Une nouvelle rébellion est en gestation en Ituri. Elle
porterait la marque de Bosco Ntaganda, général FARDC en cavale. La révélation
est de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation du
Congo (Monusco). Curieusement, la nouvelle tombe à deux mois de l’examen par le
Conseil de sécurité des Nations unies du mandat des forces onusiennes en RDC. La
révélation de la Monusco est la preuve de plus de l’incapacité de la Monusco à
jouer véritablement son rôle. Une façon de se dédouaner pour camoufler sa
compromission.B>
Human Rights Watch et Amnesty International ont
unanimement salué la volonté clairement affichée par Kinshasa de capturer Bosco
Ntaganda, général FARDC issu des rangs de l’ex-rébellion du CNDP. Les deux ONG
appelaient, en même temps, Kinshasa à tout mettre en œuvre non seulement pour
neutraliser Ntaganda mais surtout le livrer à la Cour pénale internationale pour
qu’il réponde des atrocités commises en Ituri aux côtés de Thomas Lubunga,
actuellement en détention à La Haye (Pays-Bas).
La forte mobilisation
internationale qui a suivi la déclaration de Kinshasa a nettement démontré que
Ntaganda représentait une sérieuse menace pour la paix en RDC. La Monusco vient
d’en donner la preuve.
En effet, au cours de son point de presse
hebdomadaire du mercredi 25 avril, la Monusco a ouvertement étalé ses
inquiétudes à propos de la résurgence d’un mouvement rebelle dans le district de
l’Ituri en Province Orientale. De l’avis de la Monusco qui s’adressait à la
presse via son porte-parole militaire, Félix Prosper Basse, cette rébellion en
gestation porterait la marque de Bosco Ntaganda, général en fuite, actuellement
pourchassée par les FARDC.
TENTATIVE DE DECRYPTAGE
La
nouvelle suscite bien des interrogations, pour autant que c’est la Monusco qui
en a eu la primeur. Il y a certainement quelque chose de caché derrière cette
révélation de la mission onusienne. Et des hypothèses pour pénétrer les enjeux
en présence sont légion.
La première est que la Monusco se prépare à
défendre dans deux mois son mandat devant le Conseil de sécurité des Nations
unies. A l’issue de cet examen de passage, la Monusco espère obtenir des Nations
unies une prorogation d’une année de plus de son mandat en RDC. La résurgence
d’une rébellion dans la partie Est pourrait jouer en sa faveur. D’où, son
empressement à annoncer la nouvelle avant d’en avoir totalement la confirmation.
Pour étayer sa thèse de gestation d’une nouvelle rébellion, la Monusco
se base sur de simples allégations contenues dans des «rapports annonçant la
conduite possible d’une rébellion par le général Bosco Ntaganda en Ituri» datant
du 17 avril 2012. A cet effet, elle a annoncé, dans le communiqué présenté le
mercredi 25 avril, avoir mis ses forces en alerte en mettant sur pied des
«mécanismes appropriés visant à assurer une surveillance optimale de la
situation sécuritaire prévalant dans le district de l’Ituri».
Selon le
porte-parole de la Monusco, la situation sécuritaire en Ituri est stable, mais
demeure imprévisible, particulièrement dans les localités de Bukiringi, Aveba,
Gety, Chekele, Krogo, Nyamani, situées dans le territoire d’Irumu, et contrôlées
par des miliciens du Front de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI).
La deuxième hypothèse qui, vraisemblablement, aurait obligé la Monusco à
livrer l’information au public est, sans doute, la position géostratégique de
l’Ituri. En effet, l’on doit se rappeler que ce district de l’Ituri a été, à
plusieurs reprises, confronté à des tensions de tous genres entre ses
différentes ethnies, principalement les Hema et les Lendu, notamment autour du
contrôle des ressources naturelles enfouies dans son sous-sol, essentiellement
l’or. En plus de l’or, l’Ituri regorge du pétrole, du reste confirmé par la
récente découverte d’une nappe pétrolifère sur le lac Albert, frontalier à
l’Ouganda.
L’Ituri est donc une zone stratégique au centre de grands
enjeux économiques régionaux. La présence annoncée de Bosco Ntaganda dans cette
zone n’est pas innocente. Elle obéit à une logique tracée en avance.
Cet
ancien seigneur de guerre est un habitué de l’Ituri. Il a évolué au début des
années 2000 avec Thomas Lubanga dans l’Union des patriotes congolais (UPC).
Après le démantèlement de l’UPC, Ntaganda est allé tisser des liens avec Laurent
Nkunda au sein du CNDP dans le Nord-Kivu. C’est à partir du CNDP qu’il a été
intégré dans les FARDC où il a été gratifié du grade de général. C’était au
terme de la signature de l’accord de paix à Goma en 2008.
L’annonce
faite par Kinshasa de l’arrêter pour finalement le présenter devant les cours et
tribunaux aura été la petite goutte qui a fait déborder le vase. Depuis, l’homme
est en cavale dans les collines de l’Est. Aujourd’hui, la Monusco l’annonce en
Ituri où il serait à la tête d’une rébellion en gestation. Qui le soutient ? Et
dans quel but ? La Monusco est restée muette sur le sujet. Toujours est-il que
Ntaganda n’a pas tardé à se signaler. N’avait-il pas promis qu’il se battrait
jusqu’au bout ? Kinshasa subit aujourd’hui le revers de l’accord contre-nature
qu’il avait signé à Goma en février 2008.
Mais, pour la Monusco, l’éveil
de Bosco Ntaganda est le signe d’une incapacité à accomplir véritablement sa
tâche en RDC. En annonçant la gestation d’une probable rébellion dans l’Est du
pays, la Monusco veut simplement se dédouaner pour justifier une fois de plus sa
présence en RDC.
Pour des observateurs avisés, la Monusco devrait, dans
ce dossier, afficher un profil bas. Peut-elle expliquer comment Bosco Ntaganda a
pu quitter l’Ituri pour rejoindre le Nord-Kivu ? Par où est-il passé alors qu’à
l’époque l’homme était recherché et que les troupes onusiennes écumaient la
région. Bosco Ntaganda rentre en Ituri au moment où un autre milicien, son
ancien compagnon d’armes, en l’occurrence Cobra Matata a donné de la voix sans
qu’une action musclée soit engagée à son encontre.
Peut-être que le
moment venu des langues se délieront et la complicité de la mission onusienne
sera étalée au grand jour.
DEMASQUER LE COUPABLE
Après dix ans
d’une présence controversée, le temps est venu de s’interroger sur la portée
réelle de la mission onusienne en RDC. Ne serait-elle pas finalement ce tireur
des ficelles des tensions récurrentes qui fragilisent la partie Est de la RDC ?
Plusieurs assertions corroborent cette thèse. Dix ans de présence intensive en
RDC, avec un budget annuel de plus d’un milliard USD, la Monusco a échoué sur
toute la ligne. D’abord, en tant que mission d’observation, ensuite comme
mission de stabilisation.
Le moment est plutôt venu de changer de fusil
d’épaule en réfléchissant sur une autre manière de ramener la paix dans l’Est de
la RDC. Sans la Monusco. D’autant plus que, apparemment, celle-ci souffle le
chaud et le froid. Il semble qu’elle serait convaincue que la fin de la guerre
en RDC est synonyme de la fin de sa mission. Raison pour laquelle elle laisse
faire, encourage l’entretien des conflits armés et l’ouverture de nouveaux
foyers de tensions de manière à justifier sa présence. La rébellion annoncée
dans l’Est rentre dans cette stratégie.
Source: Le Potentiel, du 28/04/2012
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