Autour de Goma, les immenses camps, où voici un an s’entassaient plus d’un million de déplacés ont cédé la place aux pâturages. Sur la route menant vers le « Grand Nord », Rutshuru et au-delà, les barrières militaires et autres péages ont disparu ; le maire de la ville, Roger Rachidi, s’efforce d’abattre les plus illégales des maisons ; les conflits fonciers ont remplacé les affrontements militaires et l’Union européenne se prépare à investir 40 millions de dollars dans la réfection du réseau routier de Goma et Bukavu. L’heure est à la paix, à la reconstruction, et cependant, il n’est question que de bruits de bottes, de nouveaux recrutements militaires, d’alliances contre nature. Une fois de plus, les cartes vont-elles être rebattues, les armes parler à nouveau ?
Il apparaît en effet que l’opération « Amani Léo », où les forces gouvernementales s’étaient donné pour but, voici un an, de venir à bout des rebelles hutus des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda), s’est soldée par un échec et qu’elle est virtuellement terminée. Certes, de nombreux Hutus ont été désarmés et ramenés au Rwanda, Caritas estime que le nombre total d’enfants soldats ne dépasse plus les 2000, la pacification de la province a progressé. Mais des éléments imprévus sont apparus. Rappelons que, début 2009, à la suite d’un changement d’alliances qui surprit tout le monde, les présidents Kagame et Kabila décidaient d’enterrer la hache de guerre ; Laurent Nkunda, le rebelle tutsi qui avait failli prendre Goma, était arrêté par les Rwandais puis placé en résidence surveillée tandis que son adjoint, Bosco Ntaganda, « retourné » par les forces gouvernementales, se retrouvait placé à la tête de l’opération militaire Amani Léo.
Bosco Ntaganda, accusé de nombreux crimes de guerre, fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, mais, malgré les protestations, le président Kabila l’a chargé de poursuivre les rebelles hutus. A ses côtés, les troupes du CNDP, (Conseil national pour le développement et la paix), le mouvement que dirigeait Nkunda, ont été réintégrées dans l’armée sans autre forme d’examen.
Depuis lors, la roue a tourné : les hommes du CNDP, protégés désormais par la bannière gouvernementale, se sont enfoncés loin des zones frontalières et des collines du Nord Kivu où ils s’étaient cantonnés jusque là. S’enfonçant au cœur de la forêt, ils ont pris le contrôle des zones minières du côté de Walikale, source de bénéfices importants, qu’ils partagent tacitement avec d’autres groupes armés, des Congolais ou même des Hutus rwandais !
En outre, au Nord comme au Sud Kivu, des « alliances contre nature » sont apparues : certains groupes du CNDP, parmi lesquels des partisans de Nkunda et des militaires venus du Rwanda, se sont révélés hostiles au président rwandais Kagame et disposés à rejoindre les deux principaux opposants de ce dernier, les généraux Kayumba Nyamwasa et Patrick Karegeya. Ces derniers, réfugiés en Afrique du Sud où le premier a fait l’objet d’une tentative d’assassinat, lancent des appels à la dissidence et tentent de recruter des troupes. Ces deux officiers, cependant considérés comme des « Tutsis purs et durs » et de tendance monarchiste auraient réussi à convaincre des Hutus réfugiés au Congo de rejoindre leur combat contre Kagame !
Sur le terrain, les Congolais, stupéfaits, ont constaté ces derniers mois que des Rwandais, Hutus et Tutsis, qui étaient censés se combattre, ont conclu d’étranges alliances. Kigali, très attentif à ce nouveau risque de déstabilisation, a envoyé à Kinshasa son ministre de la Défense James Kabarebe pour discuter des mesures à prendre et à Goma, plusieurs personnalités qui étaient proches de Nkunda et auraient pu soutenir la rébellion en gestation ont tout simplement été assassinées.
Selon certaines sources, 400 militaires rwandais auraient même franchi discrètement la frontière au dessus de Goma, pour préparer une opération punitive contre cette coalition d’opposants.
Minée par ce retournement d’alliances, par la transformation de certains militaires en exploitants miniers, par la corruption des officiers qui se font construire de belles maisons avec les soldes de leurs troupes l’Opération Amani Léo n’existe virtuellement plus. L’armée régulière souhaiterait régler une fois pour toutes le problème des transfuges venus du CNDP en faisant d’eux des militaires du rang et en les affectant ailleurs dans le pays.
Dans ce but, les militaires européens d’Eusec (la force européenne qui appuie la réorganisation de l’armée) ont mis au point des fiches biométriques, ils distribuent cartes de service informatisées et nouveaux uniformes : tout ceux qui en seront dépourvus seront automatiquement considérés comme des hors la loi.
Mais les soldats tutsis du CNDP renâclent : certains craignent d’être dispersés dans le pays (« nous avons peur de perdre notre cohésion, notre force de frappe » nous explique l’un d’entre eux) tandis que d’autres refusent que soit interrompu leur juteux business minier ou la préparation de nouvelles opérations. C’est dans ce contexte tendu que de nouveaux recrutements sont relevés à Kitchanga, l’un des fiefs du CNDP et que l’insécurité s’est déplacée vers le Nord de la province, du côté de Lubero, de Beni, de Kayabayonga où un curé, qui récoltait des armes afin de tenter de pacifier la région, a été abattu à bout portant. L’évèque de Beni a publié un communiqué alarmant, dénonçant la violence croissante dans la région.
D’autres alliances contre nature, dirigées contre Kigali et Bujumbura, se nouent également au Sud Kivu : ici aussi les dissidents rwandais Kayumba et Karegeya recrutent parmi les Hutus et les Tutsis, ils sont soutenus par le FNL, (Forces nationales de libération) un mouvement extrémiste hutu du Burundi qui a repris le maquis sur la frontière congolaise et aussi par un mouvement composé de Tutsis des haut plateaux, le FRF (front révolutionnaire et fédéraliste).
« A peine avions nous commencé à réduire et à intégrer nos propres groupes rebelles que la donne, une fois de plus, a changé » commente un officiel congolais «des opposants au régime de Kigali et à celui de Bujumbura viennent se réorganiser chez nous » Sans surprise, les services de sécurité des trois pays multiplient les réunions et les populations de l’Est du Congo, une fois de plus, se demandent si elles ne vont pas faire les frais d’une guerre menée sur leur sol par des étrangers…
Il apparaît en effet que l’opération « Amani Léo », où les forces gouvernementales s’étaient donné pour but, voici un an, de venir à bout des rebelles hutus des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda), s’est soldée par un échec et qu’elle est virtuellement terminée. Certes, de nombreux Hutus ont été désarmés et ramenés au Rwanda, Caritas estime que le nombre total d’enfants soldats ne dépasse plus les 2000, la pacification de la province a progressé. Mais des éléments imprévus sont apparus. Rappelons que, début 2009, à la suite d’un changement d’alliances qui surprit tout le monde, les présidents Kagame et Kabila décidaient d’enterrer la hache de guerre ; Laurent Nkunda, le rebelle tutsi qui avait failli prendre Goma, était arrêté par les Rwandais puis placé en résidence surveillée tandis que son adjoint, Bosco Ntaganda, « retourné » par les forces gouvernementales, se retrouvait placé à la tête de l’opération militaire Amani Léo.
Bosco Ntaganda, accusé de nombreux crimes de guerre, fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, mais, malgré les protestations, le président Kabila l’a chargé de poursuivre les rebelles hutus. A ses côtés, les troupes du CNDP, (Conseil national pour le développement et la paix), le mouvement que dirigeait Nkunda, ont été réintégrées dans l’armée sans autre forme d’examen.
Depuis lors, la roue a tourné : les hommes du CNDP, protégés désormais par la bannière gouvernementale, se sont enfoncés loin des zones frontalières et des collines du Nord Kivu où ils s’étaient cantonnés jusque là. S’enfonçant au cœur de la forêt, ils ont pris le contrôle des zones minières du côté de Walikale, source de bénéfices importants, qu’ils partagent tacitement avec d’autres groupes armés, des Congolais ou même des Hutus rwandais !
En outre, au Nord comme au Sud Kivu, des « alliances contre nature » sont apparues : certains groupes du CNDP, parmi lesquels des partisans de Nkunda et des militaires venus du Rwanda, se sont révélés hostiles au président rwandais Kagame et disposés à rejoindre les deux principaux opposants de ce dernier, les généraux Kayumba Nyamwasa et Patrick Karegeya. Ces derniers, réfugiés en Afrique du Sud où le premier a fait l’objet d’une tentative d’assassinat, lancent des appels à la dissidence et tentent de recruter des troupes. Ces deux officiers, cependant considérés comme des « Tutsis purs et durs » et de tendance monarchiste auraient réussi à convaincre des Hutus réfugiés au Congo de rejoindre leur combat contre Kagame !
Sur le terrain, les Congolais, stupéfaits, ont constaté ces derniers mois que des Rwandais, Hutus et Tutsis, qui étaient censés se combattre, ont conclu d’étranges alliances. Kigali, très attentif à ce nouveau risque de déstabilisation, a envoyé à Kinshasa son ministre de la Défense James Kabarebe pour discuter des mesures à prendre et à Goma, plusieurs personnalités qui étaient proches de Nkunda et auraient pu soutenir la rébellion en gestation ont tout simplement été assassinées.
Selon certaines sources, 400 militaires rwandais auraient même franchi discrètement la frontière au dessus de Goma, pour préparer une opération punitive contre cette coalition d’opposants.
Minée par ce retournement d’alliances, par la transformation de certains militaires en exploitants miniers, par la corruption des officiers qui se font construire de belles maisons avec les soldes de leurs troupes l’Opération Amani Léo n’existe virtuellement plus. L’armée régulière souhaiterait régler une fois pour toutes le problème des transfuges venus du CNDP en faisant d’eux des militaires du rang et en les affectant ailleurs dans le pays.
Dans ce but, les militaires européens d’Eusec (la force européenne qui appuie la réorganisation de l’armée) ont mis au point des fiches biométriques, ils distribuent cartes de service informatisées et nouveaux uniformes : tout ceux qui en seront dépourvus seront automatiquement considérés comme des hors la loi.
Mais les soldats tutsis du CNDP renâclent : certains craignent d’être dispersés dans le pays (« nous avons peur de perdre notre cohésion, notre force de frappe » nous explique l’un d’entre eux) tandis que d’autres refusent que soit interrompu leur juteux business minier ou la préparation de nouvelles opérations. C’est dans ce contexte tendu que de nouveaux recrutements sont relevés à Kitchanga, l’un des fiefs du CNDP et que l’insécurité s’est déplacée vers le Nord de la province, du côté de Lubero, de Beni, de Kayabayonga où un curé, qui récoltait des armes afin de tenter de pacifier la région, a été abattu à bout portant. L’évèque de Beni a publié un communiqué alarmant, dénonçant la violence croissante dans la région.
D’autres alliances contre nature, dirigées contre Kigali et Bujumbura, se nouent également au Sud Kivu : ici aussi les dissidents rwandais Kayumba et Karegeya recrutent parmi les Hutus et les Tutsis, ils sont soutenus par le FNL, (Forces nationales de libération) un mouvement extrémiste hutu du Burundi qui a repris le maquis sur la frontière congolaise et aussi par un mouvement composé de Tutsis des haut plateaux, le FRF (front révolutionnaire et fédéraliste).
« A peine avions nous commencé à réduire et à intégrer nos propres groupes rebelles que la donne, une fois de plus, a changé » commente un officiel congolais «des opposants au régime de Kigali et à celui de Bujumbura viennent se réorganiser chez nous » Sans surprise, les services de sécurité des trois pays multiplient les réunions et les populations de l’Est du Congo, une fois de plus, se demandent si elles ne vont pas faire les frais d’une guerre menée sur leur sol par des étrangers…
Source: Carnet de Colette Braeckman, du 29 novembre 2010
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