Friday, April 13, 2012

RDC/KIVU: Cas Bosco Ntaganda : Ce que Joseph Kabila a dit réellement

Hier jeudi, les auditeurs de la Rfi de la Rd Congo ont été désagréablement surpris d’apprendre que le chef de l’Etat Joseph Kabila Kabange a manifesté son intention d’arrêter Bosco Ntaganda pour le livrer à la CPI. « Je vais arrêter Bosco Ntaganda parce que l’ensemble de la population souhaite la paix », a dit Joseph Kabila. Cette information, loin d’être saluée par la population, a au contraire surpris plus d’une personne, surtout que de différentes sources contactées sur place à Goma,aucune n’était à même de confirmer cette information.

Même la Radio Okapi n’est pas tombée dans ce piège.Elle écrit sur son site Internet, en citant Joseph Kabila que « Bosco Ntaganda peut être arrêté et jugé au Nord-Kivu ou n’importe où en RDC ». Ici, Joseph Kabila ne dit pas qu’il a l’intention de le livrer à la CPI, mais « nous pouvons nous-mêmes l’arrêter, car nous avons cent raisons de l’arrêter et de le juger ici au pays ». Devant les représentants de la société civile réunis à l’Hôtel Ihussi à Goma (province du Nord-Kivu), Joseph Kabila a rappelé qu’en 2002, il y a à peine 10 ans, lorsqu’on négociait pour l’instauration de la paix à l’Est du pays, précisément en Ituri, j’avais dit à Thomas Lubanga, au chef Kawa et aux autres qui sont aujourd’hui en prison, d’arrêter la guerre. Malheureusement, Thomas Lubanga a continué sa salle besogne. Il a été arrêté et transféré à la CPI où il attend sa condamnation. Si Thomas Lubanga avait écouté, peut-être qu’il ne serait pas aujourd’hui à la CPI.

A cause de cette indiscipline manifestée par Bosco Ntaganda, indique le chef de l’Etat qui s’adressait aux représentants de la société civile en swahili, nous n’avons pas besoin de le remettre à la CPI. « Nous-mêmes, nous avons des raisons de l’arrêter et de le juger chez nous ». Quant à la pression de la Communauté internationale qui n’est pas de nature à s’estomper, le chef de l’Etat a répondu qu’il ne travaillait pas pour la Communauté internationale, mais pour les populations congolaises. « Tout ce que nous faisons doit être pour l’intérêt de cette population », dit-il. Concrètement, souligne-t-il, un autre cas d’indiscipline de Bosco Ntaganda nous donnera raison de l’arrêter et de le juger, de même que les autres. Cette fois-là, ça ne sera pas un officiel ex CNDP, mais un officier des FARDC.

Toujours au sujet de Bosco Ntaganda, il sied de relever un principe capital contenu dans le Statut de Rome portant création de la CPI. Il s’agit de la subsidiarité. Ceci pour dire que certains crimes contre l’humanité peuvent être de la compétence tant de la CPI que des juridictions internes de la Rd Congo. Dans ce cas, la CPI ne peut intervenir qu’en cas de défaillance avérée de la part de l’Etat Congolais. Au cas contraire, il revient à ce dernier de juger son citoyen et de prouver que sa justice peut être prise en exemple dans le monde entier.

Qu’est-ce qui se cache derrière ?

Plusieurs observateurs de la scène politique ne comprennent pas jusqu’à maintenant les vraies motivations de cette radio de renommée internationale qu’est la Rfi. Pourquoi avoir affirmé ce que le chef de l’Etat n’a pas dit ? N’est-ce pas une sorte de pression pour ce pays post-conflit ? Pour nombreux observateurs, la dépêche de Rfi n’est pas innocente. Elle est à classer dans la catégorie de ceux qui font pression à la Rd Congo pour livrer Bosco Ntaganda accusé par la CPI d’avoir commis des graves violations des droits de l’homme et l’enrôlement des enfants.

Même s’il faut appeler ça pression politique, il ne faudra pas surtout aller au-delà de ce que le chef de l’Etat a dit. Sinon, on serait tenté de dire qu’il s’agit de la désinformation et de la démobilisation de la population. L’auteur de l’article n’a-t-il pas été trahi par la traduction des propos du chef de l’Etat du swahili en français ? Nous osons croire, lorsqu’on sait que tout le monde ne parle pas Swahili et il n’est pas fait une obligation pour les journalistes, peu importe qu’ils soient étrangers, d’apprendre le Swahili. Mais lorsqu’on n’a pas bien compris le message, le mieux à faire est de se taire.

Même si l’information donnée par Rfi est vraie, nous ne pouvons qu’accepter que ça ne s’arrête qu’au niveau des « intentions ». Surtout qu’une intention n’est ni un jugement, ni une décision. Ce n’est qu’une raison qui pousse à agir. Et sa concrétisation ne se situe pas dans un délai quelconque. Comme pour dire qu’elle dépend du bon vouloir de celui qui la manifeste.

La base de tout, c’est la discipline

Toujours avec les représentants de la société civile à Goma, le chef de l’Etat leur a expliqué que l’armée n’est pas à confondre avec une tribu. Surtout que la base de tout, c’est la discipline. « L’armée c’est la discipline pour tout le monde », martèle le chef de l’Etat qui annonce l’institution d’une Commission de discipline. Cette Commission tentera de régler tous les cas d’indiscipline et verra dans quelle mesure elle peut transférer d’autres devant la justice militaire.

Il a demandé à ses compatriotes de cesser toute instrumentalisation des communautés. Pour lui, un officier qui commet une bêtise ne doit pas être défendu par sa communauté car l’armée est unique. Il n’y a pas une armée de Goma, une autre de Lubumbashi ou de Mbuji-Mayi. L’armée est unique et tout doit être fait pour pérenniser cette unité. Pour lui, la faute est individuelle et c’est l’auteur qui doit en assumer toutes les conséquences. Après ce discours ferme du chef de l’Etat, nombreux sont ceux-là qui pensent qu’il devra aller au-delà de sa logique. Soit, permuter les militaires, surtout ceux qui sont dans les deux provinces du Nord et du Sud-Kivu, afin de tester leur patriotisme et leur volonté d’appartenir à une seule et une même armée pour une seule mission : la protection de la population et de leurs biens, ainsi que la protection du territoire national.

Il faut souligner que le chef de l’Etat Joseph Kabila Kabange a été ainsi dur vis-à-vis de Bosco Ntaganda, parce que ce dernier aurait appelé à la rescousse tous ses hommes autour de lui. Malheureusement, tous ne l’ont pas suivi, mais on estime qu’il a encore les moyens de résister à une interpellation. Quand on est militaire, on est au service de l’Etat congolais et non d’un individu.

Attendre le Gouvernement définitif

Dans cette interview en Swahili que nous avons pu décrypter, le chef de l’Etat n’est pas passé outre certaines questions qui tiennent à cœur la population du Nord-Kivu. Il s’agit de la réhabilitation et la construction des infrastructures. Il a rappelé ses promesses en vue de la réalisation de certaines infrastructures. « Tout ce que j’ai prévu va se réaliser », souligne-t-il, avant de rappeler à l’endroit de ses interlocuteurs que la Rd Congo a jusque-là un Gouvernement intérimaire qui ne peut pas poser un certain nombre d’actes. Il leur a donc demandé d’attendre l’installation d’un Gouvernement définitif après le vote et l’installation du Bureau définitif de l’Assemblée nationale.

Il a lancé un message pour ne pas minimiser le travail de la reconstruction du pays. « Ne donnons pas l’impression comme si nous avons commencé la reconstruction, c’est nous qui allons la terminer », souligne-t-il. La reconstruction est un effort continu qui appelle le soutien et l’accompagnement de tout le monde, même si c’est le Gouvernement qui négocie et débloque les moyens. C’est aussi un travail à long terme, au vu de l’état de dégradation très avancé des infrastructures du pays.



Source: L'Avenir Quotidien, du  13/04/2012

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