Ouvert le samedi 11 décembre au Centre féminin Marie-Antoinette Mobutu à Kinshasa, le premier congrès de l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social) a redonné à la vie politique en RD Congo l’ambiance pluraliste qui lui manquait face au parti dominant le PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et le développement). Etienne Tshisekedi wa Mulumba est désormais le candidat officiel de l’UDPS à l’élection présidentielle de 2011. Aucun observateur sérieux de la vie politique congolaise n’osait parier, samedi, sur la date de démarrage de ces scrutins. En cause, l’incapacité des pouvoirs publics congolais à mobiliser – sans aides extérieures - le "budget électoral" estimé à 700 millions USD).
Rassembler son camp
Arrivé à Kinshasa le mercredi 8 décembre après plusieurs années d’absence pour cause de maladie, Tshisekedi a trouvé un parti anémié par la guerre des «sous-chefs». Qui sont ces sous-chefs? Alexis Mutanda, le secrétaire général du parti (aile Limeté) et François-Xavier Beltchika Kalubye (aile Righini). Ce dernier est un ancien diplomate. Il a représenté le Zaïre notamment en Guinée-Conakry. Beltchika a arboré pendant un certain temps le titre de "président du comité organisateur du premier congrès" de l’UDPS avant d’être évincé par «décision 81» du président national. Qu’en est-il de Valentin Mubake, le président du Comité national de cette formation politique? Il semble que celui-ci se serait rapproché de Beltchika. On le voit, «Tshi-Tshi» doit commencer par rassembler son camp avant de prétendre conquérir le Congo profond.
L’idée d’organiser le premier congrès de l’UDPS date de juin 2007. Durant plus d’un quart de siècle, les membres de cette formation politique n’ont pas eu l’opportunité de faire une «introspection», une autocritique sans concession sur le chemin parcouru, depuis 1982, pour identifier les «forces» et surtout les «faiblesses» qui ont empêché cette "fille ainée de l’opposition" à conserver un pouvoir qui se trouvait entre ses mains voire à se faire coiffer au poteau un certain 17 mai 1997 par des "ploucs" de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre). Il faut espérer que les congressistes réunis du 10 au 14 décembre se départiront de la langue de bois pour souligner entre autre la nécessité de gommer notamment l’image de «parti des Baluba» qui colle à la peau de l’UDPS. Sans oublier, la posture de "chef" arrogant et intransigeant que charrie, à tort ou à raison, Tshisekedi.
Réactions
Il faut refuser de voir pour ne pas remarquer que le congrès de l’UDPS a bousculé le microcosme politique kinois. Un monde semblait anesthésié depuis le vote de 2006. Mercredi 8 décembre, plus d’un million des Kinois ont «escorté» Tshisekedi et sa suite de l’aéroport de Ndjili jusqu’à la 10ème rue à Limete. Samedi 10 décembre, cinq mille congressistes et invités ont pris part à l’ouverture de la réunion. Comment expliquer un tel phénomène dans cette capitale congolaise où le parti présidentiel donnait l’impression de détenir le monopole de la mobilisation des masses? Les théoriciens ergoteront sans doute que la masse kinoise avait abandonné la lutte faute de leader pour la «guider» ou la «diriger». C’est connu, la foule aime être dirigée. «Les masses éprouvent un besoin profond de s’incliner non seulement devant les grandes idéalités mais aussi devant les individus qui à leurs yeux, représentent celles-ci», note Robert Michels dans son mythique ouvrage «Les partis politiques» publié en France chez Flammarion.
Dans son allocution inaugural, "Tatu Etienne" a trouvé des mots presque justes pour appeler les membres de son parti à l’unité. Il a lancé un message de rassemblement en direction de l’opposition politique qui était massivement représentée au cours de la première journée de cette manifestation. Les réactions n’ont pas tardé. «J’ai entendu beaucoup de discours dans ce pays, a déclaré l’ancien président de l’Assemblée nationale Vital Kamerhe. Moi-même, j’en ai fait beaucoup. Il est temps que nous puissions présenter notre vision pour un Congo prospère et stable. C’est ce que compte faire mardi 14 décembre à 11 heures au complexe GB.» Leader de Bundu di Mayala (ex-Bundu dia Kongo) s’est montré plus enthousiaste : «Il y a des gens qui pensent que l’opposition était totalement désorganisé et incapable de s’entendre. Maintenant qu’il {Tshisekedi} a lancé ce message, nous allons le répercuter et nous allons demander à d’autres de se mettre autour d’une table pour voir ce qui est possible de faire ensemble.» Pour Azarias Ruberwa, président du RCD-Goma, l’ouverture exprimée par Tshisekedi «sera examinée dans les états-majors». Le RCD fera connaître sa position lors de son congrès prévu l’année prochaine.
Le «vote utile»
A moins d’une année de la fin de la législature en cours, l’humeur du moment de la grande majorité de la population congolaise est au «Changement». La population demande - depuis le 24 avril 1990, date du retour au pluralisme politique - une amélioration de la qualité de vie et le retour de la respectabilité pour leur pays. Quelle société congolaise voulons-nous demain ? Etienne Tshisekedi sera-t-il capable de trouver la réponse la plus adéquate à cette question en usant le moins possible de slogans?
Pour le moment, «Tshi-Tshi» est occupé à pilonner au bazooka les positions du «clan kabiliste». Il le fait plutôt bien. "Le jour du vote, a-t-il déclaré dans sa toute première allocution prononcée en lingala, que chacun se souvienne des souffrances qu’il endure et vote utile (...).» Connaissant le corps électoral congolais lequel a la «faiblesse» de donner sa voix au candidat le plus «généreux» et pas nécessairement à celui qui a le «meilleur projet politique», Tshisekedi d’anticiper : «Si on vous donne des dollars ou des francs congolais, prenez-les, c’est votre argent, mais votez utile et non pour l’argent.»
Dans une interview accordée à l’hebdomadaire parisien "Jeune Afrique", édition datée du 26 septembre 2010, le président de l’UDPS n’a pas manqué de brocarder «les Cinq chantiers» de «Joseph Kabila» : «Les cinq chantiers ne sont que de la poudre aux yeux». Il revient à la charge : «Joseph Kabila confond la foule avec le peuple.» Pour lui, «Kabila est un adepte de la destruction créatrice. Il signe des contrats miniers puis annonce leur revisitation. Il amène la guerre au Congo et tente de se faire passer pour un faiseur de paix.».
Un scénario non-prévu par les officines kabilistes
Deux semaines après la publication du «Rapport Mapping» sur des crimes de guerre commis en RD Congo de 1996 à 2003, le parti d’Etienne Tshisekedi a réclamé, dans un communiqué daté du 15 octobre 2010, «la création d’un tribunal pénal international pour établir clairement les responsabilités des acteurs impliqués dans ces massacres planifiés.». Il a réclamé également "que justice soit rendue aux familles des victimes des faits graves postérieurs à juin 2003 jusqu’à ces jours, notamment les événements de mars 2007 opposant la garde républicaine, les forces du gouvernement de la RDC et les éléments de la police, d’une part, et les membres du détachement assurant la sécurité de J.P. Bemba, d’autre part ; les événements de février et mars 2008 sur les massacres de Bundu Dia Kongo dans la province de Bas-Congo ; (…) les viols massifs et violences à l’égard des femmes principalement dans les zones de conflit armé; les exactions et autres formes de traitements cruels, inhumains et dégradants perpétrées par les FARDC et la Police Nationale Congolaise, les bandes armées, les autres groupes rebelles et milices …»
Dans l’entretien précité avec «Jeune Afrique», Etienne Tshisekedi wa Mulumba, parlant des élections, dira : «J’irai jusqu’au bout. Et je gagnerai. Je n’ai aucun doute là-dessus». Pourvu que le candidat Tshisekedi ne sous-estime pas l’adversaire. Celui-ci n’a peut-être pas dit son dernier mot. Et ce, même si des «kabilistes» reconnaissent en privée que l’entrée en piste du leader de l’UDPS bouleverse tous les calculs. Ce scénario n’a pas été prévu…
Arrivé à Kinshasa le mercredi 8 décembre après plusieurs années d’absence pour cause de maladie, Tshisekedi a trouvé un parti anémié par la guerre des «sous-chefs». Qui sont ces sous-chefs? Alexis Mutanda, le secrétaire général du parti (aile Limeté) et François-Xavier Beltchika Kalubye (aile Righini). Ce dernier est un ancien diplomate. Il a représenté le Zaïre notamment en Guinée-Conakry. Beltchika a arboré pendant un certain temps le titre de "président du comité organisateur du premier congrès" de l’UDPS avant d’être évincé par «décision 81» du président national. Qu’en est-il de Valentin Mubake, le président du Comité national de cette formation politique? Il semble que celui-ci se serait rapproché de Beltchika. On le voit, «Tshi-Tshi» doit commencer par rassembler son camp avant de prétendre conquérir le Congo profond.
L’idée d’organiser le premier congrès de l’UDPS date de juin 2007. Durant plus d’un quart de siècle, les membres de cette formation politique n’ont pas eu l’opportunité de faire une «introspection», une autocritique sans concession sur le chemin parcouru, depuis 1982, pour identifier les «forces» et surtout les «faiblesses» qui ont empêché cette "fille ainée de l’opposition" à conserver un pouvoir qui se trouvait entre ses mains voire à se faire coiffer au poteau un certain 17 mai 1997 par des "ploucs" de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre). Il faut espérer que les congressistes réunis du 10 au 14 décembre se départiront de la langue de bois pour souligner entre autre la nécessité de gommer notamment l’image de «parti des Baluba» qui colle à la peau de l’UDPS. Sans oublier, la posture de "chef" arrogant et intransigeant que charrie, à tort ou à raison, Tshisekedi.
Réactions
Il faut refuser de voir pour ne pas remarquer que le congrès de l’UDPS a bousculé le microcosme politique kinois. Un monde semblait anesthésié depuis le vote de 2006. Mercredi 8 décembre, plus d’un million des Kinois ont «escorté» Tshisekedi et sa suite de l’aéroport de Ndjili jusqu’à la 10ème rue à Limete. Samedi 10 décembre, cinq mille congressistes et invités ont pris part à l’ouverture de la réunion. Comment expliquer un tel phénomène dans cette capitale congolaise où le parti présidentiel donnait l’impression de détenir le monopole de la mobilisation des masses? Les théoriciens ergoteront sans doute que la masse kinoise avait abandonné la lutte faute de leader pour la «guider» ou la «diriger». C’est connu, la foule aime être dirigée. «Les masses éprouvent un besoin profond de s’incliner non seulement devant les grandes idéalités mais aussi devant les individus qui à leurs yeux, représentent celles-ci», note Robert Michels dans son mythique ouvrage «Les partis politiques» publié en France chez Flammarion.
Dans son allocution inaugural, "Tatu Etienne" a trouvé des mots presque justes pour appeler les membres de son parti à l’unité. Il a lancé un message de rassemblement en direction de l’opposition politique qui était massivement représentée au cours de la première journée de cette manifestation. Les réactions n’ont pas tardé. «J’ai entendu beaucoup de discours dans ce pays, a déclaré l’ancien président de l’Assemblée nationale Vital Kamerhe. Moi-même, j’en ai fait beaucoup. Il est temps que nous puissions présenter notre vision pour un Congo prospère et stable. C’est ce que compte faire mardi 14 décembre à 11 heures au complexe GB.» Leader de Bundu di Mayala (ex-Bundu dia Kongo) s’est montré plus enthousiaste : «Il y a des gens qui pensent que l’opposition était totalement désorganisé et incapable de s’entendre. Maintenant qu’il {Tshisekedi} a lancé ce message, nous allons le répercuter et nous allons demander à d’autres de se mettre autour d’une table pour voir ce qui est possible de faire ensemble.» Pour Azarias Ruberwa, président du RCD-Goma, l’ouverture exprimée par Tshisekedi «sera examinée dans les états-majors». Le RCD fera connaître sa position lors de son congrès prévu l’année prochaine.
Le «vote utile»
A moins d’une année de la fin de la législature en cours, l’humeur du moment de la grande majorité de la population congolaise est au «Changement». La population demande - depuis le 24 avril 1990, date du retour au pluralisme politique - une amélioration de la qualité de vie et le retour de la respectabilité pour leur pays. Quelle société congolaise voulons-nous demain ? Etienne Tshisekedi sera-t-il capable de trouver la réponse la plus adéquate à cette question en usant le moins possible de slogans?
Pour le moment, «Tshi-Tshi» est occupé à pilonner au bazooka les positions du «clan kabiliste». Il le fait plutôt bien. "Le jour du vote, a-t-il déclaré dans sa toute première allocution prononcée en lingala, que chacun se souvienne des souffrances qu’il endure et vote utile (...).» Connaissant le corps électoral congolais lequel a la «faiblesse» de donner sa voix au candidat le plus «généreux» et pas nécessairement à celui qui a le «meilleur projet politique», Tshisekedi d’anticiper : «Si on vous donne des dollars ou des francs congolais, prenez-les, c’est votre argent, mais votez utile et non pour l’argent.»
Dans une interview accordée à l’hebdomadaire parisien "Jeune Afrique", édition datée du 26 septembre 2010, le président de l’UDPS n’a pas manqué de brocarder «les Cinq chantiers» de «Joseph Kabila» : «Les cinq chantiers ne sont que de la poudre aux yeux». Il revient à la charge : «Joseph Kabila confond la foule avec le peuple.» Pour lui, «Kabila est un adepte de la destruction créatrice. Il signe des contrats miniers puis annonce leur revisitation. Il amène la guerre au Congo et tente de se faire passer pour un faiseur de paix.».
Un scénario non-prévu par les officines kabilistes
Deux semaines après la publication du «Rapport Mapping» sur des crimes de guerre commis en RD Congo de 1996 à 2003, le parti d’Etienne Tshisekedi a réclamé, dans un communiqué daté du 15 octobre 2010, «la création d’un tribunal pénal international pour établir clairement les responsabilités des acteurs impliqués dans ces massacres planifiés.». Il a réclamé également "que justice soit rendue aux familles des victimes des faits graves postérieurs à juin 2003 jusqu’à ces jours, notamment les événements de mars 2007 opposant la garde républicaine, les forces du gouvernement de la RDC et les éléments de la police, d’une part, et les membres du détachement assurant la sécurité de J.P. Bemba, d’autre part ; les événements de février et mars 2008 sur les massacres de Bundu Dia Kongo dans la province de Bas-Congo ; (…) les viols massifs et violences à l’égard des femmes principalement dans les zones de conflit armé; les exactions et autres formes de traitements cruels, inhumains et dégradants perpétrées par les FARDC et la Police Nationale Congolaise, les bandes armées, les autres groupes rebelles et milices …»
Dans l’entretien précité avec «Jeune Afrique», Etienne Tshisekedi wa Mulumba, parlant des élections, dira : «J’irai jusqu’au bout. Et je gagnerai. Je n’ai aucun doute là-dessus». Pourvu que le candidat Tshisekedi ne sous-estime pas l’adversaire. Celui-ci n’a peut-être pas dit son dernier mot. Et ce, même si des «kabilistes» reconnaissent en privée que l’entrée en piste du leader de l’UDPS bouleverse tous les calculs. Ce scénario n’a pas été prévu…
Author: Baudouin Amba Wetshi
Source: Congoindépendant 2003-2010, du 12/12/2010
Source: Congoindépendant 2003-2010, du 12/12/2010
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