Depuis le début de la guerre d’agression que les puissances occidentales nous livrent en utilisant les pays satellites que sont l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi, une abondante littérature prouve que chasser Mobutu du Zaïre servait un objectif économique précis : ouvrir l’espace de notre pays à l’ultralibéralisme prédateur. Pour atteindre cet objectif, un réseau transnational a fomenté une guerre dans laquelle plusieurs acteurs internationaux et sous-régionaux ont été impliqués. Des mouvements rebelles montés de toutes pièces par Kampala et Kigali ont prêté main forte aux prédateurs occidentaux pour maintenir le Congo dans sa situation d’avant son indépendance formelle : un réservoir des matières premières pour les multi et les transnationales. Pour donner une coloration démocratique à cette prédation, certains membres du réseau transnational ont été promus aux hautes charges du pays après une mascarade électorale en 2006. Ce réseau a inclus en son sein les dinosaures de la deuxième République, soucieux de conserver leurs privilèges et leurs biens mal acquis. Si la commission des BMA de la Conférence Nationale Souveraine a répertorié les noms de ces derniers, les différents rapports des experts de l’ONU ont dénoncé « les nouveaux prédateurs », acteurs apparents du réseau transnational de prédation. Le rapport Kassem de 2002 parle explicitement d’un réseau d’élite.
Pour n’avoir pas pris toute la mesure de cette occupation du pays par un réseau transnational de prédation, certains acteurs de la société civile et politique congolaise ont cru, en 2006, à l’avènement d’un processus de normalisation de la vie politique chez nous. Dieu merci ! La publication du rapport du HCDH de l’ONU au mois d’octobre est venue rappeler aux plus amnésiques d’entre nous que la RD Congo était dirigée par des ex-seigneurs de guerre , auteurs des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et d’autres actes pouvant s’apparenter au génocide. (Tous ces rebelles de l’AFDL-PPRD, des différents RCD, du MLC, du CNDP, etc.) La dernière alliance entre l’AMP et le CNDP a levé un coin de voile : la légitimation politique des membres de l’AMP par la mascarade électorale de 2006 leur a permis de négocier l’intégration de leurs alliés du CNDP dans les institutions du pays.
Quand, Mende, ex-seigneur de guerre, explique comment, lui et ses amis vont s’arranger pour que le Congo reste à jamais sous occupation du réseau transnational de la prédation, certains d’entre nous estiment qu’il y a là un sujet de débat. Non. Il nous semble que le débat est ailleurs : « comment faire pour neutraliser les membres de ce réseau siégeant au sein des institutions du pays et les autres élites compradores ayant contribué à la mise du Congo sous tutelle ? »
Le temps passant a rendu superflu ce débat essentiel.
Du moment que ce débat est escamoté et que les ex-seigneurs de guerre sont élevés au niveau de « leurs honorables et leurs excellences » et des débatteurs dignes de ce nom, notre pays n’ira nulle part.
Il nous semble que l’une des questions essentielles face à laquelle nous sommes placés est la suivante : « Comment devenir acteurs à part entière de notre histoire en constituant un réseau alternatif au réseau transnational de prédation dont certains membres font partie des décideurs dans notre pays ? »
Répondre à cette question se fait sur le temps. Cela exige que nos hommes et femmes politiques impliqués dans le réseau alternatif soient, auprès de nos populations, des pédagogues, à l’exemple de Pierre Mulele. Des hommes et des femmes qui échangent avec nos populations sur les enjeux réels auxquels notre pays est confronté.
Les alliances électoralistes permettront-elles ces échanges ? Peut-être ! Il est vrai que nos populations ne sont plus tellement dupes. Quand certaines disent des dirigeants actuels qu’ils sont « les bantu ba batoke », « batu ya ba mindele », « les nègres au service de l’Occident », elles disent, en leurs propres termes, l’existence dudit réseau. Il faudrait peut-être, dans un travail en synergie, les pousser à comprendre le fonctionnement du réseau et ses conséquences néfastes sur notre devenir commun. Le tout serait que ce travail permette notre transformation mutuelle en acteurs de premier plan de notre souveraineté nationale et de notre autodétermination.
Le CALCC (le comité laïc chrétien d’apostolat) serait l’une des machines les mieux indiquées pour mener ce travail au niveau des Communautés Ecclésiales Vivantes de Base (CEVB). Il devrait, contrairement aux formations politiques élitistes, impliquer la Base œcuménique de nos populations dans la longue, difficile mais indispensable lutte pour notre autodétermination. Les autres minorités organisées aussi.
Croire, au jour d’aujourd’hui, que les seigneurs de guerre d’hier et d’aujourd’hui, s’engageront dans une démarche démocratique pouvant aboutir à la mise sur pied des institutions devant lesquelles ils devront répondre de leurs crimes semble être un rêve d’illuminés. Un rêve inutile ! Préparons d’abord nos populations à s’assumer. Le reste nous sera donné par surcroît. Confondre la vitesse et la précipitation peut être préjudiciable pour notre devenir commun. Ne nous trompons pas. Face aux forces acquises au changement chez nous, il y a des réseaux transnationaux cupides et prédateurs. Ils n’ont rien à voir avec la démocratie populaire. Ils supportent encore la démocratie bourgeoise. Le rendez-vous de 2011 risque d’être la copie conforme de 2006.
Author: J.-.P. Mbelu
Source: Congoindépendant 2003-2011, du 05 Janvier 2011
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