Sunday, August 21, 2011

Libye : les rebelles avancent dans Tripoli, le fils de Kadhafi arrêté


Un homme plante le drapeau des insurgés libyens, dimanche 21 août, à Maïa, à 25 kilomètres à l'ouest de Tripoli.
Un homme plante le drapeau des insurgés libyens, dimanche 21 août, à Maïa, à 25 kilomètres à l'ouest de Tripoli.REUTERS/BOB STRONG

Les rebelles libyens ont pénétré, dimanche 21 août, dans la capitale du pays. Lundi matin, de violents combats se déroulaient autour de la résidence de Mouammar Kadhafi. Dans la nuit de dimanche à lundi, les rebelles affirmaient tenir toute la ville, excepté cette résidence. Le président américain, Barack Obama, a de nouveau exhorté le dirigeant libyen à quitter le pouvoir.
  • Les rebelles progressent dans Tripoli
Des combattants rebelles ont atteint, dans la soirée, la place Verte, dans le centre de la capitale libyenne. La télévision britannique Sky News a diffusé des images montrant une foule d'hommes en liesse, agitant des drapeaux rouge, noir, vert, aux couleurs de la rébellion, dansant et scandant "Allah Akbar" ("Dieu est grand") tout en tirant en l'air. Selon un porte-parole des rebelles s'exprimant sur Al-Jazira, les forces fidèles à Kadhafi ne contrôlent plus que 15 à 20 % du territoire.
La progression des opposants à Kadhafi, arrivés notamment par la mer, s'est accélérée à partir de samedi dans la région de Tripoli. Aux premières heures, lundi, ils affirmaient contrôler tout Tripoli, à l'exception du complexe de Bab Al-Azizah, résidence du Guide de la révolution. Dans la journée de dimanche, les rebelles ont pénétré dans les banlieues de Tripoli et se sont dirigés dans le centre-ville. Selon des journalistes sur place, ils n'ont rencontré qu'une très faible résistance et ont été salués par les habitants de ces zones. Ils se sont emparés d'une caserne de la brigade Khamis, unité d'élite réputée comme la mieux entraînée, commandée par l'un des fils de Kadhafi, auquel elle doit son nom.
Dans la matinée, alors que les premiers rebelles atteignaient les faubourgs de la ville, le régime reconnaissait des infiltrations "de groupes isolés". Les autorités avaient alors adressé des messages sur les téléphones portables appelant "le peuple à sortir dans toutes les villes pour éliminer les traîtres et les agents avec des armes et pour les piétiner".

Un rebelle libyen célèbre l'avancée vers Tripoli, dimanche 21 août, à Maïa.
Un rebelle libyen célèbre l'avancée vers Tripoli, dimanche 21 août, à Maïa.REUTERS/BOB STRONG

De violents affrontements ont eu lieu, dimanche après-midi, à proximité de l'hôtel Rixos, qui abrite la presse étrangère dans le centre de Tripoli. Les membres de la direction de l'hôtel ainsi que son chef, de nationalité suisse, ont quitté l'établissement. Ce dernier a affirmé que les employés avaient reçu des appels téléphoniques de personnes menaçant de prendre d'assaut l'hôtel parce qu'il y héberge des officiels.
Le Conseil national de transition a assuré avoir fait prisonnier le fils de Mouammar Kadhafi, Saïf Al-Islam, pressenti pour succéder à son père à la tête du régime. "Il est dans un lieu sûr, sous garde renforcée, en attendant qu'il soit déféré à la justice", a indiqué le chef des rebelles à Benghazi dans une interview à Al-Jazira. Une information qui a été confirmée par le procureur de la Cour pénale internationale.
Dans un bref entretien téléphonique avec la chaîne Al-Jazira diffusé lundi matin, le frère aîné de Saïf, Mohamed, a affirmé qu'il était chez lui, qu'il restait dans sa maison et qu'il ne la quitterait pas. La chaîne n'a pas précisé dans quel quartier il résidait. Mohamed Kadhafi est le président du Comité olympique libyen et s'occupe des secteurs de la poste et des télécommunications.
"Cette nuit, le mouvement contre le régime Kadhafi a atteint un point de non-retour. Tripoli se libère de la poigne du tyran, a affirmé dimanche le président américain, Barack Obama, dans un communiqué. Le régime de Kadhafi montre des signes d'agonie. Le peuple libyen est en train de montrer que l'aspiration universelle à la dignité et à la liberté est bien plus forte que la poigne de fer d'un dictateur."
La plus sûre façon d'éviter un bain de sang est simple, affirme le président américain : "Mouammar Kadhafi et son régime doivent reconnaître que leur règne a pris fin." M. Obama a également appelé les rebelles libyens qui sont entrés dans Tripoli à respecter les droits de la population, préserver les institutions de l'Etat et marcher vers la démocratie.
Dimanche, le New York Times rapportait que les Etats-Unis avaient intensifié ces derniers jours leur activité aérienne autour de Tripoli, en utilisant notamment des drones armés, ce qui a pu contribuer à faire pencher la balance en faveur des rebelles libyens.
Une centaine de libyens se sont rassemblés dans la nuit de dimanche à lundi devant la Maison Blanche, à Washington, priant, criant, agitant des drapeaux des rebelles et chantant en chœur: "La Libye est libre, merci Sarkozy, thank you Obama".
  • "Il reste une semaine, au maximum dix jours, au régime"
L'ancien numéro deux du régime libyen Abdessalam Jalloud, qui a fui Tripoli vendredi et se trouve en Italie, a estimé dimanche que le colonel Kadhafi n'avait plus de temps à sa disposition pour négocier son départ du pouvoir et risquait d'être tué. "Je crois qu'il reste une semaine, au maximum dix jours, au régime, et peut-être moins", a estimé M. Jalloud dans une interview.
"[Kadhafi] n'a aucun moyen de quitter Tripoli. Toutes les routes sont bloquées. Il peut seulement partir sur la base d'un accord international et je pense que cette porte est fermée", a-t-il poursuivi. Par ailleurs, la brigade chargée de la sécurité de Kadhafi s'est rendue, a annoncé Al-Jazira.
  • Le porte-parole du régime appelle à cesser les combats et à négocier
Le porte-parole du régime, Moussa Ibrahim, s'est exprimé à la télévision dans la soirée de dimanche. Il a déploré que la bataille de Tripoli se soit soldée par un bilan humain qui est "au-delà de l'imaginable", évoquant mille trois cents morts dans les dernières vingt-quatre heures.
Pour M. Ibrahim, Tripoli était une ville calme et sûre avant que les rebelles – des "gangs armés" – et l'OTAN ne la mette à feu et à sang. Il a exhorté les rebelles à cesser le combat et à négocier, ce à quoi, a-t-il assuré, Kadhafi était disposé.
  • Pour l'OTAN, "la fin est proche"
Les puissances occidentales engagées en Libye ont assuré que l'issue était proche. "Il est clair, d'après les scènes auxquelles nous assistons à Tripoli, que la fin est proche pour Kadhafi", a déclaré dans un communiqué le bureau du premier ministre britannique, David Cameron.
Pour la Maison Blanche, les jours du colonel Kadhafi en tant que dirigeant sont "comptés" tandis que Nicolas Sarkozy assure que "l'issue ne fait désormais plus de doute". Rome affirme que la "tragédie" du conflit "touche à sa fin". L'OTAN estime pour sa part que "ce à quoi nous sommes en train d'assister ce soir est l'effondrement du régime".
Dans un message audio diffusé à la télévision d'Etat, tard dans la soirée de dimanche, Mouammar Kadhafi a invité les Libyens à "sauver Tripoli". "Il s'agit d'une obligation pour tous les Libyens. C'est une question de vie ou de mort", a-t-il dit dans ce troisième enregistrement en deux jours.
Plus tôt dans la journée, Kadhafi avait affirmé qu'il ne se rendrait pas et sortirait "victorieux" de la bataille de Tripoli. "Nous ne nous rendrons pas. Nous n'abandonnerons pas Tripoli aux occupants et à leurs agents. Je suis avec vous dans cette bataille, a martelé Kadhafi. Nous ne nous rendrons jamais et, grâce à Dieu, nous sortirons victorieux."

Le Monde.fr, du 22.08.11 | 01h20   •  Mis à jour le 22.08.11 | 07h45

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