La chute du colonel Kadhafi promet de rebattre les cartes de l’or noir en Libye. Les émissaires des grandes compagnies s’activent sur le terrain. Avec des intrigues à la clef.
Deux fauteuils en plastique abandonnés, posés au pied d’une torchère qui troue la nuit: deux semaines après la chute brutale du colonel Kadhafi et la libération de Tripoli, le terminal gazier et pétrolier de Mellitah n’est guère quadrillé par ses nouveaux anges gardiens. La route côtière qui le longe, entre Tripoli et la frontière tunisienne, reste pour l’heure la préoccupation principale des ex-rebelles, toujours inquiets d’éventuels coups de main des partisans armés du régime déchu.
L’or noir attendra. Les installations, restées intactes, viennent d’être inspectées par de discrètes équipes d’ENI, la compagnie italienne qui exploite les champs de Warfa, dont le brut est acheminé ici, puis exporté par tankers vers l’Europe. Dans ce bout de désert bordé par la Méditerranée, la course au trésor énergétique libyen n’a pas encore commencé.
Changement de décor et d’ambiance dans les hôtels Corinthia et Radisson de Tripoli, à deux cents kilomètres de là vers l’ouest. Plantés en plein milieu du hall du Corinthia, dont la façade se dresse face au port, deux employés de la firme privée anglo-saxonne de sécurité Blue Mountain escortent un groupe d’hommes d’affaires en costume sombre et cravate. Blue Mountain s’est installée là dès le 24 août, quatre jours après l’assaut donné par les brigades rebelles venues de Misrata, de Zintane et des monts Nefoussa contre Bab al-Aziziya, la forteresse de Kadhafi. Anciens des forces spéciales britanniques et américaines, oreillettes bien visibles sur leur nuque rasée, ses «agents» ont, eux, déjà les mains dans le pétrole.
Une délégation de Qatar Oil, la grande firme de l’émirat, pressée dit-on de tirer les bénéfices de son soutien financier et politique aux rebelles, est attendue. Un émissaire français, qui refuse mystérieusement de confirmer au Temps s’il travaille pour Total, a aussi sollicité leurs services pour une escorte vers Brega et Ras Lanouf, les autres terminaux pétroliers. «Très vite, ils seront tous là…» prédit l’un des cerbères du Blue Mountain Group.
Author: Richard Werly
source: Le Temps.ch, 15/09/2011
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