Friday, April 13, 2012

Guinée-Bissau: La Guinée-Bissau, un pays abonné aux coups d'Etat et gangrené par la drogue

La tentative de coup d'Etat en pleine campagne pour la présidentielle, jeudi 12 avril, vient rappeler que l'histoire de la Guinée-Bissau indépendante n'est pas exactement un modèle de stabilité et de sérénité. Ce petit pays d'Afrique de l'Ouest, qui traîne la réputation d'être un narco-Etat où les avions colombiens livrent de la cocaïne à destination de l'Europe, est un habitué des putschs et assassinats politiques.

La culture de la violence politique

• 1980, premier coup d'Etat. La Guinée-Bissau, aujourd'hui peuplée de 1,6 million d'habitants, obtient son indépendance tardivement, comme les autres colonies portugaises. L'indépendance
unilatérale est proclamée en 1973 après onze ans de lutte conduite notamment par Amilcar Cabral, assassiné six mois plus tôt. Elle devient officielle en 1974. Luis Cabral, frère d'Amilcar et premier président, est déposé par l'armée en 1980 au profit de son Premier ministre, comme le raconte Slate Afrique.

• 1999, renversement par une rébellion. Le marxiste Joao Bernardo Vieira, dit "Nino", est désigné pour le remplacer. Il est élu, en 1984, président du Conseil d'Etat. Il évite un putsch en novembre 1985 fomenté par le général Paulo Correia, exécuté en juillet 1986. Dix ans plus tard, il remporte les premières élections pluralistes, échappe encore en 1998 à une tentative de coup de force. Il est finalement renversé en 1999 par une rébellion.

• 2003, nouveau renversement. Une junte lui succède avant une présidentielle remportée en 2000 par Kumba Yala (Parti de la rénovation sociale, PRS), qui boycotte l'élection de 2012. En 2003, il est à son tour renversé par des militaires.

• 2009, le chef de l'Etat est assassiné. L'ex-président Vieira, de retour d'exil, remporte en 2005 la présidentielle en candidat indépendant. Il sera massacré, criblé de balles et découpé à la machette en mars 2009 par des militaires à Bissau.

• 9 janvier 2012, le président meurt à Paris. Malam Bacaï Sanha est élu président en juillet 2009. Le 9 janvier 2012, il décède à Paris où il avait été hospitalisé pour une maladie dont il souffrait depuis plusieurs années, mais qui n'a jamais été officiellement communiquée. Jeudi 12 avril, à la veille de la campagne pour le second tour de la présidentielle, des militaires tirent des roquettes sur la villa du Premier ministre et candidat (assuré de l'emporter), Carlos Gomes Junior.

Un pays pauvre

Pour ne rien arranger, la Guinée-Bissau ne roule pas sur l'or comme d'autres pays du continent qui regorgent de diamants, de coltan ou d'uranium. L'économie est rurale à 90% et l'industrie très faible. Quelque 85% des recettes d'exportation proviennent de la noix de cajou. On y vit de l'arachide, de la pêche et de l'exploitation du bois.

Des ressources pétrolières et minières existent, mais elles ne sont pas exploitées et sont convoitées par plusieurs pays comme la Chine, l'Angola et le Venezuela. En attendant, 80% de la population vit avec moins d'un dollar par jour, selon l'ONU. Et les militaires sont mal payés.

Du coup, certains ont trouvé d'autres moyens de se remplir les poches. Comme le titrait encore Slate Afrique en 2009, le trafic de cocaïne représenterait un montant supérieur au produit intérieur brut du pays (PIB), selon l'ONU. La Guinée-Bissau s'est ainsi peu à peu forgé la réputation d'être l'une des principales plaques tournantes du trafic de cocaïne à destination de l'Europe en Afrique, comme le relève une enquête du Daily Telegraph (article en anglais) publiée en 2007.

Les pêcheurs remontent des paquets de cocaïne dans leurs filets

Le quotidien britannique raconte comment des pêcheurs pauvres se sont enrichis après avoir remonté des paquets de poudre blanche. Deux Latinos munis d'une valise d'un million de dollars ont débarqué en jet privé pour racheter la cargaison égarée. La drogue arrive notamment via les dizaines d'îles de l'archipel des Bijagos qui fait face à la capitale.

"Des avions venus d'Amérique latine larguent la nuit des paquets sur les plages de cet archipel. Avant que des bateaux de la marine nationale ne viennent les récupérer", écrit Slate Afrique. Certaines îles disposent aussi de pistes de fortune construites par les Portugais pour les nazis pendant la guerre.

Un narco-Etat

Cette situation a valu à la Guinée-Bissau d'être désignée comme un narco-Etat par l'Office contre la drogue et le crime des Nations unies, soulignait en 2009 Le Figaro, qui évoquait la possibilité que les cartels colombiens soient impliqués dans l'assassinat du président Vieira. Il rappelait que "pays pauvre, [la Guinée-Bissau] est une proie idéale : ses militaires sont mal payés, sa prison détruite depuis la guerre civile de 1998 et la surveillance des frontières inexistante".

En octobre 2010, La Croix relatait comment le président Sanha avait été forcé, sous la pression de l'armée, de remettre en fonction "à la tête de la marine un officier soupçonné d'être un baron du trafic de drogue". Le quotidien expliquait qu'"en avril [2010, José Américo Bubo Na Tchuto] avait été ajouté à la liste américaine des 'barons de la drogue', interdisant toute relation commerciale avec lui et gelant ses avoirs aux Etats-Unis".

La situation semble s'améliorer

Dans un rapport publié en janvier, l'ONG International Crisis Group (ICG) estime toutefois que la situation en Guinée-Bissau semble s'améliorer. Le pays aurait perdu son rôle de point stratégique, relève Christophe Champin, journaliste spécialisé dans les questions de drogue en Afrique, sur son blog. "En tout cas, si le transit de poudre blanche continue, c’est de manière beaucoup plus discrète", écrit-il, car ICG relève qu'"une forte incertitude demeure quant à la situation actuelle du trafic et à son impact politique potentiel" dans le pays, où les saisies sont moins nombreuses.

Le journaliste relève que "dans ce contexte, deux analyses s’affrontent. La première serait que les trafiquants se sont détournés vers d’autres Etats de la région. Ce qui est tout à fait possible, tant les organisations criminelles latino-américaines changent constamment leur fusil d’épaule pour sécuriser leurs activités." Seconde analyse évoquée par ICG : "Le trafic, loin d’avoir diminué, est surtout plus discret et mieux couvert, mieux monopolisé par certains segments de l’Etat."


Source: France TV Info, Publié le 13/04/2012 | 12:49 , mis à jour le 13/04/2012 | 12:51

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