Guillaume Soro entend s'installer au siège du gouvernement avec le président élu Alassane Ouattara, refugié dans un hôtel.
La Côte d'Ivoire, plongée dans une étrange léthargie depuis trois jours, s'est brusquement réveillée. Le premier ministre Guillaume Soro, nommé par le président élu Alassane Ouattara, a décidé de mettre un terme à l'impasse dans laquelle se trouve le pays. Ce lundi, il a annoncé que, jeudi prochain, «le gouvernement au grand complet marcherait sur la Radio télévision ivoirienne, RTI, pour y installer un nouveau dirigeant». Le lendemain, Guillaume Soro et ses ministres se rendront «à la primature (siège du gouvernement, NDLR) pour tenir un conseil».
L'opération sera délicate. Les bâtiments de la RTI, en plein centre d'Abidjan, sont placés sous une forte surveillance militaire depuis plusieurs jours. Quant aux locaux de la primature, ils ne se trouvent qu'à une centaine de mètres du palais présidentiel où siège Laurent Gbagbo. La réussite de la démarche amorcerait l'échec du coup de force électoral de Laurent Gbagbo, qui, s'il est totalement isolé sur la scène internationale, bénéficie toujours aujourd'hui de la réalité du pouvoir.
Le premier ministre est resté très laconique sur les moyens qu'il entend employer pour briser l'enfermement d'Alassane Ouattara et de ses proches dans le Golf Hôtel, un établissement où ils ont tous trouvé refuge il y a plus de deux semaines. On ignorait, ce lundi, si les Casques bleus de l'ONU et les troupes françaises de l'opération «Licorne» entoureraient le mouvement. Guillaume Soro, qui est également le secrétaire général de Forces nouvelles, l'ancienne rébellion, n'a pas expliqué s'il comptait s'appuyer sur ses hommes.
Mettre l'armée à l'épreuve
Il a justifié l'urgence par la « situation catastrophique des finances». «Les caisses de l'État sont vides. Elles ont été siphonnées pour des achats massifs d'armes et le paiement de miliciens». Depuis plusieurs jours, des rumeurs font en effet état de l'entrée dans Abidjan de troupes parallèles en provenance du Liberia voisin. Il s'agirait d'anciens guérilleros du Model, un ex-groupe rebelle libérien largement financé par Laurent Gbagbo, qui avait contribué à la chute du président Charles Taylor à l'été 2004. Mais aucune source indépendante n'a pu confirmer ces mouvements.
Derrière ce coup de poker, plus que la peur d'éventuels miliciens, c'est la fidélité de l'armée à Laurent Gbagbo que Guillaume Soro entend mettre à l'épreuve. Les Forces armées ivoiriennes (Fanci) et la garde républicaine sont désormais au centre du duel entre Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo. C'est en effet la loyauté du commandement militaire qui, plus que tout, permet à l'ancien président de se maintenir. Ce lundi, des forces militaires ont ainsi établi pendant quelques heures un blocus autour du Golf Hôtel.
En coulisses, les diplomates enjoignent les militaires à rester neutres. Quitte à se montrer plus menaçants. Ainsi, le message de la Cour pénale internationale (CPI), affirmant «surveiller» la situation en Côte d'Ivoire n'est pas passé inaperçu dans les casernes. De son côté, l'Union européenne a accru la pression sur le régime de Laurent Gbagbo en décidant de le sanctionner, via des restrictions de visas et un gel d'avoirs.
Author: Tanguy Berthemet
Source: Le Figaro, du 14/12/2010
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