

LIBYE: Les dessous du clan Kadhafi

La prise de Tripoli par les rebelles libyens et la cavale de Mouammar Kadhafi marque la fin d’un régime en place depuis 1969. Une chute qui met définitivement en lumière l’atrocité de la répression et le goût du luxe de l’ancien Guide et de sa famille
"Ceux qui passent la tête par la porte restent sans voix, et reculent aussi vite qu’il est dignement possible de le faire pour sortir du hangar au sol couvert d’hommes mis à mort." Dans un article du Monde du 29 août dernier, le quotidien annonce la découverte d’un charnier d’une cinquantaine de personnes, au sud de Tripoli. Dans cette prison de fortune mise en place au début de l’insurrection, la 32e brigade, commandée par un fils de Mouammar Kadhafi, Khamis, a massacré, alors que les rebelles se rapprochaient, les détenus toujours incarcérés. Le porte-parole de la rébellion, le colonel Ahmed Omar Bani, estime le nombre des personnes arrêtées en Libye pendant la vague de répression du régime Kadhafi "entre 57.000 et 60.000". Depuis la prise de Tripoli, seulement "entre 10.000 et 11.000" hommes auraient été libérés, notamment à la prison d’Abou Salim. "Où sont les autres ?", s’interroge le porte-parole.

La torture comme arme politique
Depuis son accession au pouvoir, le Guide a utilisé la torture pour prévenir les tentatives de renversements du régime. Des pendaisons et des mutilations, parfois publiques, ont anéanti toute forme de rébellion en 41 ans de règne. Un coup d’État raté contre le leader libyen en mai 1984 a entraîné l’emprisonnement de milliers de personnes. En 1988, plusieurs centaines de personnes sont libérées à la suite d’une large amnistie concédée par le Guide. Un an plus tard, le régime déclenche une nouvelle vague de répression. Amnesty International constate alors sur place "des arrestations de masse, des disparitions et la torture systématique". Après une seconde tentative de coup d’État dans les années 90, dans laquelle de hauts gradés sont impliqués, Kadhafi purge l’appareil militaire. Il élimine systématiquement tout rival potentiel. Fin juin 1996, en deux jours, plus d’un millier de prisonniers sont tués par les forces du régime, dans la prison d’Abou Salim. C’est probablement l’acte le plus sanglant du régime. Longtemps nié, ce massacre ne sera reconnu qu’en avril 2004 par Mouammar Kadhafi.

Loin de sa tente de bédouin
Les massacres perpétrés par le régime de Mouammar Kadhafi ne sont pas les seules découvertes des rebelles. Des résidences, des véhicules, de l’alcool… Les Libyens peuvent aujourd’hui se rendre compte du train de vie mené par le Guide au cours de son régime. "On se croirait en Europe", s’étonne l’un des visiteurs de la vaste plantation dissimulée dans une immense exploitation agricole à 25 km au sud-ouest de Tripoli. La ferme verdoyante de Mouammar Kadhafi contraste avec l’image de bédouin vivant au milieu du désert qu’il se donnait. "On nous disait qu’il vivait sous la tente et voilà", témoigne Ahmad Ramadan en montrant le panorama d’arbres fruitiers bien alignés, de pieds de vigne bien soignés et de massifs de fleurs.

Les rebelles libyens ont également pu découvrir pour la première fois l’avion présidentiel. L’occasion de célébrer une nouvelle fois la chute de l’ancien Guide.

Autre étrange découverte qu’ont faite les rebelles libyens, cette fois-ci, en pénétrant dans le palais de Mouammar Kadhafi : sa voiture. Il s’agit en effet d’une minuscule Fiat 500, a révélé, jeudi, le quotidien italien Corriere della Sera. La petite Italienne possède un moteur électrique de 34 kW construit à Gênes. Le chauffage avant et arrière, peu utile à Tripoli, est remplacé par des packs de piles au lithium. Le réservoir de carburant laisse sa place à une pompe géante de climatisation. Mais il ne s’agit pas non plus de faire de la figuration. Surpassant les marques européennes, le véhicule atteint une vitesse de pointe de 160 km/h et possède une autonomie de 260 kilomètres, pour un temps de chargement n’excédant pas les dix minutes. Le prix d’un tel véhicule : environ 200.000 euros.

Une nounou défigurée par la famille Kadhafi
La famille du dictateur partageait forcément le train de vie royal mené par le Guide. Hannibal Kadhafi, l’un de ses fils et sa femme, Aline, habitaient dans le complexe résidentiel luxueux de Bab el-Aziziya. C’est dans ce lieu que le sort de Shweyga Mullah, une jeune femme de 30 ans, chargée de la garde des enfants du couple, a été mis à jour. Le corps, le visage et la tête brûlés, la nourrice raconte calmement aux journalistes de CNN comment elle a été aspergée d’eau bouillante, trois mois auparavant, par Aline Kadhafi. Cette dernière, incapable de réagir face aux pleurs de sa fille, et devant le refus de la nourrice de la frapper, a décidé de punir sa servante. "Elle [Aline] m’a emmenée dans la salle de bain, m’a attachée les mains derrière le dos et les pieds. Elle m’a scotchée la bouche et a commencé à verser de l’eau bouillante sur ma tête", raconte Shweyga en mimant les gestes. Un de ses collègues, originaire du Bangladesh, raconte aussi avoir été régulièrement battu et blessé à coups de couteau. C’est le même couple Kadhafi qui avait été à l’origine des tensions diplomatiques entre la Suisse et la Libye, en 2008 : les deux conjoints avaient été arrêtés en juillet 2008 dans un hôtel suisse pour mauvais traitements à l’encontre de leurs propres domestiques. Mais c’est l’Etat suisse qui avait finalement été condamné à verser près de 800.000 d’euros de dommages et intérêts, en mars dernier, à Hannibal Kadhafi, pour avoir diffusé les photos de son arrestation.

Author: J.B

 


Source:  Armees.com, du 31 août 2011

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