Dans notre article «Mimétisme, quand tu nous tiens !», nous avions réagi à l’annonce de la création d’un nouveau parti politique par l’un des ténors du PPRD. Nous avions adopté la même attitude que Baudouin Amba Wetshi qui écrit dans son éditorial «Mende rate l’occasion de se taire» : « C’est connu, les politiciens congolais ont deux discours. Le premier sert quand l’acteur milite dans les rangs de l’opposition. Ce discours est généreux, truffé des slogans sur la démocratie et le respect de la vie et de la dignité de la personne. Le second intervient lorsque le même acteur accède au pouvoir. Ici le speech devient conformiste voire conservateur». Hier, Kamerhe avait écrit tout un livre pour appeler les Congolais à voter pour un imposteur. Propriétaire du PPRD comme tous les autres chefs des partis congolais, ce dernier fut reconnaissant en élevant Kamerhe au rang de Président de l’Assemblée nationale, car le vote au niveau de cette institution n’était qu’une simple formalité. Aujourd’hui qu’il a perdu son poste très envié dans le cadre de la politique du ventre si chère à l’Afrique, Kamerhe brûle ce qu’il encensait hier. Il est difficile d’avoir confiance en un tel individu. Néanmoins, il convient de noter que Kamerhe bénéficie des circonstances atténuantes. Le Rwanda agresse le Congo, pille ses ressources naturelles, viole et massacre ses populations pendant des années. Les crimes commis par l’agresseur constituent la plus grande tragédie humaine après la Deuxième Guerre mondiale. Sur le chemin de la paix, le chef d’Etat congolais se permet de s’allier aux envahisseurs en invitant officiellement leur armée à traquer leurs ennemis sur le territoire congolais. Kamerhe participait alors au festin du pouvoir. Il aurait pu se taire, car la politique africaine voudrait qu’une bouche pleine ne parle pas. Mais il a exprimé son opposition à l’acte posé par le chef de l’Etat, ce qui a poussé ce dernier à lui retirer le beefsteak de la bouche. Sous d’autres cieux, on aurait assisté à une levée des boucliers face à la haute trahison de « Joseph Kabila ». Mais, crétinisée par les longues années Mobutu, la classe politique congolaise se tint coi. Voilà pourquoi Kamerhe mérite d’être respecté en dépit de son passé aux côtés d’un imposteur qui mène la politique d’occupation de ses frères tribaux rwandais au Congo. Concernant ce passé, notons que nombreux sont les Congolais qui n’appartiennent pas à la caste enchanteresse des hommes du pouvoir mais qui restent également aveugles face à la politique criminelle de « Joseph Kabila ». Kamerhe est certainement l’une des personnalités politiques dont le péché fut de s’allier à un imposteur qu’ils prenaient pour un Congolais de souche comme eux-mêmes et qui se sont accrochés au pouvoir d’occupation pendant que l’imposteur levait petit à petit le masque sur son imposture.
Aujourd’hui que Kamerhe est président national d’un nouveau parti politique de l’opposition, l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), en notre qualité de concepteur et annonciateur d’une alternative à la démocratie partisane et conflictuelle ou démocratie des singes, nous ne pouvons que condamner sa démarche dans un pays qui compte déjà quelques centaines de partis sans que cela n’entraîne l’émergence de la démocratie. Mais dans notre livre « L’ajustement politique africain. Pour une démocratie endogène au Congo-Kinshasa » (Paris, L’Harmattan, Montréal, L’Harmattan Inc., 1999), nous n’avons pas seulement réfléchi sur une alternative au modèle Westminster de démocratie. Nous avons également réfléchi à minimiser ses nuisances, car, colonisation des cerveaux oblige, la révérence pour ce modèle a encore de beaux jours devant elle en dépit des ses échecs. Aussi allons-nous nous pencher sur l’UNC sous cet angle. Nous allons souligner ce que nous entendons par parcours exceptionnel dans le chef de son président national ainsi que l’implication d’un tel parcours à minimiser les dégâts du multipartisme qui, en Afrique, se réduit souvent en un multi-monopartisme, chaque coin du pays étant dominé par un parti ethnique ou régional après les élections. Nous allons aussi saisir cette occasion pour donner notre avis sur la question passionnante de la tenue des élections dans un pays sous occupation, en rêvant d’une UNC bien structurée comme l’un des acteurs principaux.
Il faut le dire. Notre article caresse l’ambition de fournir de la matière à réflexion à l’UNC compte tenu de la sympathie naturelle que nous avons envers la dénomination de ce parti. En effet, en 2004, nous avions suivi une formation à la « Boutique de gestion » de Bruxelles en vue de créer l’asbl Université de la Nation Congolaise (UNC) dont l’objectif était d’organiser des cycles mensuels d’information générale sur le Congo pendant les weekends en faveur des enfants issus de la diaspora congolaise, pour mieux les attacher à leur mère patrie. Mais faute de financement, le rêve ne s’était pas matérialisé. Nous trouvant en vacances à Bruxelles le 18 décembre 2010, nous étions invités par Mr. Pulusu Omban à diffuser cette idée sur les antennes de la Radio Air Libre dans son émission Diaspo-culture. Mais terrassés par la grippe, nous étions dans l’impossibilité d’honorer l’invitation, ce qui n’est qu’une partie remise. Notons que notre sympathie naturelle pour l’UNC de Kamerhe ne nous détourne nullement de notre combat qui est celui d’ouvrir les yeux des Congolais et Africains sur l’énorme bêtise consistant à imiter servilement l’homme blanc comme si les Noirs que nous sommes ne sont venus au monde que pour être de simples consommateurs des idées des Blancs.
Parcours exceptionnel et dividende politique
Nous avons déjà expliqué à travers nombre de nos publications dans le journal en ligne CIC qu’en Afrique, la règle générale voudrait qu’un parti politique ait une dimension ethnique ou régionale compte tenu de l’existence des consciences ethniques et régionales à côté de la conscience nationale. Les partis à dimension nationale mis en place en dehors de tout despotisme sont une exception qui s’exprime dans des circonstances exceptionnelles. Au Congo, par exemple, le Mouvement National Congolais (MNC) de Patrice-Emery Lumumba n’avait rien d’un miracle. Au delà du radicalisme de ses prises de position et de sa verve oratoire, Lumumba avait bénéficié de deux grands avantages. Le premier fut la situation exceptionnelle de son groupe ethnique. Comme nous l’enseigne l’historien congolais Ndaywel-è-Nziem, « Les Tetela-Kusu (ethnie de Lumumba), à cause des vicissitudes de l’histoire, se trouvaient dispersés aux quatre coins du pays, à Léopoldville comme à Elisabethville, où ils constituaient un nombre important d’émigrés. Dans le Haut-Congo, les Kusu du Maniema formaient un groupe suffisamment distinct; au Kasaï, les Tetela et autres populations de Sankuru voulaient être différenciés de la grande masse des Luba. Donc, Lumumba, à cause de son identité de Tetela, avait son électorat naturel dispersé dans l’ensemble du pays, ce qui l’obligeait à jouer la carte nationaliste ».
L’essaimage des Tetela ne suffit pas à comprendre le succès de Lumumba et la dimension nationale qu’il donna à son parti. Pour compléter cette explication, on doit aussi prendre en considération l’itinéraire exceptionnel de Lumumba lui-même : « Lumumba était l’homme le mieux qualifié pour utiliser le groupe ethnique tetela comme ressource politique. Il était né et avait étudié dans le territoire de Katako Kombe. [Province du Kasaï]. Il travailla à Kindu [Province du Kivu] en tant que commis pour la compagnie minière Symétain, alors il alla à Léopoldville [Province de Léopoldville] où il suivit les cours de l’école des postes. Envoyé au bureau de poste de Stanleyville [Province Orientale], il prit part active aux activités des syndicats et des évolués et devint président de la Mutuelle des Batetela [...]. Après un bref séjour en prison pour détournement de fonds de la poste, il retourna à Léopoldville et devint directeur de vente dans une brasserie. Aussi, quand Lumumba entra dans la politique, il était capable d’utiliser tout un réseau de contacts préexistants, partiellement mais pas exclusivement parmi les Tetela-Kusu de Katako Kombe, Kindu, Stanleyville et Léopoldville » (Turner, Th., « L’ethnie Tetela et le MNC/Lumumba », in Etudes congolaises, n° 4, octobre-décembre 1969).
Cinq décennies plus tard, Kamerhe est le seul grand format politique congolais capable de donner une dimension nationale à son parti sans les moyens de l’Etat et cela non pas à la suite d’un essaimage de son groupe ethnique à travers le territoire national, ce qui est le cas de l’UDPS, mais tout simplement en utilisant rationnellement son parcours personnel qui est exceptionnel. Comme on peut le lire dans l’encyclopédie en ligne Wikipedia, Kamerhe « commence ses études à Bukavu puis fait une autre partie à Goma. Il les poursuit ensuite dans les deux Kasaï pour en finir dans le Bandundu en obtenant son diplôme d’Etat en Mathématiques et physiques vers les années 80. De là, il fait ses études universitaires à l’Université de Kinshasa où il décroche son diplôme de licencié en Sciences économiques en 1987 avec mention distinction. Il y est maintenu comme assistant chargé des cours. L’on comprend alors que c’est par là qu’il maîtrise toutes les quatre langues nationales ». L’on comprend également qu’un tel homme politique se sente « chez lui » partout au Congo et soit très bien placé pour incarner réellement l’unité nationale dont on parle tant mais qu’on ne met jamais en pratique dans la gestion du pouvoir central, toujours dominé par des coteries tribalo-régionales.
Illustrons notre propos par un exemple pour mieux faire comprendre que sociologiquement, Kamerhe est le « frère » de tout Congolais non pas parce qu’il a la nationalité congolaise mais parce qu’il maîtrise les quatre langues nationales. Pour présenter au public son livre de triste mémoire intitulé « Pourquoi j’ai choisi Joseph Kabila » devant un millier de personnes à la cour de l’hôtel Invest Okapi à Kinshasa le 10 mars 2006, Kamerhe avait eu recours au patron du journal Le Soft, Kin-Kiey Mulumba. Parlant du coup de fil qu’il avait alors reçu de Kamerhe qui lui demandait ce service, Kin-Kiey dira qu’il ne pouvait refuser de rendre un tel service à un homme d’une autre province qui lui parlait dans la langue de sa province à lui, le Bandundu, à savoir le Kikongo. Ainsi va la nature humaine. On a toujours une sympathie naturelle envers un « étranger » intégré. Tel est le formidable atout de Kamerhe dans l’espace politique congolais. Mais, disposer d’un atout ne signifie pas forcément savoir en tirer profit. Kamerhe est-il conscient de son profil éminemment présidentiable qui le situe automatiquement au dessus de la mêlée ?
L’UNC comme programme d’action
Kamerhe semble conscient de sa stature nationale que lui envierait tout politique congolais. La dénomination de son parti, Union pour la Nation Congolaise (UNC), est en parfaite symbiose avec son itinéraire personnel qui fait de lui un candidat idéal à la présidence de la république. D’ailleurs, si le pays avait connu un cheminement normal depuis l’indépendance, il aurait pu se permettre d’exiger qu’après deux ou trois décennies, tout candidat à l’élection présidentielle maîtrise les quatre langues nationales en plus de la langue officielle. Ce serait là un ingrédient nécessaire à l’unité du pays qui le mettrait en plus à l’abri de toute imposture à l’instar de celle de « Joseph Kabila », qui demeure un objet politique non identifié après tant d’années au sommet de l’Etat. En outre, on ne peut s’empêcher de tracer un parallélisme entre le nom du parti de Kamerhe et celui de Lumumba : Union pour la Nation Congolaise (UNC) d’un côté et Mouvement National Congolais (MNC) de l’autre. Pour un parallélisme parfait, Kamerhe aurait dû simplement débarrassé le nom de son parti de ses éléments superflus pour le baptiser Union Nationale Congolaise (UNC). C’est à cela que sert entre autres l’expertise politique qui reste un oiseau rare sous le ciel congolais. Aussi avons-nous des partis aux dénominations pittoresques sans que cela ne gêne notre intelligence.
Il est facile de baptiser un parti Mouvement National Congolais (MNC) ou Union pour la Nation Congolaise (UNC). Mais traduire un tel programme d’action en actes reste une tache ingrate. A cet égard, les premiers pas de Kamerhe semblent indiquer que celui-ci n’a pas (encore) pris la juste mesure de la mission que lui dicte son parcours personnel. En effet, après la sortie officielle de son parti à Kinshasa le 14 décembre 2010, Kamerhe s’est envolé vers son Kivu natal. Ainsi, l’UNC court le risque de n’être qu’un parti au nom ronflant (dimension nationale), mais à assise régionale… comme la plupart de partis congolais voire africains. Citons l’exemple du Parti Solidaire Africain (PSA) et du Parti Lumumbiste Unifié (PALU) d’Antoine Gizenga respectivement dans les années 60 et de nos jours. Dans les urnes, ces deux partis n’ont jamais donné une dimension nationale à leur fondateur.
Quand un parti est baptisé Union pour la Nation Congolaise (UNC), on doit s’interroger sur l’identité des partenaires de cette union. Dans le contexte congolais, il s’agit de nos différentes identités régionales. A ce sujet, on doit distinguer l’illusion de la réalité de l’union. De l’indépendance à nos jours, les dirigeants congolais et africains se sont toujours contentés de l’illusion. On recrute ou copte des membres aux quatre coins du pays au sein de la direction du parti. Mais l’assise de celui-ci de même que son véritable noyau décisionnel reste dominée par une identité ethnique ou régionale. Pour créer une véritable union nationale au sein du parti, nous avons recommandé dans « L’ajustement politique africain. Pour une démocratie endogène au Congo-Kinshasa » que le parti fonctionne comme une fédération des partis régionaux. Ainsi, pour être à la hauteur des ses ambitions, l’UNC devrait fonctionner comme une fédération des UNC Bas-Congo, UNC Kinshasa, UNC Bandundu, UNC Equateur, etc., avec une présidence tournante, tout en ayant Kamerhe comme candidat idéal à l’élection présidentielle. Pour que l’UNC ait une assise populaire réelle, il n’était nullement nécessaire que Kamerhe saute à bord du premier avion pour l’intérieur du pays au lendemain du 14 décembre 2010. Il aurait gagné à amorcer des pourparlers avec les leaders de petits partis régionaux pour que ceux-ci meurent d’une belle mort en devenant des noyaux des fédérations régionales de l’UNC. Ces leaders se chargeraient d’annoncer la bonne nouvelle à leurs bases respectives, puis Kamerhe sillonnerait le Congo profond à la tête d’une forte délégation des leaders régionaux pour consacrer l’unité effective du parti.
Des élections dans un pays occupé
Depuis l’élection présidentielle de 2006, l’imposteur « Joseph Kabila » a levé petit à petit le masque sur son imposture. Aujourd’hui, les Congolais de mauvaise foi sont les seuls à ne pas se rendre compte de l’occupation de leur pays par une nébuleuse maffieuse internationale, incarnée par le gouvernement parallèle dirigé par l’imposteur. Face à l’occupation, la résistance armée s’impose. Mais, comme nous l’avons écrit dans notre livre « La deuxième guerre occidentale contre le Congo. Offensive des médias et dessous des cartes » (Paris, L’Harmattan, 2006), l’occupation de notre pays est avant tout l’œuvre des puissants de ce monde qui ont décrété l’impunité de leurs instruments africains. Aussi les élections paraissent-elles comme la voie la moins coûteuse en vies humaines dont le bilan est déjà plus qu’effroyable. Certes, un imposteur ne peut se permettre d’organiser des élections justes, libres et transparentes. Mais, avec Tshisekedi et Kamerhe en lice, une opposition bien organisée peut faire mordre la poussière à l’imposteur dès le premier tour. Pour se convaincre de la nécessité de participer aux élections même dans le contexte défavorable actuel, il convient d’examiner tout le mal que la politique de la chaise vide de l’UDPS aux élections de 2006 a fait à la nation. Rompus dans la lutte non violente à toute dictature, des sénateurs et députés de l’UDPS n’allaient pas laisser les coudées franches à l’imposteur et son gouvernement parallèle. La traversée du désert pendant toute une législature n’a fait que refroidir l’ardeur militante de l’UDPS. N’ayant rencontré aucun obstacle de taille sur son chemin, l’imposteur a fini par asseoir confortablement son gouvernement parallèle tout en semant de nouveau la peur dans les cœurs des Congolais. Que l’UDPS s’engage aujourd’hui à participer aux élections sans condition en dit long sur les méfaits de sa politique de la chaise vide. Par ailleurs, dans toute occupation, il y a toujours des collabos. La grande médiocrité de la classe politique congolaise aidant, il serait aisé à l’imposteur de se fabriquer des adversaires qui iraient aux élections contre lui même si l’ensemble de l’opposition se décidait à les boycotter. Et ce n’est pas la communauté occidentale, autoproclamée internationale, qui viendrait au secours des Congolais, elle qui est l’ordonnatrice et le principal bénéficiaire de la tragédie congolaise.
Les mains tendues de l’opposition
Lors de son retour sur la scène politique, Tshisekedi a tendu la main à l’opposition. A la sortie officielle de son parti, Kamerhe a également tendu la main à l’opposition. Que signifient toutes ces mains tendues ? Si cela signifie « venez me soutenir à prendre le pouvoir », le Congo n’a aucune chance de sortir des marais. Les partis d’opposition doivent se tendre la main pour trois questions essentielles. Primo, ils doivent obtenir de la commission électorale que tous les partis signent un code de bonne conduite lors de la campagne électorale. Un tel code devrait être assorti des sanctions bien déterminées pour toute infraction. Et l’opposition devrait se dresser comme un seul homme à chaque coup porté sur un des membres. Secundo, les candidats idiots, ceux dont les partis ne rayonnent pas au delà de leurs cercles familiaux ou tribaux et qui finissent par faire des scores honteux de zéro pour cent et des poussières, devraient être encouragés à s’abstenir à jouer aux rigolos de manière à ce que l’opposition aligne tout au plus deux ou trois candidats, ce qui rendrait le jeu électoral plus lisible pour une population à majorité analphabète. Tertio, l’opposition doit s’organiser pour assurer sa présence dans tous les bureaux de vote à travers le territoire national. Et au besoin, elle devrait mettre ne place des centres de consolidation des résultats parallèles à ceux de la commission électorale pour détecter toute fraude organisée aussitôt qu’elle se manifesterait. Oui, bien organisée, l’opposition peut minimiser l’ampleur de toute fraude de la part de l’imposteur même maintenant que ses frères tribaux du CNCD ont ôté son dernier masque en s’alliant au PPRD.
Quid du duel Kamerhe-Tshisekedi?
En cas de duel Kamerhe-Tshisekedi au second tour, le choix rationnel ne devrait être dicté par les erreurs politiques monumentales de l’UDPS tout au long de son existence et au rang desquelles se situe par exemple la politique de la chaise vide aux élections de 2006. Il ne devrait pas être dicté par les accusations à tort ou à raison de dérives totalitaires ou de favoritisme ethnique voire familial qui ont émaillé le parcours de la fille aînée de l’opposition congolaise. Il ne devrait pas non plus être dicté par l’obséquiosité passée de Kamerhe vis-à-vis d’un imposteur et criminel notoire. Après avoir eu un premier ministre dormeur, le « lumumbiste » ou « nationaliste » Antoine Gizenga, qui a assuré sa succession à travers un népotisme indigne d’un nationaliste, le pays ne peut se permettre d’avoir un président de la république dormeur. Les dinosaures, on les parque au sénat et non à la tête de l’exécutif d’un Etat. Par ailleurs, hisser à la présidence de la république un politicien des années 60 après cinq décennies d’indépendance reviendrait à reconnaître que les dinosaures n’ont rien fait pour leur pays. Ce serait également insulter l’intelligence et le dynamisme de jeunes générations. Ceci dit, en cas de duel entre Tshisekedi et l’imposteur, il faut espérer que Kamerhe ne ferait pas revivre à la nation l’horreur de 2006.
Aujourd’hui que Kamerhe est président national d’un nouveau parti politique de l’opposition, l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), en notre qualité de concepteur et annonciateur d’une alternative à la démocratie partisane et conflictuelle ou démocratie des singes, nous ne pouvons que condamner sa démarche dans un pays qui compte déjà quelques centaines de partis sans que cela n’entraîne l’émergence de la démocratie. Mais dans notre livre « L’ajustement politique africain. Pour une démocratie endogène au Congo-Kinshasa » (Paris, L’Harmattan, Montréal, L’Harmattan Inc., 1999), nous n’avons pas seulement réfléchi sur une alternative au modèle Westminster de démocratie. Nous avons également réfléchi à minimiser ses nuisances, car, colonisation des cerveaux oblige, la révérence pour ce modèle a encore de beaux jours devant elle en dépit des ses échecs. Aussi allons-nous nous pencher sur l’UNC sous cet angle. Nous allons souligner ce que nous entendons par parcours exceptionnel dans le chef de son président national ainsi que l’implication d’un tel parcours à minimiser les dégâts du multipartisme qui, en Afrique, se réduit souvent en un multi-monopartisme, chaque coin du pays étant dominé par un parti ethnique ou régional après les élections. Nous allons aussi saisir cette occasion pour donner notre avis sur la question passionnante de la tenue des élections dans un pays sous occupation, en rêvant d’une UNC bien structurée comme l’un des acteurs principaux.
Il faut le dire. Notre article caresse l’ambition de fournir de la matière à réflexion à l’UNC compte tenu de la sympathie naturelle que nous avons envers la dénomination de ce parti. En effet, en 2004, nous avions suivi une formation à la « Boutique de gestion » de Bruxelles en vue de créer l’asbl Université de la Nation Congolaise (UNC) dont l’objectif était d’organiser des cycles mensuels d’information générale sur le Congo pendant les weekends en faveur des enfants issus de la diaspora congolaise, pour mieux les attacher à leur mère patrie. Mais faute de financement, le rêve ne s’était pas matérialisé. Nous trouvant en vacances à Bruxelles le 18 décembre 2010, nous étions invités par Mr. Pulusu Omban à diffuser cette idée sur les antennes de la Radio Air Libre dans son émission Diaspo-culture. Mais terrassés par la grippe, nous étions dans l’impossibilité d’honorer l’invitation, ce qui n’est qu’une partie remise. Notons que notre sympathie naturelle pour l’UNC de Kamerhe ne nous détourne nullement de notre combat qui est celui d’ouvrir les yeux des Congolais et Africains sur l’énorme bêtise consistant à imiter servilement l’homme blanc comme si les Noirs que nous sommes ne sont venus au monde que pour être de simples consommateurs des idées des Blancs.
Parcours exceptionnel et dividende politique
Nous avons déjà expliqué à travers nombre de nos publications dans le journal en ligne CIC qu’en Afrique, la règle générale voudrait qu’un parti politique ait une dimension ethnique ou régionale compte tenu de l’existence des consciences ethniques et régionales à côté de la conscience nationale. Les partis à dimension nationale mis en place en dehors de tout despotisme sont une exception qui s’exprime dans des circonstances exceptionnelles. Au Congo, par exemple, le Mouvement National Congolais (MNC) de Patrice-Emery Lumumba n’avait rien d’un miracle. Au delà du radicalisme de ses prises de position et de sa verve oratoire, Lumumba avait bénéficié de deux grands avantages. Le premier fut la situation exceptionnelle de son groupe ethnique. Comme nous l’enseigne l’historien congolais Ndaywel-è-Nziem, « Les Tetela-Kusu (ethnie de Lumumba), à cause des vicissitudes de l’histoire, se trouvaient dispersés aux quatre coins du pays, à Léopoldville comme à Elisabethville, où ils constituaient un nombre important d’émigrés. Dans le Haut-Congo, les Kusu du Maniema formaient un groupe suffisamment distinct; au Kasaï, les Tetela et autres populations de Sankuru voulaient être différenciés de la grande masse des Luba. Donc, Lumumba, à cause de son identité de Tetela, avait son électorat naturel dispersé dans l’ensemble du pays, ce qui l’obligeait à jouer la carte nationaliste ».
L’essaimage des Tetela ne suffit pas à comprendre le succès de Lumumba et la dimension nationale qu’il donna à son parti. Pour compléter cette explication, on doit aussi prendre en considération l’itinéraire exceptionnel de Lumumba lui-même : « Lumumba était l’homme le mieux qualifié pour utiliser le groupe ethnique tetela comme ressource politique. Il était né et avait étudié dans le territoire de Katako Kombe. [Province du Kasaï]. Il travailla à Kindu [Province du Kivu] en tant que commis pour la compagnie minière Symétain, alors il alla à Léopoldville [Province de Léopoldville] où il suivit les cours de l’école des postes. Envoyé au bureau de poste de Stanleyville [Province Orientale], il prit part active aux activités des syndicats et des évolués et devint président de la Mutuelle des Batetela [...]. Après un bref séjour en prison pour détournement de fonds de la poste, il retourna à Léopoldville et devint directeur de vente dans une brasserie. Aussi, quand Lumumba entra dans la politique, il était capable d’utiliser tout un réseau de contacts préexistants, partiellement mais pas exclusivement parmi les Tetela-Kusu de Katako Kombe, Kindu, Stanleyville et Léopoldville » (Turner, Th., « L’ethnie Tetela et le MNC/Lumumba », in Etudes congolaises, n° 4, octobre-décembre 1969).
Cinq décennies plus tard, Kamerhe est le seul grand format politique congolais capable de donner une dimension nationale à son parti sans les moyens de l’Etat et cela non pas à la suite d’un essaimage de son groupe ethnique à travers le territoire national, ce qui est le cas de l’UDPS, mais tout simplement en utilisant rationnellement son parcours personnel qui est exceptionnel. Comme on peut le lire dans l’encyclopédie en ligne Wikipedia, Kamerhe « commence ses études à Bukavu puis fait une autre partie à Goma. Il les poursuit ensuite dans les deux Kasaï pour en finir dans le Bandundu en obtenant son diplôme d’Etat en Mathématiques et physiques vers les années 80. De là, il fait ses études universitaires à l’Université de Kinshasa où il décroche son diplôme de licencié en Sciences économiques en 1987 avec mention distinction. Il y est maintenu comme assistant chargé des cours. L’on comprend alors que c’est par là qu’il maîtrise toutes les quatre langues nationales ». L’on comprend également qu’un tel homme politique se sente « chez lui » partout au Congo et soit très bien placé pour incarner réellement l’unité nationale dont on parle tant mais qu’on ne met jamais en pratique dans la gestion du pouvoir central, toujours dominé par des coteries tribalo-régionales.
Illustrons notre propos par un exemple pour mieux faire comprendre que sociologiquement, Kamerhe est le « frère » de tout Congolais non pas parce qu’il a la nationalité congolaise mais parce qu’il maîtrise les quatre langues nationales. Pour présenter au public son livre de triste mémoire intitulé « Pourquoi j’ai choisi Joseph Kabila » devant un millier de personnes à la cour de l’hôtel Invest Okapi à Kinshasa le 10 mars 2006, Kamerhe avait eu recours au patron du journal Le Soft, Kin-Kiey Mulumba. Parlant du coup de fil qu’il avait alors reçu de Kamerhe qui lui demandait ce service, Kin-Kiey dira qu’il ne pouvait refuser de rendre un tel service à un homme d’une autre province qui lui parlait dans la langue de sa province à lui, le Bandundu, à savoir le Kikongo. Ainsi va la nature humaine. On a toujours une sympathie naturelle envers un « étranger » intégré. Tel est le formidable atout de Kamerhe dans l’espace politique congolais. Mais, disposer d’un atout ne signifie pas forcément savoir en tirer profit. Kamerhe est-il conscient de son profil éminemment présidentiable qui le situe automatiquement au dessus de la mêlée ?
L’UNC comme programme d’action
Kamerhe semble conscient de sa stature nationale que lui envierait tout politique congolais. La dénomination de son parti, Union pour la Nation Congolaise (UNC), est en parfaite symbiose avec son itinéraire personnel qui fait de lui un candidat idéal à la présidence de la république. D’ailleurs, si le pays avait connu un cheminement normal depuis l’indépendance, il aurait pu se permettre d’exiger qu’après deux ou trois décennies, tout candidat à l’élection présidentielle maîtrise les quatre langues nationales en plus de la langue officielle. Ce serait là un ingrédient nécessaire à l’unité du pays qui le mettrait en plus à l’abri de toute imposture à l’instar de celle de « Joseph Kabila », qui demeure un objet politique non identifié après tant d’années au sommet de l’Etat. En outre, on ne peut s’empêcher de tracer un parallélisme entre le nom du parti de Kamerhe et celui de Lumumba : Union pour la Nation Congolaise (UNC) d’un côté et Mouvement National Congolais (MNC) de l’autre. Pour un parallélisme parfait, Kamerhe aurait dû simplement débarrassé le nom de son parti de ses éléments superflus pour le baptiser Union Nationale Congolaise (UNC). C’est à cela que sert entre autres l’expertise politique qui reste un oiseau rare sous le ciel congolais. Aussi avons-nous des partis aux dénominations pittoresques sans que cela ne gêne notre intelligence.
Il est facile de baptiser un parti Mouvement National Congolais (MNC) ou Union pour la Nation Congolaise (UNC). Mais traduire un tel programme d’action en actes reste une tache ingrate. A cet égard, les premiers pas de Kamerhe semblent indiquer que celui-ci n’a pas (encore) pris la juste mesure de la mission que lui dicte son parcours personnel. En effet, après la sortie officielle de son parti à Kinshasa le 14 décembre 2010, Kamerhe s’est envolé vers son Kivu natal. Ainsi, l’UNC court le risque de n’être qu’un parti au nom ronflant (dimension nationale), mais à assise régionale… comme la plupart de partis congolais voire africains. Citons l’exemple du Parti Solidaire Africain (PSA) et du Parti Lumumbiste Unifié (PALU) d’Antoine Gizenga respectivement dans les années 60 et de nos jours. Dans les urnes, ces deux partis n’ont jamais donné une dimension nationale à leur fondateur.
Quand un parti est baptisé Union pour la Nation Congolaise (UNC), on doit s’interroger sur l’identité des partenaires de cette union. Dans le contexte congolais, il s’agit de nos différentes identités régionales. A ce sujet, on doit distinguer l’illusion de la réalité de l’union. De l’indépendance à nos jours, les dirigeants congolais et africains se sont toujours contentés de l’illusion. On recrute ou copte des membres aux quatre coins du pays au sein de la direction du parti. Mais l’assise de celui-ci de même que son véritable noyau décisionnel reste dominée par une identité ethnique ou régionale. Pour créer une véritable union nationale au sein du parti, nous avons recommandé dans « L’ajustement politique africain. Pour une démocratie endogène au Congo-Kinshasa » que le parti fonctionne comme une fédération des partis régionaux. Ainsi, pour être à la hauteur des ses ambitions, l’UNC devrait fonctionner comme une fédération des UNC Bas-Congo, UNC Kinshasa, UNC Bandundu, UNC Equateur, etc., avec une présidence tournante, tout en ayant Kamerhe comme candidat idéal à l’élection présidentielle. Pour que l’UNC ait une assise populaire réelle, il n’était nullement nécessaire que Kamerhe saute à bord du premier avion pour l’intérieur du pays au lendemain du 14 décembre 2010. Il aurait gagné à amorcer des pourparlers avec les leaders de petits partis régionaux pour que ceux-ci meurent d’une belle mort en devenant des noyaux des fédérations régionales de l’UNC. Ces leaders se chargeraient d’annoncer la bonne nouvelle à leurs bases respectives, puis Kamerhe sillonnerait le Congo profond à la tête d’une forte délégation des leaders régionaux pour consacrer l’unité effective du parti.
Des élections dans un pays occupé
Depuis l’élection présidentielle de 2006, l’imposteur « Joseph Kabila » a levé petit à petit le masque sur son imposture. Aujourd’hui, les Congolais de mauvaise foi sont les seuls à ne pas se rendre compte de l’occupation de leur pays par une nébuleuse maffieuse internationale, incarnée par le gouvernement parallèle dirigé par l’imposteur. Face à l’occupation, la résistance armée s’impose. Mais, comme nous l’avons écrit dans notre livre « La deuxième guerre occidentale contre le Congo. Offensive des médias et dessous des cartes » (Paris, L’Harmattan, 2006), l’occupation de notre pays est avant tout l’œuvre des puissants de ce monde qui ont décrété l’impunité de leurs instruments africains. Aussi les élections paraissent-elles comme la voie la moins coûteuse en vies humaines dont le bilan est déjà plus qu’effroyable. Certes, un imposteur ne peut se permettre d’organiser des élections justes, libres et transparentes. Mais, avec Tshisekedi et Kamerhe en lice, une opposition bien organisée peut faire mordre la poussière à l’imposteur dès le premier tour. Pour se convaincre de la nécessité de participer aux élections même dans le contexte défavorable actuel, il convient d’examiner tout le mal que la politique de la chaise vide de l’UDPS aux élections de 2006 a fait à la nation. Rompus dans la lutte non violente à toute dictature, des sénateurs et députés de l’UDPS n’allaient pas laisser les coudées franches à l’imposteur et son gouvernement parallèle. La traversée du désert pendant toute une législature n’a fait que refroidir l’ardeur militante de l’UDPS. N’ayant rencontré aucun obstacle de taille sur son chemin, l’imposteur a fini par asseoir confortablement son gouvernement parallèle tout en semant de nouveau la peur dans les cœurs des Congolais. Que l’UDPS s’engage aujourd’hui à participer aux élections sans condition en dit long sur les méfaits de sa politique de la chaise vide. Par ailleurs, dans toute occupation, il y a toujours des collabos. La grande médiocrité de la classe politique congolaise aidant, il serait aisé à l’imposteur de se fabriquer des adversaires qui iraient aux élections contre lui même si l’ensemble de l’opposition se décidait à les boycotter. Et ce n’est pas la communauté occidentale, autoproclamée internationale, qui viendrait au secours des Congolais, elle qui est l’ordonnatrice et le principal bénéficiaire de la tragédie congolaise.
Les mains tendues de l’opposition
Lors de son retour sur la scène politique, Tshisekedi a tendu la main à l’opposition. A la sortie officielle de son parti, Kamerhe a également tendu la main à l’opposition. Que signifient toutes ces mains tendues ? Si cela signifie « venez me soutenir à prendre le pouvoir », le Congo n’a aucune chance de sortir des marais. Les partis d’opposition doivent se tendre la main pour trois questions essentielles. Primo, ils doivent obtenir de la commission électorale que tous les partis signent un code de bonne conduite lors de la campagne électorale. Un tel code devrait être assorti des sanctions bien déterminées pour toute infraction. Et l’opposition devrait se dresser comme un seul homme à chaque coup porté sur un des membres. Secundo, les candidats idiots, ceux dont les partis ne rayonnent pas au delà de leurs cercles familiaux ou tribaux et qui finissent par faire des scores honteux de zéro pour cent et des poussières, devraient être encouragés à s’abstenir à jouer aux rigolos de manière à ce que l’opposition aligne tout au plus deux ou trois candidats, ce qui rendrait le jeu électoral plus lisible pour une population à majorité analphabète. Tertio, l’opposition doit s’organiser pour assurer sa présence dans tous les bureaux de vote à travers le territoire national. Et au besoin, elle devrait mettre ne place des centres de consolidation des résultats parallèles à ceux de la commission électorale pour détecter toute fraude organisée aussitôt qu’elle se manifesterait. Oui, bien organisée, l’opposition peut minimiser l’ampleur de toute fraude de la part de l’imposteur même maintenant que ses frères tribaux du CNCD ont ôté son dernier masque en s’alliant au PPRD.
Quid du duel Kamerhe-Tshisekedi?
En cas de duel Kamerhe-Tshisekedi au second tour, le choix rationnel ne devrait être dicté par les erreurs politiques monumentales de l’UDPS tout au long de son existence et au rang desquelles se situe par exemple la politique de la chaise vide aux élections de 2006. Il ne devrait pas être dicté par les accusations à tort ou à raison de dérives totalitaires ou de favoritisme ethnique voire familial qui ont émaillé le parcours de la fille aînée de l’opposition congolaise. Il ne devrait pas non plus être dicté par l’obséquiosité passée de Kamerhe vis-à-vis d’un imposteur et criminel notoire. Après avoir eu un premier ministre dormeur, le « lumumbiste » ou « nationaliste » Antoine Gizenga, qui a assuré sa succession à travers un népotisme indigne d’un nationaliste, le pays ne peut se permettre d’avoir un président de la république dormeur. Les dinosaures, on les parque au sénat et non à la tête de l’exécutif d’un Etat. Par ailleurs, hisser à la présidence de la république un politicien des années 60 après cinq décennies d’indépendance reviendrait à reconnaître que les dinosaures n’ont rien fait pour leur pays. Ce serait également insulter l’intelligence et le dynamisme de jeunes générations. Ceci dit, en cas de duel entre Tshisekedi et l’imposteur, il faut espérer que Kamerhe ne ferait pas revivre à la nation l’horreur de 2006.
Author: Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo
Source: Congoindépendant 2003-2010, du 19 Décembre 2010
Source: Congoindépendant 2003-2010, du 19 Décembre 2010
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