L'armée a attaqué jeudi soir la résidence du premier ministre Carlos Gomes Junior, qui avait battu l'ancien président Kumba Yala au premier tour de la présidentielle. Ce dernier avait appelé à boycotter le second tour.
La Guinée-Bissau a été de nouveau secouée jeudi soir par une tentative de coup d'Etat : des militaires ont attaqué la résidence du Premier ministre sortant Carlos Gomes Junior, candidat à la présidentielle du 29 avril, bouclé le centre de la capitale et arrêté des responsables politiques.
A l'issue d'une réunion de ministres à Abidjan, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a condamné «formellement et rigoureusement» cette tentative de putsch et promis la «fermeté», quelques semaines après un coup d'Etat militaire au Mali lui aussi survenu juste avant une élection.
Carlos Gomes Junior «se trouvait dans sa résidence où des militants de son parti étaient venus lui témoigner de leur fidélité, quand une première roquette a percuté l'entrée principale de sa villa», a déclaré à l'AFP un agent de sécurité posté dans la résidence.
«Il y a eu une débandade et une riposte de nos collègues. (Carlos Gomes Junior) a tenté de sortir en profitant de la confusion. Ensuite je ne l'ai plus revu car j'ai moi aussi cherché à m'enfuir de là», a-t-il raconté.
«Nous recherchons activement Carlos Gomes Junior. Quel que soit l'endroit où il peut se cacher, nous le débusquerons avant l'aube», a assuré à l'AFP un militaire.
Un cordon de sécurité avait été installé par des militaires autour du palais présidentiel et des rues environnantes, sans qu'il soit possible dans l'immédiat de connaître le sort du chef de l'Etat par intérim Raimundo Pereira.
Le siège du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC, au pouvoir), dirigé par Carlos Gomes Junior, était occupé par au moins une vingtaine de soldats.
Une dizaine d'autres, en armes, avaient pris le contrôle de la radio nationale en début de soirée.
Des violences étaient redoutées depuis plusieurs jours dans cette ex-colonie portugaise dont l'histoire est jalonnée de putschs, tentatives de coups d'Etat militaires et violences politiques depuis son indépendance en 1974.
La Guinée-Bissau est devenue en outre ces dernières années une plaque tournante du trafic de cocaïne entre l'Amérique du Sud et l'Europe.
«Nous avons arrêté plusieurs responsables politiques», a indiqué à l'AFP un officier sous couvert d'anonymat. «Ils sont avec nous dans la forteresse d'Amura, siège de l'état-major», a-t-il dit, sans préciser l'identité des personnes interpellées.
D'autres responsables sont «activement recherchés», a-t-il ajouté.
Des militaires, par groupes de quatre ou cinq et armés de lance-roquettes et de kalachnikov, patrouillaient dans les principales artères de Bissau.
Boycott de la présidentielle par Kumba Yala
Certains étaient postés devant la représentation des Nations unies et des ambassades dont celle du Portugal, ex-puissance coloniale. La circulation était interdite dans les rues qui longent ces chancelleries, apparemment pour empêcher que des personnalités ne s'y réfugient.
Aucun bilan sur d'éventuelles victimes n'était pour l'heure disponible.
A l'hôpital central Simao Mendes de Bissau, il n'a pas été fait état de blessés après les tirs, même si des sirènes d'ambulances s'étaient fait entendre dans la soirée.
Aucune radio n'émettait plus, pas plus que la télévision nationale. La ville a été plongée dans l'obscurité après une coupure générale de courant.
Les tirs, essentiellement concentrés autour de la résidence du Premier ministre, ont duré environ une heure. La capitale a retrouvé le calme dans la soirée.
Plus tôt jeudi, l'opposition bissau-guinéenne menée par l'ex-président Kumba Yala, qui est censé affronter le 29 avril au second tour de l'élection présidentielle Carlos Gomes Junior, avait appelé au boycott du scrutin, et mis en garde quiconque battrait campagne.
Les cinq principaux candidats d'opposition, dont Kumba Yala, ont appelé leurs «militants et sympathisants à ne pas voter le 29 avril», au nom de la «justice», au cours d'une conférence de presse.
«Quiconque s'aventurera à battre campagne assumera la responsabilité de tout ce qui adviendra», a menacé Kumba Yala, sans plus de précision.
Il avait dénoncé des «fraudes massives» au premier tour du 18 mars et prévenu qu'il ne participerait pas au second tour. «J'ai dit et je le répète : je ne veux pas d'un second tour», a-t-il encore martelé.
Carlos Gomes Junior avait obtenu au premier tour 48,97% des voix et Kumba Yala 23,26%.
La présidentielle a été organisée à la suite du décès en janvier du président Malam Bacaï Sanha, mort à Paris où il avait été hospitalisé pour une maladie dont il souffrait depuis plusieurs années.
La campagne électorale pour le second tour devait débuter vendredi pour s'achever le 27 avril.
(AFP)
Source: Liberation, du 13/04/2012
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