Parlant des élections de 2006, le peuple congolais dans sa grande majorité dit s’être trompé de candidats car presque tous les élus de 2006 ont failli à leur mission de représentant et porte-parole de leurs électeurs. D’où la question de savoir comment le peuple congolais peut retrouver son pouvoir de souverain primaire aux élections de 2011 ?
Dans cette petite réflexion, notre objectif est de montrer que le peuple congolais a besoin des leaders charismatiques, patriotes, et des moyens matériels suffisants pour l’organisation de la masse populaire en une force de reconquête de son pouvoir de souverain primaire. Les nouveaux leaders qui devraient présider à la destinée du peuple congolais devraient faire attention au choix de leurs partenaires internationaux pour éviter la catastrophe de 2006.
L’histoire des élections de 2006 qui est encore fraîche dans la mémoire collective des congolais, rappelle qu’elles étaient une œuvre de la communauté internationale représentée en R.D.Congo par la Monuc, les ambassades des grandes puissances, des Agences Humanitaires Internationales, des agents et intermédiaires des Institutions Financières Internationales (IFIs), et de la commission électorale indépendante (CEI) de triste mémoire.
Tous ces organes avaient vendu les élections aux congolais en pleine guerre comme étant la voie royale vers la démocratie et la securité des personnes et de leurs biens. Une promesse simple était faite aux congolais que les institutions issues des urnes seraient soutenues en guise d’accompagnement de ce que l’on appelait alors « la jeune démocratie congolaise ».
Le peuple congolais en pleine guerre meurtrière mit sa foi dans cette simple promesse orale comme dans un contrat légal entre deux parties. La participation du peuple étant assurée, les élections furent ainsi organisées dans « la logique binaire de ou bien … ou bien ».[1] Les élections ou le chaos ! Les congolais avaient pris les élections pour la panacée aux maux congolais qui empêchaient depuis des décennies l’éclosion de la démocratie congolaise.
Emportée par cette espèce d’envoûtement électoral et confiant dans la promesse de la communauté internationale, la CEI procéda à un simple comptage des votants malgré les appels des congolais avertis qui recommandaient un recensement scientifique de la population congolaise.
La nationalité, la probité intellectuelle et morale des candidats n’étaient pas non plus des exigences de taille dans la validation des candidatures sous prétexte de privilégier la paix et l’intérêt supérieur de la nation. Un rwandais avait ainsi réussi à se faire élire député National du Nord-Kivu ! Il aura fallu qu’il soit emprisonné au Rwanda comme rwandais pour que le peuple congolais découvre qu’il n’était pas congolais, la nationalité congolaise étant une et exclusive.
Aussi des candidats qui ne savaient se faire entendre que par leurs armes s’étaient présentés aux élections. Certains d’entre eux les remportèrent haut la main avec du sang des congolais de Makobola, Kisangani, Kasika, Quartier Kalemire/Butembo, Kanyabayonga, Byumba, Tingi Tingi, etc. sur leurs mains. Une simple promesse, un simple slogan, ou une simple tournée sans prise de parole dans une localité au volant de sa Jeep 4x4 ou dans une caravane motorisée de voitures derniers cris, suffisait pour être l’élu du coin. Dans d’autres cas, un petit tricot à l’effigie du candidat faisait l’affaire. La conséquence de cette légèreté politique fut le choix malheureux que tous regrettent aujourd’hui. Comme d’habitude, les tonneaux vides faisant beaucoup de bruit, le peuple les préféra aux tonneaux bien remplis qui étaient restés silencieux car sans moyens de faire du tapage.
L’insécurité sous plusieurs formes qui régnait dans plusieurs coins de l’Est du pays était aussi minimisée car les parrains internationaux avaient dit à qui voulait les entendre que l’insécurité s’en irait d’elle-même après les élections et que les réfractaires au processus électoral seraient traqués et esseulés sur la scène internationale. Dans certains coins reculés du Nord-Kivu, la securité de certains centres électoraux fut assurée par des FDLR au vu et au su de la Monuc et de la CEI. Les élections eurent ainsi lieu en 2006 dans une ambiance bon enfant et ses organisateurs nationaux et internationaux s’empressèrent de les proclamer apaisées, démocratiques, et transparentes.
Elections 2006: Bureau de vote de Mukuna/Butembo au matin du 30 juillet 2006
Au lendemain des élections de 2006, les médiateurs internationaux (ex la MONUC) dans le conflit congolais avaient tourné casaque. Après tout, ils n’avaient conclu aucune alliance formelle avec le peuple congolais. Chaque fois que les associations de la société civile rappelaient à la Monuc sa promesse pré-électorale, la Monuc brandissait le texte de son mandat en R.D.Congo qui ne comportait pas des opérations de police en R.D.Congo. Au lieu de soutenir les institutions issues des urnes comme promis, les médiateurs internationaux choisirent de soutenir plutôt les réfractaires au processus électoral. Le cas du soutien international au CNDP se passe de tout commentaire ! Les congolais découvrirent sur le tard que les élections n’avaient pas comme objectif la securité des populations mais le pillage des ressources naturelles de la R.D.Congo et au besoin, la balkanisation du territoire national en plusieurs petites républiques. Le but des élections était de doter le pays d’un président élu qui signerait les contrats miniers, d’une assemblée nationale et d’un sénat qui fonctionneraient comme des chambres d’enregistrement des projets de lois conçus par les parrains internationaux pour faire sauter des éventuelles entraves au pillage en règle de la R.D.Congo, etc.
Maintenant que le mandat du cadre légal du pillage de la R.D.Congo tend vers sa fin, les parrains internationaux du régime en place remuent ciel et terre pour rééditer leur exploit de 2006, c’est-à-dire maintenir au pouvoir l’équipe qui gagne ! C’est de la bonne politique diront les réalistes. Ainsi par exemple, la sortie du calendrier électoral diffusé par la CEI le 10 Août 2010 était précédée d’un conciliabule des parrains internationaux à New York. Pendant que les opposants congolais dénonçaient l’anti-constitutionalité de ce calendrier, les diplomates américains s’étaient précipités pour dire tout haut leur soutien au calendrier de la CEI. Aujourd’hui, plus personne ne parle de cette anti-constitutionnalité du calendrier publié par la CEI qui de fait prolonge la législature en cours de plusieurs mois sans dire pourquoi.
Il y a ensuite la loi de la composition de la CENI tombeur de la CEI. La condition pour être membre de la CENI était la neutralité politique. Aux dernières nouvelles, certains partis politiques n’ont pas respecté cette loi pour des raisons pas très évidentes. Il se pourrait que le non respect de cette loi ouvre un débat interminable lors de la validation des membres de la CENI par l’Assemblée Nationale, pour retarder davantage l’organisation des élections de 2011 qui profite à tous les élus de 2006 qui pour la plupart n’ont aucune chance de se faire réélire. D’ores et déjà, l’organisation des prochaines élections se bute aux combines politiciennes comme en 2006. Les parrains internationaux à qui l’on a déjà demandé une contribution financière aux élections de 2011, auront de nouveau une main mise sur le processus électoral de 2011. Dans un pays où l’ordinateur est connu de moins d’un pourcent de la population, les organisateurs semblent liée l’organisation des élections aux ordinateurs, kits électoraux conçus à l’étranger et que plusieurs agents électoraux utiliseront comme des jouets, n’en connaissant pas le mécanisme. En adoptant les moyens sophistiqués conçus à l’étranger et inaccessibles à la bourse du pays, on hypothèque petit à petit les élections de 2011 que les parrains internationaux pourront bloquer à tout moment en utilisant l’argument financier, logistique, etc. Ces derniers pourraient contribuer à la prolongation de la législature actuelle, au détriment du peuple congolais impatient de recouvrer son pouvoir de souverain primaire.
En effet, le peuple congolais, contrôleur attitré de l’action du gouvernement, faute d’organisation politique en 2006, se retrouve aujourd’hui le seul dindon de la farce des élections de 2006 que d’aucuns qualifient, après coup, d’« élections Louis Michel » du nom de l’ancien Ministre des Affaires Etrangères et Vice-premier Ministre Belge qui s’en étaient fait le parrain et le défenseur auprès des parrains internationaux. Le peuple congolais a ainsi appris sur le tas, la dure leçon que, sans une organisation politique solide et des institutions citoyennes indépendantes, les élections seules ne confèrent pas le pouvoir nécessaire à la démocratisation d’un pays. D’après William Easterly, parfois des régimes dits démocratiques produisent des gouvernements fantômes malgré les élections libres. Parfois, poursuit-il, la démocratie devient une tyrannie de la majorité quand la majorité décide de voter les lois pour abolir la démocratie, ou d’utiliser l’armée et la police pour faire taire les opposants et réprimer le peuple.[2]
Pour éviter cette tyrannie de la majorité (AMP) en R.D. Congo il aurait fallu un peuple congolais solidaire, travailleur, bien organisé en associations locales, régionales, et nationales, actif dans des vrais partis politiques ayant un plan d’action, des moyens matériels de sa politique, une organisation démocratique interne, et un pays avec des institutions militaires et judiciaires nationales et indépendantes, etc.
Faute d’organisation politique solide, le peuple congolais s’est ainsi vu remplacé dans son rôle de juge de l’action du gouvernement par la communauté internationale. C’est ainsi que tout satisfecit de l’action des élus de 2006 vient, non du peuple congolais mais de la communauté internationale. A titre d’exemple, le FMI, la Banque Mondiale, International Transparency, etc. se disent satisfaits de l’économie de la R.D. Congo même quand les fonctionnaires de l’Etat congolais totalisent plusieurs mois sans salaire, quand les enseignants ainsi que les professionnels de la santé sont en grève, quand l’extraction des minerais domine toujours l’activité économique du pays, etc. Aussi, en dépit de l’insécurité qui bat son plein dans les provinces de l’Est du pays et de la corruption qui gangrène les entreprises étatiques et paraétatiques, le FMI peut déclarer à Kinshasa que le climat des affaires s’est nettement amélioré en R.D.C. Entendez par là, les affaires des parrains internationaux du régime qui ne souffrent pas des incendies des maisons et des coupeurs des routes. Aussi, au lieu de financer des opérations de police pour la securité des congolais et de leurs biens, on voit les parrains internationaux débourser leur argent pour financer la protection des gorilles de montagne et des singes Bonobo, tracer des routes vers des zones minières et les aéroports internationaux pour l’écoulement vers l’extérieur des produits congolais pendant que plusieurs millions des congolais sont déplacés dans leur propre pays sans assistance humanitaire suffisante.
Un autre exemple qui montre combien le bien-être du peuple congolais constitue le cadet des soucis du gouvernement congolais et de ses parrains internationaux, est le déguerpissement des populations civiles de Muramba, Territoire de Lubero au Nord-Kivu par l’IZCN. Les congolais habitent à Muramba au bord du Lac IDI-AMIN, Parc National des Virunga, depuis des années. Ils y ont survécu à 14 ans de guerre grâce à leurs petites économies de pêche sur le lac IDI-AMIN. Mais l’IZCN a estimé que pour protéger les espèces animales en voie de disparition, il fallait déguerpir les humains de leurs villages, sans préavis ni compensation, et sans aucune mesure d’accompagnement. Derrière cette mesure apparemment légale et prise par une autorité légitime, on retrouve le sacrifice impose aux populations civiles laissés pour compte pour offrir aux compagnies pétrolières l’aisance des prospections offshore et on shore. A la longue l’exploitation du pétrole se révélera plus nocif aux espèces animales du parc des Virunga que les populations civiles congolaises déguerpies de force.
A traves ces quelques exemples, on voit l’usage arbitraire de la force légitime au service des intérêts étrangers. Cet usage arbitraire de la force par un leader légitimement élu rappelle ce que William Easterly appelle la « tyrannie de la majorité » au pouvoir qui, une fois élue aux suffrages universels peut légalement décider d’utiliser sa légitimité pour tuer la démocratie.
Le peuple congolais découvre ainsi à ses dépens le prix de sa naïveté et de son manque d’organisation politique lors des élections de 2006. Pour remédier à cette situation, le maître mot pour les élections de 2011 est sans conteste, l’organisation politique du peuple congolais en partis politiques influents dans plus d’un secteur de la vie nationale, l’arrivée sur la scène politique congolaise des nouveaux leaders congolais, patriotes, travailleurs, d’une probité morale incontestable et la signature d’un contrat social et politique entre le peuple congolais victime des promesses jamais tenues et les candidats aux élections de 2011.
Author: Kakule Mathe
Beni-Lubero Online
Source:Congo Libre, du 16/11/2010
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