Après avoir essuyé le refus diplomatique de quasiment tous les Etats africains de l’abriter, le Commandement des Etats-Unis en Afrique semblait avoir définitivement opté pour le maintien de son quartier général à Stuttgart, en Allemagne.
L’Africom est, en fait, bien présent et actif sur le continent. Sous le chapeau de l’assistance humanitaire, de la lutte contre le terrorisme international et du maintien de la paix, il est, en effet, en train de quadriller en douceur toutes les régions africaines par le développement de programmes de formation, d’assistance et de manœuvres militaires avec un nombre croissant de pays.
Ce mouvement se fait concomitamment, et sans doute en bonne intelligence, avec la réduction de la présence militaire de la France dans son ancien pré-carré. A défaut d’être assise sur un commandement in situ, de préférence au Maghreb ou sur la côte atlantique, la montée en puissance de l’Africom a été repensée pour être le fait d’un réseau de petites installations articulées autour de la base américaine de Djibouti sise au camp Lemonnier, une ancienne caserne française. Il y dispose d’une force permanente d’environ 1800 hommes. En plus, « pour les imprévus et les urgences », il a à son service actif une base navale au Kenya et deux autres en Ethiopie.
Le maillage est en train de s’étendre sur l’Afrique équatoriale et centrale, avec la présence de militaires américains à Kisangani, au cœur de l’Ituri, dans la riche Province orientale de la République démocratique du Congo. Ils y sont censés être pour aider à développer « une armée plus professionnelle qui respecte l’autorité civile et garantisse la sécurité du peuple congolais ». A des journalistes congolais qui l’interrogeaient, il y a quelques semaines à Stuttgart, sur les activités d’Africom au Congo, le Général William Ward avait répondu : « Tout ce que nous faisons au Congo comme partout ailleurs en Afrique procède du partenariat avec les gouvernements souverains d’Afrique. Et ce, pour l’intérêt des peuples d’Afrique. Il est dans l’intérêt des Usa et de la communauté internationale que le peuple congolais soit en sécurité, vive en paix et voie les possibilités d’un meilleur avenir ».
La rengaine est connue. Mais, en Rd Congo, comme ailleurs sur le continent, l’activisme de militaires américains n’est point gage de sécurité. La nébuleuse somalienne est là pour rappeler en permanence que les actions militaires, sous le couvert ou avec l’appui d’Africom contre des forces opposées à tel ou tel régime ou des éléments supposés appartenir à la branche africaine d’Al-Qaida, loin de résorber les menaces terroristes, les accentuent plutôt. La collaboration entre les Etats-Unis et l’Ethiopie pour chasser le Conseil islamique du pouvoir à Mogadiscio est certes arrivée à ses fins militaires, mais elle n’a point anéanti la virulence des extrémistes combattus. Elle a, bien au contraire, généré une des pires crises humanitaires que la Somalie ait jamais connue. Et, elle a tant exacerbé l’anti-américanisme ambiant que les convois humanitaires occidentaux sont régulièrement attaqués, sans distinction aucune.
Dans l’Ituri en proie à un conflit interethnique depuis 1999 qui a fait plus de 50.000 morts et 500.000 déplacés, comme en Somalie, l’ingérence militaire des Etats-Unis a toutes les chances d’aggraver l’insécurité qui prévaut toujours, en aiguisant l’ire de ceux qui nourrissent une dent contre l’Oncle Sam, avec tous les dégâts collatéraux que cela comporte pour le pays et les populations locales. C’est principalement cette crainte qui fonde le refus des Etats africains sollicités d’abriter le Commandement des Etats-Unis en Afrique. Quel intérêt y a-t-il à former un tout petit bataillon congolais qui, coup sûr, serait bien moins opérationnel, efficace et surtout impartial que le contingent des Nations Unis sur les lieux ? Et puis, la préférence doit être, à défaut de forces onusiennes, pour la prise en charge du maintien de la paix et du combat contre le terrorisme sur le continent par l’Union africaine elle-même.
De fait, le pétrole et les autres produits de base essentiels constituent la raison majeure de l’établissement d’Africom au Congo et ailleurs sur le continent. Le 19 février 2008, Robert Moeller, adjoint du Général Ward, annonçait d’ailleurs la couleur sans ambages : protéger la libre circulation des ressources naturelles de l’Afrique vers le marché global est un des principes directeurs de l’Africom. Selon son propos, l’approvisionnement des Usa en pétrole et le problème de l’influence croissante de la Chine sont les défis les plus importants aux intérêts des Etats-Unis en Afrique.
Si le souci proclamé des Etats-Unis est de mener une guerre planétaire contre le terrorisme, la création d’un commandement spécifique à l’Afrique est sous-jacente à l’implication plus marquée de l’Amérique dans la compétition que les grandes puissances se livrent pour la conquête des marchés africains, particulièrement celui du pétrole. Conçu, sous l’administration Bush, par les grandes compagnies américaines, Africom a pour finalité absolue de garantir les approvisionnements pétroliers des Etats-Unis à partir de l’Afrique, au moins pour le quart de leurs besoins, à compter de 2013, afin de donner sûrement le change au Moyen-Orient.
La base de Djibouti permet aux Usa le contrôle stratégique de la route maritime qu’emprunte un quart de la production pétrolière mondiale et de dominer l’extrémité orientale de la vaste bande pétrolière traversant l’Afrique, allant du Soudan au Golfe de Guinée en passant par le Tchad et le Cameroun. Un nouveau poste d’opérations avancées en Ouganda donne aux Usa la possibilité de contrôler le Sud Soudan où se trouve la plus grosse patrie du pétrole soudanais. Les contrées du Nigeria, du Gabon, de la Guinée, du Nigeria et notamment de la Rd Congo riches en pétrole et en gaz sont dans le viseur américain.
Le chaudron de la Province orientale congolaise étant toujours en ébullition, il faut y parer au plus pressé. Plusieurs différends y opposent l’Etat congolais et des multinationales qui auraient pris les chemins de traverse pour s’y faire attribuer des concessions. Sous le parapluie de l’Africom, les Américains sont là en immersion pour le pétrole et d’autres minerais précieux dont regorge le pays et qui sont vitaux à l’industrie électronique et informatique.
Après avoir fait main basse sur les minerais du Katanga, où un consortium américain exploite plus de la moitié de l’ensemble du potentiel minier, et s’être assuré le contrôle des ressources minières du Kivu, Washington entend très rapidement se tailler la part du lion dans le partage du pétrole de l’Ituri, des Grands lacs par extension. Ainsi bataille l’Oncle Sam, avec l’Africom au cœur de sa guerre ...
Author:Amadou FALL
Source:Le Soleil, du 02/11/2010
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