Les récents événements
survenus dans l’est de la RDC ont provoqué différentes rencontres entre les
autorités de Kigali et celles de Kinshasa. En effet, depuis la mi-avril 2012,
des affrontements intenses entre l’armée loyaliste (FARDC) et les mutins font
rage particulièrement dans les territoires de Masisi et de Rutshuru dans la
province du Nord Kivu.Ces affrontements ont occasionné des morts
et des déplacements massifs des populations.Plus de 8.000 personnes se sont réfugiées au
camp de Nkamira au Rwanda et plusieurs familles passent la nuit à la belle
étoile à Bunagana en Ouganda.Ce départ massif de la population et
l’absence des services de l’ordre dans différents villages ont permis aux
rebelles rwandais des FDLR et à d’autres groupes armés nationaux d’occuper les
espaces vides.
Depuis qu’une fraction des mutins a investi
la localité de Runyoni très proche de la frontière entre le Rwanda et la RDC,
les autorités des deux pays voisins se sont déjà rencontrées plus de trois fois
en moins de deux semaines.La première rencontre a eu lieu entre les
autorités provinciales de l’ouest du Rwanda et celles du Nord-Kivu le 06 mai à
l’hôtel Serena de Gisenyi. Dans la foulée de cette rencontre, les deux
délégations se sont rendues au camp de Nkamira pour visiter les réfugiés
congolais qui venaient de fuir les affrontements militaires dans le
Masisi.La deuxième
rencontre a eu lieu à Kigali, le 18 mai après que la délégation du gouverneur du
Nord-Kivu a été interdite d’effectuer une deuxième visite aux réfugiés congolais
hébergés au camp Nkamira. Cette rencontre a réuni les autorités du Nord-Kivu
avec les services de la Présidence rwandaise. Selon des sources proches des
autorités congolaises, cette réunion secrète a humilié la délégation de Goma qui
ne recevait que des injonctions. La partie rwandaise exigeait que les autorités
congolaises s’occupent de leurs mutins afin d’éviter qu’une nouvelle guerre ne
déverse encore des réfugiés au Rwanda pendant que des milliers d’autres
Congolais vivent depuis des années au Rwanda et n’ont toujours pas regagné leur
Congo natal.La
troisième rencontre a eu lieu à Gisenyi, le 19 mai entre les Chefs d’Etats
Majors Généraux (CEMG) des armées
rwandaise et congolaise. Cette réunion ordinaire entre les hauts commandements
militaires a naturellement mis un accent particulier sur la sécurité à la frontière entre les deux pays
particulièrement la présence des mutins de M23à Runyoni dans le territoire de Rutshuru.La quatrième réunion était tout aussi
statutaire. Il s’agissait de la
5ème session da la Grande Commission Mixte Rwanda- RDC qui
s’est tenue à Kigali du 18 au 19 mai sous la houlette des ministres rwandais et
congolais des affaires étrangères. Mais le contexte de l’insécurité aux
frontières a encore une fois été au
centre des discussions et les Ministres de la Défense des deux pays ont été
associés aux débats, tout comme les deux gouverneurs des provinces congolaises
du Nord et du Sud Kivu. Les aspects de transport et d’énergie, qui figuraient
aussi à l’agenda de la session, n’ont occupé qu’une place marginale.
Contradictions et crise de confiance entre
les deux gouvernements.
Au lendemain de la rencontre entre les CEMG
des deux armées à Gisenyi, la Ministre rwandaise des affaires étrangères, Louise
Mushikiwabo, lors d’un intervention à la radio BBC Afrique, déclarait que la
guerre n’était pas une solution et que le Rwanda était prêt à faciliter une solution pacifique à nouvelle crise dans
l’est de la RDC.Deux jours après, le ministre congolais de l’Information,
Lambert Mende, répliquait farouchement à la Radio Okapi que le Congo n’était pas
saisi officiellement par un pays voisin pour une quelconque démarche de
négociation pacifique avec les mutins et que le gouvernement congolais ne
négocierait jamais avec les insurgés.
Cette guerre des mots entre personnalités
s’est poursuivie à fleurets mouchetés lors de la 5ème session de la
Grande Commission Mixte Rwanda-RDC, le 18 mai à Kigali, dans la grande salle du
ministère des affaires étrangères. Pendant son discours à la cérémonie
d’ouverture le Ministre Congolais des affaires étrangères, Raymond Tshibanda
déclarait avec beaucoup d’émotion : « Je ne sais pas si l’amour existe ou s’il
n’existe pas, mais je sais que l’amour a besoin des preuves d’amour, il est donc
important que nous soyons dans ce que nous faisons extrêmement vigilants et que
nous fassions l’effort de nous prouver chaque jour aux uns et aux autres que
nous nous aimons, en veillant à ce que les intérêts des deux parties soient de
manière concrète toujours présents à notre esprit. C’est à travers des résultats
concrets beaucoup plus qu’à travers nos vœux que nous serons jugés par nos
peuples respectifs ainsi que par nos deux chefs d’Etats. »
Comme une réponse du berger à la bergère, la
Ministre Rwandaise des affaires étrangères a réagi dans son allocution de
clôture de la session: « La sincérité, c’est ce qui est vrai dans notre
engagement, on a un engagement solide, mais on a décidé aujourd’hui - c’était
aussi les propos du Président aux deux équipes, celle de la RDC et du Rwanda,-
d’aller très vite aux résultats, mais si on n’arrive pas à des résultats et à
des résultats rapides et tangibles, alors on commence à se poser des
questions… »
Le Rwanda n’est ni à la première ni à la
dernière concertation avec la RDC au sujet de la paix. Mais l’on constate que
les deux pays tournent à rond, ce sont toujours les mêmes souhaits, les mêmes
recommandations dans des discours diplomatiques et parfois les mêmes accords
secrets, mais qui n’aboutissent jamais à des résultats durables.
Peut-on croire au dernier engagement de
Kigali ?
Pour rassurer les Congolais de la sincérité
de la dernière rencontre de Kigali , les deux équipes ont été reçues par le
Président Paul Kagame peu avant la
signature du communiqué conjoint. C’était une façon d’apaiser les esprits des
Congolais qui ne comprenaient pas pourquoi le Rwanda ne voulait pas traiter les
mutins de M23 comme les FDLR et les autres groupes armés qui opèrent dans l’est
de la RDC et qui devaient être traqués lors de futures – et imminentes-
opérations conjointes. Pour les Rwandais, les éléments de M23 faisaient bel et
bien partie des FARDC et la RDC devrait trouver une réponse interne à la crise
en cours. Après plusieurs discussions, les deux parties ont convenu d’inclure
les mutins des M23 parmi les groupes « opportunistes ».
Ainsi, le communiqué final stipule que les
deux parties s’engagent à poursuivre les efforts des projets et programmes
communs pour l’intérêt des peuples congolais et rwandais.Concernant la question de la sécurité, les
parties réitèrent leurs engagements à oeuvrer de concert pour mettre fin à
l’existence des groupes armés dans la région particulièrement les FDLR, les
autres forces négatives et les groupes opportunistes.Les Ministres de la Défense vont étendre le
mandat de la commission conjointe de renseignements à la vérification conjointe
de la situation sécuritaire à l’intérieur de chaque pays. Les Chefs d’Etats-
Majors et les services des renseignements des deux pays vérifieront l’efficacité
de ce mécanisme dans les dix jours.Dans dix jours également, les CEMG des deux
pays vont élaborer un plan concerté des opérations conjointes et les chefs des
services des renseignements sont chargés pour le même délai de mettre sur pied
un mécanisme de prévention de toute action nuisible aux bonnes relations et à la
sécurité des deux Etats. Les deux Etats se sont en plus engagés, chacun en ce
qui le concerne, de faciliter le retour dans leurs milieux d’origine des
personnes affectées par les opérations récentes et de sensibiliser les réfugiés
des deux pays pour leur retour volontaire dans leurs pays respectifs.
Au-delà des discours diplomatiques, ces
engagements auraient leur pesant d’or si et seulement si les réalités
congolaises étaient prises en considération par les gouvernants. Depuis belle
lurette, on le sait, ceux-ci ne tiennent jamais à respecter leurs
engagements. A moins que le gouvernement
Matata Mponyo ne fasse la différence !
Author: Primo-Pascal
RUDAHIGWA
Kigali 19 mai 2012
Mouvement du 23 mars 2009
coordonné par le colonel Makenga Sultani qui contrôle les collines de Runyoni
depuis le 10 mai 2012.
Source: Pole Institute
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