Friday, January 7, 2011

Côte d’Ivoire : le poids des morts

Alors que l’ONU fait le bilan humain des violences, Ouattara accuse Gbagbo d’avoir « du sang sur les mains ».
Au moins 210 morts. C’est le dernier bilan des violences post-électorales publié par les Nations unies jeudi. La Cour pénale internationale a indiqué qu’elle enquêtera en temps voulu sur ces actes qui ont endeuillé la Côte d’Ivoire et dont Alassane Ouattara accuse Laurent Gbagbo d’être responsable. Mais le président, élu selon la Commission électorale indépendante et soutenu par la communauté internationale, a promis l’amnistie à son rival s’il quittait le pouvoir volontairement.
Le bilan des violences qui secouent la Côte d’Ivoire, plongée dans une crise post-électorale depuis le 2 décembre, s’alourdit. L’opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) a estimé ce jeudi à au moins 210 morts le nombre de personnes tuées depuis la mi-décembre, dont 31 décès dans la semaine écoulée. Les violences seraient particulièrement vives dans la ville de Duékoué, à quelque 500 km à l’ouest d’Abidjan, où 14 personnes ont été tuées dans des affrontements entre ethnies guéré et malinké. « Ce qui s’est passé à Duékoué est le reflet de la tendance vers des tensions, des violences intercommunautaires »", a ajouté le chef de la division des droits de l’Homme de l’Onuci, Simon Munzu, précisant qu’« il y a toujours eu » des tensions de ce genre, en particulier dans cette région peuplée d’ethnies diverses et d’étrangers.

Les Nations unies revoient à la hausse le bilan qu’elles avaient établi le 23 décembre lorsqu’elles ont adopté une résolution dénonçant les « atrocités » commises après le second tour de la présidentielle le 28 novembre dernier en Côte d’Ivoire. Entre les 16 et 21 décembre, le bilan dressé par les Nations unies faisait alors état de « 173 meurtres, 90 cas de tortures et mauvais traitements, 471 arrestations, 24 cas de disparitions forcées ou involontaires ». Le plus récent bilan du camp Laurent Gbagbo fait état, lui, de 53 morts depuis fin novembre, dont 14 membres des Forces de défense et de sécurité (FDS), fidèles au président ivoirien qui souhaite rester au pouvoir. « C’est dans nos rangs que nous comptons le plus de victimes », a fait valoir son ministre de l’Intérieur, Emile Guiriélou, au lendemain de l’adoption de la résolution des Nations unies sur les atteintes aux droits de l’homme fin décembre. Il avait alors également rejeté les accusations de « violations massives des droits de l’Homme ». Le siège du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), proche d’Alassane Ouattara, le Président ivoirien élu selon la Commission électorale indépendante (CEI), a été pris d’assaut ce mardi par les Forces de défense et de sécurité (FDS). Leur intervention a fait au moins un mort et plusieurs personnes ont été interpellées.

Outre les atteintes aux droits humains, des charniers auraient été également découverts. Une information que les Nations unies tentent toujours de vérifier. Lors d’une conférence de presse donnée le 23 décembre dernier, le Chef de la division des droits de l’Homme de l’Onuci avait indiqué qu’une délégation de la mission avait été empêchée de vérifier l’existence d’un charnier à N’Dotré, sur la route d’Anyama, localité proche de la capitale Abidjan. « Des militaires des forces de défense et de sécurité avec à leurs côtés des hommes encagoulés et puissamment armés nous ont empêchés de nous rendre sur les lieux ». A ce propos, le directeur de cabinet du ministère de l’Intérieur de Laurent Gbagbo, Véhi Tokpa, a déclaré dimanche dernier à Reuters que la coopération des autorités ivoiriennes était nécessaire pour enquêter sur d’éventuels charniers. « Est-ce que les Nations unies peuvent faire une enquête en Côte d’Ivoire sans la participation des autorités ivoiriennes ? Quand il y a des vérités à faire éclater, on se base sur des faits, pas sur des déclarations », a-t-il affirmé, ajoutant que « le plus simple serait que les Nations Unies nous donnent l’endroit où se trouverait ce charnier ».

La CPI enquêtera au moment opportun

« Nous sommes à deux doigts d’un génocide, il faut faire quelque chose », a averti le 29 décembre dernier, Youssouf Bamba, l’ambassadeur de Côte d’Ivoire auprès des Nations unies nommé par Alassane Ouattara. « Laurent Gbagbo a du sang sur les mains », a encore insisté jeudi le président désigné par la Commission électorale indépendante sur les antennes de la radio française Europe 1. Selon lui, « des mercenaires et des miliciens de Laurent Gbagbo » auraient violé et assassiné. Alassane Ouattara a également indiquée qu’une mission d’enquête de la Cour pénale internationale (CPI) serait envoyée en Côte d’Ivoire « dans les prochains jours ». Le Premier ministre d’Alassane Ouattara, Guillaume Soro, avait estimé quelques jours auparavant que Laurent Gbagbo devait être traduit devant la CPI pour les conséquences des violences dues à cette crise postélectorale. Dans un entretien accordé au quotidien français Libération, il souhaitait que « tous ceux qui sont impliqués d’une manière ou d’une autre » dans les évènements du 16 décembre lorsque son camp avaient appelé ses partisans à marcher sur la télévision nationale, « soient transférés à La Haye ».

« On enverra une mission en Côte d’Ivoire au moment opportun, à l’invitation ou avec l’autorisation des autorités ivoiriennes », a déclaré pour sa part ce jeudi, selon l’AFP, le bureau du procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, qui avait déjà prévenu le 16 décembre qu’il poursuivrait tous les responsables des violences.

Mais Alassane Ouattara se dit aujourd’hui prêt à éviter toute confrontation avec la CPI à son rival s’il quittait volontairement le pouvoir. « Je dis que la paix n’a pas de prix. C’est pour cela que je suis prêt à prononcer une amnistie en faveur de Gbagbo, (…) Je suis prêt à accorder des garanties à Gbagbo et un statut d’ancien chef d’État. Mais il faut qu’il accepte rapidement, parce que c’est quelqu’un qui a du sang sur les mains. Cela ne date pas des événements d’aujourd’hui. Il y a eu ceux de 2000, de 2002, de 2004 - où des victimes françaises se sont ajoutées aux victimes ivoiriennes », confiait-il au Figaro dans un entretien publié ce jeudi. « Gbagbo est passible de la Cour pénale internationale, et de la Haute Cour de justice de la Côte d’Ivoire. Mais, au nom de la paix, je suis prêt à chercher les voies et moyens de lui épargner cela ». Interrogé sur la question des exactions par le même journal, Laurent Gbagbo avait répondu quelques jours plus tôt : « En 2000, quand j’ai pris le pouvoir, les mêmes gens avaient sorti des histoires de charnier à Yopougon, des assassinats. On avait demandé à l’ONU de faire une enquête. Il y avait eu un rapport. Le fond du débat aujourd’hui, c’est : qui est élu ? Et comme on ne veut pas de ce débat, on glisse vers les entraves aux droits de l’homme, les assassinats. Il faut constater la similitude entre 2000 et 2010. Je vais demander au ministre de la Justice d’ordonner des enquêtes. On n’a pas peur de ce débat ». L’armée, fidèle à Laurent Gbagbo, avait indiqué par avance qu’elle tiendrait « pour responsable » le Représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en Côte d’Ivoire, YJ. Choi, des affrontements du 16 décembre.

En attendant de faire la lumière sur ces violences, l’Onuci a annoncé ce jeudi la mise en place d’un centre d’appels pour répertorier les atteintes aux droits de l’homme en Côte d’Ivoire.

 Author:  Falila Gbadamassi




Source: Afrik.com, vendredi 7 janvier 2011

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