Des documents confidentiels trouvés vendredi dans les locaux des services secrets libyens révèlent que la CIA et le MI6 (Services secrets britanniques) travaillaient étroitement avec les services de renseignement de Mouammar Kadhafi en donnant des informations sur des opposants aux régimes ou en livrant des terroristes présumés à la Libye pour qu'ils soient interrogés...
Atlantico : Êtes-vous surpris par cette collaboration avec Kadhafi de la CIA et des services secrets britanniques durant les gouvernements Bush et Blair. Pensez-vous que les États-Unis et la Grande-Bretagne aient joué double jeu ?
Gérard de Villiers : Je n’y vois pas un double jeu de la CIA ou du MI6 (NDLR : les services secrets britanniques). En 2003, la CIA et le MI6 ont collaboré avec les services libyens pour les aider dans leur lutte contre les islamistes. Tout le monde le savait. Entre services, c’est donnant-donnant. Les Libyens donnaient les islamistes et les Anglais renvoyaient des opposants en Libye. On apprend juste ces jours-ci des détails supplémentaires.
Ce qui s’est passé en 2003 - comme le relate Le Figaro - découle de l’interception par les Italiens d’une cargaison de pièces destinées à monter une centrifugeuse pour la Libye. A la suite de cela, les Américains ont prévenu Tripoli en menaçant : “Ou bien vous continuez et on vous écrabouille. Ou bien vous arrêtez tout et on fait la paix !” Kadhafi, qui n’était pas fou, a préféré faire la paix en renonçant à l’arme atomique. C’est au nom de ces bonnes relations d’alors que les États-Unis ont montré tant de réticences ces derniers mois à intervenir.
Pensez-vous que les insurgés vont trouver des dossiers compromettants à Tripoli, sur les négociations concernant les infirmières bulgares par exemple ?
Je ne crois pas. La gestion des infirmières bulgares était politique. il faudrait plutôt en parler avec le ministre de la Justice de l’époque qui dirige maintenant le Conseil national de transition libyen ! C’est d’ailleurs lui qui avait demandé la mort de ces infirmières. Il serait bien placé pour expliquer tout cela...
Pourrait-on voir surgir des bureaux de Kadhafi, d’autres documents compromettants. On se rappelle qu'il menaçait, au début du conflit, de divulguer des informations gênantes sur Nicolas Sarkozy ?
Je ne crois pas. Nicolas Sarkozy n’est pas assez imprudent pour se mettre dans les mains d’un type comme Kadhafi... Cela présentait plus d’inconvénients que d’avantages.
A ceci près, qu’en 2008, les deux chefs d’Etat semblaient filer le parfait amour...
Oui, mais seulement pour avoir des commandes d’armement. De plus, en 2008, Nicolas Sarkozy n’avait plus besoin d’argent (pour financer sa campagne, NDLR). Il en avait besoin avant.
Quant aux Rafales, là c’est différent, il y a des commissions. Mais il s'agit d'un autre domaine. Il n’y a jamais eu de commandes. Et ça ne devient sérieux que quand on parle argent. Vous savez Kadahafi n’avait pas besoin de Rafale. Personne n’a besoin de Rafale, c’est pour cela que personne ne l’achète ! Quand on regarde le matériel dont disposait Kadhafi, il n’avait que quelques vieux Mirage et tout le reste était russe, comme les chars D72 ou D56.
Comment expliquez-vous que la Chine ait vendu des armes au gouvernement libyen durant le conflit malgré l’embargo, comme cela a été révélé dernièrement ?
C’est normal. Les embargos, c’est pour les blaireaux ! Il est terriblement facile de vendre des armes avec de faux “indusers” - les certificats d’usage. En plus la Libye n’a pas acheté d’armes lourdes. Ils ont juste dû acheter des munitions. C’est tout !
Pensez-vous que les services américains aient agit de la même façon avec Saddam Hussein ?
Non, ils voulaient vraiment sa peau ! Dès 1990, ils ont coupé tout contact avec lui.
Et vis-à-vis du Pakistan ?
Là, oui ! On peut parler de double jeu. C’est même pire que du double jeu : c’est à qui sera le plus menteur ! Les Américains considèrent officiellement le Pakistan comme un allié. En réalité, on sait très bien que le Pakistan les trahit à tout-va. Mais ils en ont besoin et ferment donc les yeux... De l’autre côté, les Pakistanais, qui détestent les Américains mais qui ont besoin des dollars, conservent toujours sous le coude quelques islamistes à jeter en pâture à leur allié quand les choses vont mal. Le meilleur exemple de double jeu, c’est Ben Laden ! Il est resté six ans au Pakistan, protégé par les services pakistanais alors que les USA le cherchaient.
Dessin du Brésilien Carlos Latuff - En Libye, chacun sert ses propres intérêts.
Source: Atlantico, du 06/09/2011
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