Pomme de discorde entre la Majorité et l’Opposition, la révision constitutionnelle, telle qu’initiée par un groupe de trois députés issus du rang de la Majorité, a finalement, franchi l’étape de l’Assemblée nationale. Sur une liste de 337 votants, 334 députés ont donné le feu vert pour une révision de huit articles de la Constitution votée par voie référendaire en 2006.
De son côté, l’Opposition n’a pas voulu se joindre à l’initiative de la Majorité. Juste au moment du vote, ses membres siégeant à la Chambre basse du Parlement ont préféré quitter la salle, laissant libre champ à la Majorité.
Ainsi, au nom de la démocratie qui consacre le principe de la Majorité au détriment de la minorité, l’Assemblée nationale a fait passer au vote l’initiative de la révision constitutionnelle, marginalisant l’option contraire développée par la minorité. C’est cela la démocratie, commentaient nombre de députés votants au sortir de la plénière.
Par contre, ils ont oublié que si la démocratie donne plus de voie à la Majorité, par devoir et l’équilibre du système, elle impose aussi le respect et la protection de la minorité.
Abraham Lincoln avait sans doute raison de rappeler que « la démocratie, c’est le pouvoir du peuple, par le, peuple et pour le peuple ». Parce que, s’est-il souvenu, dans la démocratie, seul l’intérêt du peuple doit triompher au profit de celui d’un groupe.
Cette définition a deux conséquences directes. Premièrement, elle précise que, dans l'essence démocratique, les représentants d'un peuple ne peuvent être issus que de celui-ci, ce qui oppose fondamentalement la démocratie à tout système de type aristocratique, où le gouvernement est le fait d'une élite.
Deuxièmement, cette définition - devenue universelle - souligne que, dans un système qui se veut démocratique, le gouvernement doit être pour le peuple et donc œuvrer dans le sens de l'intérêt général, par opposition à des décisions prises pour des intérêts particuliers ou dans l'«intérêt supérieur de l'État ».
La démocratie ne peut donc se concevoir comme simple « dictature de la majorité » et, exclut par conséquent toute idée de suppression d'un parti même minoritaire, sauf dans le cas très spécifique où celui-ci prône explicitement le recours à la violence et à des actions anti-démocratiques. Même dans ce cas, le parti communiste qui prônait avant Georges Marchais un but théorique de renversement des institutions et de dictature du prolétariat ne fut jamais formellement inquiété, et renonça en fin de compte de lui-même à ces objectifs peu démocratiques.
Ce qui s’est passé le mardi 11 janvier 2011 à l’Assemblée nationale n’honore pas la jeune démocratie congolaise. Elle est la preuve de la dérive démocratique en République, dit « démocratique » du Congo.
L’acte posé par l’Assemblée nationale fera tache d’huile de l’histoire de la démocratie congolaise, douloureusement enfantée un certain 24 avril 1990. Au nom de l’intérêt d’un groupe, dit Majorité, les députés ont fait la sourde oreille à la voie contraire exprimée par la minorité. Tous étaient censés défendre et représenter le peuple. Malheureusement, tous n’ont pas les mêmes motivations.
Dans une démocratie, la majorité ne peut pas écraser la minorité sous prétexte du nombre - c'est ce qu'on appelle l'état de droit, et qui distingue la vraie démocratie de la dictature de la majorité.
Source: Le Potentiel, du 13/01/2011
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