Les révélations faites dernièrement par les services de
l’ONU sur un probable soutien du Rwanda aux rebelles du M23 ont mis en émoi
l’opinion publique. Hier mercredi, le gouvernement s’est expliqué - sans témoins
- devant l’Assemblée nationale sur ce qui se passe dans l’Est de la République.
Coup de théâtre aussi à la Monusco, qui s’est rétractée affirmant ne pas détenir
suffisamment de preuves pour charger le Rwanda. Décidemment, la guerre dans
l’Est du pays embarrasse tout le monde. Même Kigali, obligé de sortir ses gongs
pour se défendre.
A Kigali, tout comme à Kinshasa, chacun tente de
s’expliquer par rapport aux révélations portées par les services de l’ONU
faisant état d’un probable soutien des troupes rwandaises aux rebelles du
Mouvement du 23 mars, M23. Si Kigali n’a pas tardé à réagir vigoureusement par
la voix de sa ministre des Affaires étrangères, à Kinshasa, par contre, c’était
le profil bas.
L’interpellation hier mercredi du vice-Premier ministre,
ministre de la Défense nationale et de son collègue en charge de l’Intérieur a
ravivé le débat autour de ce sujet. Que se passe-t-il donc dans l’Est de la RDC
? Les élus légitimes du peuple ont cherché à comprendre ce qui se trame
finalement dans la partie orientale du pays, où de violents combats opposent
depuis quelques jours les troupes des Forces armées de la RDC aux rebelles du
M23. Mais, au-delà de cette question préliminaire, les députés ont voulu
pénétrer le mystère d’un probable soutien du Rwanda aux mutins.
Revirement à la Monusco
Cependant, compte tenu de la pertinence
du sujet, qualifié de «secret défense» par le président de la Chambre basse du
Parlement, la plénière s’est déroulée loin des caméras. Silence radio sur les
débats internes de l’Assemblée nationale. Aussi, le peuple ne saura-t-il
pratiquement rien de ce qui passe dans l’Est du territoire national. Seuls ces
élus ont eu le privilège d’écouter le gouvernement. Certains députés n’ont pas
hésité à hausser le ton. «Que cache-t-on finalement ?», a évoqué l’un d’entre
eux, issu des rangs de l’Opposition. Beaucoup de choses, certainement, pensent
certains observateurs.
Car, au fur et à mesure que les tensions
perdurent dans l’Est du pays, des langues se délient et des complicités internes
ou extérieures se dévoilent. Le tout dernier en date est cette révélation portée
sur la place publique par les services des Nations unies.
Dans un
rapport confidentiel, dont copie parvenue à BBC, l’ONU a clairement indexé le
Rwanda comme base arrière aux rebelles du M23. En effet, se fiant aux
témoignages recueillis auprès des mutins du M23, l’ONU s’est donc rendue à
l’évidence que le Rwanda apportait tout son appui au M23. Pire, l’ONU a
formellement affirmé que des soldats rwandais combattaient également dans les
rangs du M23.
Ces révélations ne pouvaient pas laisser indifférent le
Rwanda qui a vite réagi via sa ministre des Affaires étrangères. Tout
naturellement, Kigali a rejeté tous les griefs portés contre lui. Si Kigali n’a
pas usé de la langue de bois dans sa réaction, Kinshasa, par contre, s’est
montré dubitatif. Ainsi, les révélations ont embarrassé tout le monde. La
Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo (Monusco) n’est pas
restée en marge.
Alors qu’elle a été la première à faire état d’un
probable soutien du Rwanda aux rebelles du M23, elle s’est vite rétractée au
cours de son point de presse hebdomadaire d’hier mercredi. Après avoir allumé le
feu, la Monusco cherche par tous les moyens à disculper le Rwanda. A l’occasion,
son porte-parole civil, Penangnini Touré, a démenti sans détours l’implication
du Rwanda dans la situation de guerre qui prévaut actuellement dans l’Est de la
RD Congo.
Visiblement embarrassé, Penangnini Touré a annoncé que les
forces de la Monusco continuent à apporter leur soutien aux FARDC pour venir à
bout de la rébellion du M23. Le revirement spectaculaire de la Monusco étonne.
Aussi en l’espace de quelques jours, la Monusco s’est dédie ce qu’elle a
confirmé, preuves à l’appui. Aurait-elle cédé à la pression ? Si tel est le cas,
d’où sont donc venues ces pressions ? Malheureusement, il ne faut pas se risquer
sur cette piste. La situation de l’Est du Congo passe finalement pour une
nébuleuse où se mêlent et s’opposent en même temps des intérêts de tous genres.
Jeu de cache-cache
L’embarras a atteint tous les camps. Tous ne
savent plus sur quel pied danser pour étouffer la vérité qui a déjà été mise sur
la place publique. Ainsi, lorsque Kigali dément, Kinshasa exige une enquête. La
Monusco joue l’intermède en niant en bloc toutes ces déclarations antérieures.
A Kinshasa, l’opinion a eu les regards fixés hier mercredi sur
l’Assemblée nationale pour comprendre finalement ce qui se passe dans l’Est du
pays. Elle n’en a pas eu le droit, l’Assemblée nationale ayant décidé de traiter
le sujet à huis clos. Tout a été fait pour empêcher l’éclosion de la vérité.
Alors que deux membres du gouvernement devaient s’expliquer sur la situation de
guerre qui prévaut dans l’Est du territoire national.
Pendant qu’un flou
artistique entoure les événements de l’Est du Congo, nous apprenons que le
Rwanda et la RDC ont décidé de vérifier l’identité de 11 combattants aux mains
de la Monusco. Pour rappel, c’est en se fiant sur les témoignages de ces
combattants que la Monusco était arrivée à la conclusion d’un soutien du Rwanda
au M23. Aujourd’hui, c’est le même Rwanda – du reste en position d’accusé – qui
est associé à un interrogatoire pour attester de la véracité des faits lui
reprochés. Il est donc à la fois juge et partie. Une initiative qui ne servira
qu’à brouiller les pistes aux fins de dédouaner le Rwanda.
C’est depuis
le mardi 29 mai que des services de renseignements rwandais et congolais ont
entamé à Goma les vérifications sur l’identité de 11 citoyens rwandais qui se
sont rendus la semaine dernière à la Monusco, en territoire de Rutshuru
(Nord-Kivu). Des sources concordantes ont indiqué que ces vérifications se sont
poursuivies jusqu’hier mercredi 30 mai à Goma où les deux parties écoutent tour
à tour ces hommes en présence de la Monusco.
Désemparé, certainement, et
par peur d’irriter Kigali, le gouvernement congolais a préféré se taire. Il dit
attendre les résultats de cette enquête pour confirmer ou non le soutien du
Rwanda au M23.
La clé du puzzle
La situation a tout l’air d’un
puzzle dont la clé se trouve à Kigali. Même si la Monusco est revenue, dans une
certaines mesure, sur ses révélations, il est néanmoins établi que le Rwanda est
pour beaucoup dans les tensions qui minent la partie Est de la RDC. Il est
hasardeux de disculper de manière aussi simpliste le régime de Kigali, alors que
son implication aux côtés de tous les mouvements et groupes armés qui écument la
partie orientale de la RDC n’est plus à démontrer. Depuis son soutien en 1996
aux troupes de l’AFDL, Kigali ne s’est jamais affranchi de l’hégémonie qu’il
rêve d’exercer dans cette partie de la RDC.
Même s’il prétend le faire
par devoir de se protéger contre les FDLR, son vœu le plus ardent reste celui de
régenter tout l’Est du Congo.
A Kinshasa, on n’ignore pas les visées de
Kigali. On préfère se taire pour des raisons inavouées.
Source: Le
Potentiel, du 31/05/2012
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