Entre Kinshasa et Bosco Ntaganda, c’est le divorce. Depuis Goma, le président de la République, Joseph Kabila, a annoncé son intention de livrer celui qui, dans un passé récent, passait pour le fusible d’une paix durable à l’Est. Le revirement est spectaculaire. Kinshasa n’est plus cet ange gardien de celui qui, depuis 2006, court sous un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale. Au nom de la paix, Joseph Kabila a décidé de s’en défaire.
Le président de la République, Joseph Kabila, vient de créer la surprise en décidant finalement d’arrêter Bosco Ntaganda, général des Forces armées de la République démocratique du Congo, recherché activement par la Cour pénale internationale (CPI) pour des faits commis en Ituri aux côtés de Thomas Lubunga. «Je veux arrêter Bosco Ntaganda parce que l'ensemble de la population souhaite la paix», a déclaré le chef de l'Etat lors d'un déplacement dans l'Est, rapporte l’agence de presse Reuters.
Kinshasa a donc décidé de se défaire de celui qui passait à ses yeux pour le seul fusible encore actif pour le maintien d’une paix durable à l’Est. C’était en exécution de l’accord conclu en 2008 à Goma entre le gouvernement de Kinshasa et un groupe des milices opérant à l’Est, entre autres, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) dont se réclamait Bosco Ntaganda. Le gouvernement avait fait de cet officier supérieur, aussitôt intégré dans les rangs des FARDC, son élément pivot pour toute opération de maintien de la paix dans l’Est. Cela nonobstant tout le tollé que cette élévation avait soulevé dans l’opinion nationale et internationale. D’aucuns ont parlé de capitulation, d’autres de faiblesse. Qu’importe, Kinshasa avait fait son choix. Bosco Ntaganda, qui courait toujours sous un mandat d’arrêt de la CPI livré en 2006, pouvait donc reposer tranquillement dans les collines verdoyantes de l’Est. Collines qu’il n’a jamais accepté de quitter.
Mais, il a fallu que les juges de la CPI établissent la culpabilité de Thomas Lubanga dans l’affaire qui l’oppose au procureur Luis Moreno O’campo pour que l’affaire Ntaganda prenne une autre tournure, obligeant finalement Kinshasa à revoir sa position.
Bien avant que Kinshasa ne se prononce officiellement, les hommes de troupes fidèles à Bosco Ntaganda avaient senti le danger venir. La nouvelle d’un probable changement de cap dans le chef du pouvoir les avait mis dans tous leurs états au point qu’ils s’étaient donnés en spectacle pour manifester leur désapprobation. Il s’en est suivi, début avril, un mouvement de défection des troupes à des positions réputées occupées par les ex-éléments du CNDP. Allant crescendo, ce mouvement de désertion a provoqué la panique au sein de la population. Il fallait donc parer au plus pressé. D’où, le déplacement à Goma en début de cette semaine du président de la République.
KINSHASA A CHOISI SON CAMP
Ntaganda sera bel et bien arrêté au nom de la paix, a déclaré Joseph Kabila. Autrement dit, entre un ami et un frère, Kinshasa a fait son choix. Pour le président de la République, la paix passe avant toute chose. Dans ces conditions, Kinshasa n’entend donc se lier indéfiniment à l’accord de Goma pour autant que celui-ci a montré ses limites, mieux, s’est révélé suicidaire pour la population.
Kinshasa n’aurait pas l’intention de livrer directement Ntaganda à la CPI. Il devrait, toujours selon Reuters, être avant tout jugé par les juridictions de la RDC, plutôt qu’être transféré à la CPI. «Il a commis des crimes dans la province du Nord-Kivu et à Goma. Il sera jugé à Goma», a dit Joseph Kabila, cité par Reuters.
Mais, arrêter Ntaganda ne sera pas vraisemblablement une promenade de santé. C’est un véritable marathon qui est engagé, pour autant que, dans une déclaration à Reuters, le chef d’état-major général des FARDC a dit ne pas connaître là où se trouve présentement Ntaganda. «L'armée congolaise ne sait pas où il se trouve», a déclaré à Reuters Didier Etumba.
La tâche s’annonce ardue et les populations de l’Est risquent de revivre des moments désastreux. Et pour cause. Bosco Ntaganda est un homme lâché par ses protecteurs. Electron libre et donné pour être en cavale, c’est désormais un chien enragé capable de tout pour se protéger. Des sources indiquent que l’ex-seigneur de guerre de l’Ituri ne serait pas disposé à se rendre. Il pourrait défendre chèrement sa peau ou sa tête dans la mesure où il garderait encore intacte toute sa capacité de nuisance. Allusion faite aux unités ex-CNDP qui ont fait défection récemment et seraient prêts à mourir au front.
La décision impose un grand challenge à l’armée congolaise. Tout doit être mis en œuvre au niveau des FARDC pour éviter que Bosco Ntaganda ne fasse beaucoup de dégâts avant son arrestation. Il y va de la sécurité de la population et l’intégrité du territoire national.
Source: Le Potentiel, du 12/04/2012
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