Le gouvernement britannique a choisi de protéger ses entreprises, malgré leur implication avérée dans le commerce illicite des minerais de l’Est de la RDC. Entre-temps, la Grande-Bretagne soutient le plan de stabilisation et de reconstruction de l’Est qu’elle finance via son agence de développement, DFID.
C’est désormais un secret de polichinelle. Après plusieurs recoupements, des études menées de manière parcimonieuse dans les zones de conflit de l’Est de la République démocratique du Congo ont fait état de l’implication des entreprises britanniques dans le commerce illicite de minerais. Or, leur conclusion est que ce commerce illicite est la cause immédiate des tensions récurrentes dans cette partie du pays.
Global Witness, une ONG de défense des droits de l’Homme domiciliée à Londres, est arrivée à la conclusion selon laquelle la Grande-Bretagne est responsable, par son silence, du drame qui se déroule à l’Est de la RDC. Dans son dernier rapport intitulé : « Face à un fusil, que peut-on faire ? », Global Witness décrit la façon dont des entreprises « britanniques » s’approvisionnent auprès des fournisseurs qui se livrent au commerce des minerais émanant des belligérants.
L’une des entreprises britanniques citée dans différents rapports est la Thaisarco, le cinquième producteur d’étain au monde, qui fait partie d’AMC (géant britannique du secteur des métaux). Le principal fournisseur de la Thaisarco, le comptoir Panju, basé en RDC, vend de la cassitérite et du coltan provenant des mines contrôlées par les FDLR.
L’autre entreprise citée dans le rapport est Afrimex, société de droit britannique, au sujet de laquelle Londres a déjà conclu en 2008 qu’elle portait atteinte aux « Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales ». Cela pour s’être approvisionnée auprès de fournisseurs qui adressaient des paiements à un groupe rebelle.
SURPRISE !
L’on s’attendait donc à ce que le gouvernement britannique réagisse favorablement à ces révélations en sanctionnant dans la mesure du possible les entreprises impliquées dans ce plan de déstabilisation de la RDC. D’autant que, depuis quelques mois, il travaille en faveur de la mise en œuvre d’un plan de stabilisation et de reconstruction de la RDC (Starec) qu’il finance via son agence de développement (DFID).
Mais, Londres a choisi la voie du silence, un silence jugé coupable à Kinshasa. Il a préféré assurer la protection de ses entreprises. D’où, l’ire de Global Witness qui n’a pas hésité de condamner, en début de semaine, la démarche empruntée par la Haute Cour de justice du Royaume-Uni. «Le nom de plusieurs entreprises britanniques dont on sait qu’elles ont fait le commerce de minerais provenant de l’Est de la RDC aurait dû être communiqué au Comité des sanctions des Nations unies en vertu des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies adoptées en 2008 et 2009 », s’indigne Global Witness.
Dans un communiqué diffusé depuis son siège de Londres, Global Witness note qu’« il est regrettable que la Haute Cour de justice du Royaume-Uni ait refusé de permettre un contrôle juridictionnel de la décision du gouvernement britannique de ne pas citer les entreprises britanniques faisant le commerce de minerais du conflit en vue de leur inclusion sur la liste des entités ciblées de l’Onu ».
Global Witness est sidérée par l’attitude du gouvernement britannique, alors qu’il existe des « preuves édifiantes » mises en évidence par ses services. Le Groupe d’experts et d’autres intéressés indiquent que des entreprises britanniques ont soutenu des groupes armés en RDC en achetant des minerais dans des régions placées sous leur contrôle. Malgré, poursuit Global Witness, « le gouvernement britannique n’a jamais donné leurs noms en vue de leur inscription sur la liste des entités visées par les sanctions ».
La vérité est que la Grande-Bretagne a choisi la voie du nationalisme au détriment des exigences de la justice internationale relativement à la réparation pour des crimes odieux commis par diverses parties dans la partie Est de la RDC. Quel message donne-t-il en épargnant ses entreprises d’un quelconque châtiment à l’échelle internationale ?
En 2002, le panel d’experts des Nations unies sur le pillage des richesses de la RDC et, tout récemment, le Mapping du Haut commissariat des Nations unies pour les droits de l’Homme sont arrivés à la conclusion selon laquelle une main invisible alimenterait les conflits.
Malgré toutes ces révélations, la Grande-Bretagne fait la sourde oreille, ignorant toutes les recommandations formulées jusqu’au niveau des Nations unies pour décourager ces « faiseurs de guerre ».
MECONNAISSANCE DE L’ONU
Dans une demande de contrôle juridictionnel adressée à la Haute cour de justice, Global Witness pense que le gouvernement britannique a agi dans l’illégalité en refusant de recommander, en vue des sanctions ciblées de l’ONU, les entreprises et individus britanniques qui se livrent au commerce de « minerais du conflit » congolais.
Le gouvernement britannique, rappelle-t-il, en s’abstenant d’enquêter de manière adéquate sur les entreprises et les individus, a transgressé ses obligations légales internationales. « Les entreprises qui ont profité d’un conflit d’une grande brutalité devraient faire l’objet de sanctions des Nations unies – mais ces sanctions sont inutiles s’il n’existe pas de procédure gouvernementale claire et équitable permettant d’identifier si de tels individus ou entités doivent être inscrits sur la liste », a fait savoir Global Witness.
L’ONG britannique s’appuie sur la résolution 1857 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée le 22 décembre 2008, qui demandait expressément l’imposition d’une interdiction de voyager et d’un gel de leurs avoirs à tous les individus et entités qui soutiennent des groupes armés illégaux dans l’Est de la RDC par l’intermédiaire du commerce illicite de ressources naturelles. La 1857 a été appuyée et renforcée par la résolution 1896, adoptée le 7 décembre 2009.
L’ATTITUDE DESINVOLTE DE KINSHASA
Membre des Nations unies, la Grande-Bretagne feint d’ignorer toutes les dispositions de l’instance de décision des Nations unies et elle fonde son refus sur « l’absence de procédure claire et équitable régissant la manière dont des acteurs doivent être inscrits sur la liste des individus et entités visés par les sanctions de l’ONU ».
Pendant ce temps, à Kinshasa l’on donne l’impression d’être dans les vagues, loin de lire les signes des temps. Or, il faudrait se départir de cette désinvolture morbide. Avoir les deux pieds sur terre. Arriver à cerner les enjeux et s’y préparer afin d’épargner à la RDC d’être au final le dindon de la farce.
Surtout que ce sont les autres qui se réunissent, cogitent et décident en lieu et place des Congolais.
Source:Le Potentiel, du 04/11/2010
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