Pour la communauté occidentale, qui s’est autoproclamée internationale depuis des lustres, le deuxième tour de l’élection présidentielle ivoirienne devait mettre un terme à une crise politique déclenchée par la rébellion des Forces Nouvelles en septembre 2002. Dans notre article publié par CIC entre le premier et le deuxième tour de cette élection, « Quand le néocolonialisme français assure la victoire de Gbagbo », nous avions expliqué pourquoi et comment le président sortant Laurent Gbagbo avait toutes ses chances en dépit de la victoire sur papier de son challenger Alassane Ouattara, qui devait bénéficier du report des voix du troisième homme, l’ancien président Konan Bédié. Nous avions déjà abordé la question du vote au nord du pays, qui est désormais au cœur de l’imbroglio actuel. Voici ce que nous avions écrit : « le score stalinien obtenu par Ouattara au premier tour, presque 80%, a été jugé suspect par le parti de Gbagbo, qui s’est plaint du fait que la présence de l’Etat était minime dans cette zone jadis sous contrôle de la rébellion. Il a été même reporté que dans certains coins, le nombre d’électeurs était supérieur à celui de la population. Cela signifie qu’au deuxième tour, Gbagbo va mobiliser les moyens de l’Etat pour déployer ses partisans dans tous les bureaux de vote de cette partie du territoire national. Le tripatouillage, si tripatouillage il y avait au premier tour en faveur d’Ouattara, deviendrait difficile voire impossible ; ce qui augmenterait les chances de Gbagbo au nord ». Apparemment, cette stratégie n’a pas été mise en branle. Pourquoi ? Gbagbo n’en avait-il pas les moyens compte tenu de la présence des forces rebelles toujours armées dans cette partie du pays ? Voulait-il se servir de la carte du nord pour arriver où nous en sommes aujourd’hui ?
Quelles que soient les réponses aux questions ci-dessus, on notera que nous avions également prévu ce qui est arrivé en écrivant qu’en cas de contestation, « la cours suprême, cours constitutionnel pour être juste, serait le seul arbitre. Il s’agit de la même cours constitutionnel qui avait invalidé à plusieurs reprises la candidature d’Ouattara pour les raisons que l’on connait. Et cette fois, il n’y aurait aucune rébellion pour faire pencher la balance du côté des ambitions politiques d’Ouattara ». Par ailleurs, nous avions prédit « qu’en cas de victoire d’Ouattara, il y aurait des fortes chances que le pays connaisse une période trouble. Comme dans tous les pays africains, des clients de Gbagbo détiennent les postes clés dans la police et l’armée. La Côte d’Ivoire n’étant pas encore prête à être dirigée par un fils d’immigrés burkinabé, il y a peu de chance que les hommes de Gbagbo acceptent de gaîté de cœur de se mettre au service d’Ouattara ». Adoptant un ton prophétique, notre article s’était terminé par ces mots : « Les solutions obtenues par la force des armes, comme la révision de la loi électorale ivoirienne au profit d’Ouattara, ont ceci de particulier : elles aboutissent rarement à une paix civile durable, surtout quand la solution sent fortement l’odeur de l’ex-colonisateur ».
Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire a un président ayant l’effectivité du pouvoir, Laurent Gbagbo qui a été déclaré vainqueur du scrutin par l’ensemble de la cours constitutionnel après que celle-ci ait invalidé la victoire d’Alassane Ouattara, annoncée par une partie de la Commission Electorale Indépendante. Gbagbo gouverne tandis que son rival joue à gouverner sous une tente. Que les puissances occidentales soutiennent ce dernier, cela ne devrait étonner personne car, comme nous l’avions écrit dans notre article d’entre les deux tours, l’alliance qui a porté Ouattara à la victoire, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), est une création de la diplomatie française. C’était un piège à cons dans lequel les apprentis sorciers de la France-à -Fric voulaient avoir la peau de Laurent Gbagbo. En outre, à travers leur indignation sélective face aux fraudes électorales, aux violations des droits de l’homme, aux crimes contre l’humanité et à bien d’autres grandes injustices à travers le monde, les puissances occidentales ont suffisamment démontré que seuls comptaient leurs intérêts égoïstes. Ainsi, leurs discours en faveur de « la volonté exprimée par le peuple ivoirien par la voie des urnes » ne peuvent que prêter à sourire.
Que faire maintenant que le con s’est montré plus malin que les concepteurs du piège à cons? Il n’y a pas mille et une solutions, mais deux. La première serait dictée par le droit de la force des puissances occidentales qui pourraient être tentées de faire partir Gbagbo par tous les moyens, avec toutes les conséquences imprévisibles que pourrait entraîner un coup de force. La deuxième solution serait dictée par la realpolitik, comme au lendemain des violences post-électorales au Zimbabwe ou au Kenya : la formation d’un gouvernement d’union nationale avec Gbagbo comme Président et Ouattara dans le rôle de Premier ministre. Notons qu’aucune de ces deux solutions ne résout de manière durable le problème fondamental, à savoir les nuisances du système politique conflictuel.
Si les Africains étaient aptes à tirer des lumières de leurs éternels errements, l’imbroglio ivoirien devrait leur apprendre trois grandes leçons. Primo, la stabilité d’un pays doit reposer sur les institutions et non sur un individu fut-il un homme providentiel. Pendant des décennies, la stabilité de la Côte d’Ivoire a reposé sur les mortelles épaules d’Houphouët Boigny. Le vieil imbécile s’imaginait éternel. Comme Mobutu au Congo et bien d’autres imbéciles ailleurs en Afrique. La vérité est qu’ils n’ont rien construit de durable pour la stabilité de leurs pays respectifs. Secundo, les Africains doivent mettre en place des systèmes de gouverne qu’ils piloteraient eux-mêmes sans l’aide et la vigilance occidentales qui, on le sait, ne serviront jamais les Africains mais encore et toujours les intérêts égoïstes occidentaux. De même que l’aide au développement, l’aide occidentale aux élections dans les pays dits pauvres est un instrument de domination et non de solidarité. Tertio, le rejet de la démocratie partisane et conflictuelle ou de la démocratie à l’occidentale devrait devenir le leitmotiv de tout discours politique en Afrique. En effet, on ne peut comprendre qu’après tant de désillusions, qui datent par ailleurs des années 60, cette formule ait encore des partisans. Deux fois Premier ministre du Togo (1994-1996 & 2005-2006), Gouverneur du Fonds Monétaire International de 1967 à 1973 et Secrétaire général de l’Organisation de l’Unité Africaine de 1978 à 1983, Edem Kodjo s’était autorisé cette déclaration qui serait bien à sa place dans la bouche d’un élève de l’école secondaire : « Les Africains qui revendiquent un modèle original de la démocratie n’en précisent jamais les contours. Et pour cause. Ils ne peuvent le faire. La réalité qu’il convient de méditer est qu’il n’existe pas une démocratie pour les Blancs de l’Occident et une démocratie pour les Nègres d’Afrique ». Le 30 novembre dernier, le même Edem Kodjo fut l’invité du JT Afrique de TV5Monde. Evoquant les situations difficiles que traversaient la Guinée et la Côte d’Ivoire, la présentatrice posera cette question : « Pourquoi les choses sont-elles si compliquées ? » Il y eut enfin une réponse intelligente de la part d’Edem Kodjo : « On n’a pas suffisamment inculturé le concept de démocratie. Nous devons trouver des voies pour rendre les choses naturelles ». Combien de temps et de tragédies faudrait-il pour que les élites africaines comprennent enfin une chose aussi simple ? Faut-il conclure qu’en Afrique, les bagages scientifiques ne sont que « des bijoux brillants destinés à orner nos cerveaux déjà bardés de décorations intellectuelles », au lieu d’être « des idées-outils, des concepts opératoires qui peuvent aider l’Afrique à mieux vivre et à mieux définir et remplir le rôle qu’elle s’assignera»?
Quelles que soient les réponses aux questions ci-dessus, on notera que nous avions également prévu ce qui est arrivé en écrivant qu’en cas de contestation, « la cours suprême, cours constitutionnel pour être juste, serait le seul arbitre. Il s’agit de la même cours constitutionnel qui avait invalidé à plusieurs reprises la candidature d’Ouattara pour les raisons que l’on connait. Et cette fois, il n’y aurait aucune rébellion pour faire pencher la balance du côté des ambitions politiques d’Ouattara ». Par ailleurs, nous avions prédit « qu’en cas de victoire d’Ouattara, il y aurait des fortes chances que le pays connaisse une période trouble. Comme dans tous les pays africains, des clients de Gbagbo détiennent les postes clés dans la police et l’armée. La Côte d’Ivoire n’étant pas encore prête à être dirigée par un fils d’immigrés burkinabé, il y a peu de chance que les hommes de Gbagbo acceptent de gaîté de cœur de se mettre au service d’Ouattara ». Adoptant un ton prophétique, notre article s’était terminé par ces mots : « Les solutions obtenues par la force des armes, comme la révision de la loi électorale ivoirienne au profit d’Ouattara, ont ceci de particulier : elles aboutissent rarement à une paix civile durable, surtout quand la solution sent fortement l’odeur de l’ex-colonisateur ».
Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire a un président ayant l’effectivité du pouvoir, Laurent Gbagbo qui a été déclaré vainqueur du scrutin par l’ensemble de la cours constitutionnel après que celle-ci ait invalidé la victoire d’Alassane Ouattara, annoncée par une partie de la Commission Electorale Indépendante. Gbagbo gouverne tandis que son rival joue à gouverner sous une tente. Que les puissances occidentales soutiennent ce dernier, cela ne devrait étonner personne car, comme nous l’avions écrit dans notre article d’entre les deux tours, l’alliance qui a porté Ouattara à la victoire, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), est une création de la diplomatie française. C’était un piège à cons dans lequel les apprentis sorciers de la France-à -Fric voulaient avoir la peau de Laurent Gbagbo. En outre, à travers leur indignation sélective face aux fraudes électorales, aux violations des droits de l’homme, aux crimes contre l’humanité et à bien d’autres grandes injustices à travers le monde, les puissances occidentales ont suffisamment démontré que seuls comptaient leurs intérêts égoïstes. Ainsi, leurs discours en faveur de « la volonté exprimée par le peuple ivoirien par la voie des urnes » ne peuvent que prêter à sourire.
Que faire maintenant que le con s’est montré plus malin que les concepteurs du piège à cons? Il n’y a pas mille et une solutions, mais deux. La première serait dictée par le droit de la force des puissances occidentales qui pourraient être tentées de faire partir Gbagbo par tous les moyens, avec toutes les conséquences imprévisibles que pourrait entraîner un coup de force. La deuxième solution serait dictée par la realpolitik, comme au lendemain des violences post-électorales au Zimbabwe ou au Kenya : la formation d’un gouvernement d’union nationale avec Gbagbo comme Président et Ouattara dans le rôle de Premier ministre. Notons qu’aucune de ces deux solutions ne résout de manière durable le problème fondamental, à savoir les nuisances du système politique conflictuel.
Si les Africains étaient aptes à tirer des lumières de leurs éternels errements, l’imbroglio ivoirien devrait leur apprendre trois grandes leçons. Primo, la stabilité d’un pays doit reposer sur les institutions et non sur un individu fut-il un homme providentiel. Pendant des décennies, la stabilité de la Côte d’Ivoire a reposé sur les mortelles épaules d’Houphouët Boigny. Le vieil imbécile s’imaginait éternel. Comme Mobutu au Congo et bien d’autres imbéciles ailleurs en Afrique. La vérité est qu’ils n’ont rien construit de durable pour la stabilité de leurs pays respectifs. Secundo, les Africains doivent mettre en place des systèmes de gouverne qu’ils piloteraient eux-mêmes sans l’aide et la vigilance occidentales qui, on le sait, ne serviront jamais les Africains mais encore et toujours les intérêts égoïstes occidentaux. De même que l’aide au développement, l’aide occidentale aux élections dans les pays dits pauvres est un instrument de domination et non de solidarité. Tertio, le rejet de la démocratie partisane et conflictuelle ou de la démocratie à l’occidentale devrait devenir le leitmotiv de tout discours politique en Afrique. En effet, on ne peut comprendre qu’après tant de désillusions, qui datent par ailleurs des années 60, cette formule ait encore des partisans. Deux fois Premier ministre du Togo (1994-1996 & 2005-2006), Gouverneur du Fonds Monétaire International de 1967 à 1973 et Secrétaire général de l’Organisation de l’Unité Africaine de 1978 à 1983, Edem Kodjo s’était autorisé cette déclaration qui serait bien à sa place dans la bouche d’un élève de l’école secondaire : « Les Africains qui revendiquent un modèle original de la démocratie n’en précisent jamais les contours. Et pour cause. Ils ne peuvent le faire. La réalité qu’il convient de méditer est qu’il n’existe pas une démocratie pour les Blancs de l’Occident et une démocratie pour les Nègres d’Afrique ». Le 30 novembre dernier, le même Edem Kodjo fut l’invité du JT Afrique de TV5Monde. Evoquant les situations difficiles que traversaient la Guinée et la Côte d’Ivoire, la présentatrice posera cette question : « Pourquoi les choses sont-elles si compliquées ? » Il y eut enfin une réponse intelligente de la part d’Edem Kodjo : « On n’a pas suffisamment inculturé le concept de démocratie. Nous devons trouver des voies pour rendre les choses naturelles ». Combien de temps et de tragédies faudrait-il pour que les élites africaines comprennent enfin une chose aussi simple ? Faut-il conclure qu’en Afrique, les bagages scientifiques ne sont que « des bijoux brillants destinés à orner nos cerveaux déjà bardés de décorations intellectuelles », au lieu d’être « des idées-outils, des concepts opératoires qui peuvent aider l’Afrique à mieux vivre et à mieux définir et remplir le rôle qu’elle s’assignera»?
Author: Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo
Source: Congoindépendant 2003-2010 , du 9/12/2010
Source: Congoindépendant 2003-2010 , du 9/12/2010
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