Le mercredi 20 avril dernier, l'ex-sergent-chef des Forces armées nationales de Côte d'Ivoire (Fanci), le désormais «Général IB» et son «commando invisible» ont été pris pour cible par des hommes des Forces répuiblicaines de Côte d'Ivoire (Frci), ses anciens compagnons de lutte aux premières heures de la rébellion du 19 septembre 2002. Selon des témoins, le commandant Morou Ouattara des Frci et ses hommes basés à Abobo ont été chargés «de nettoyer la commune d'Abobo et d'Anyama», également fief de IB et ses hommes. En tout cas, le commandant Morou a été aperçu avec ses éléments ce même mercredi au rond point de la mairie d'Abobo, en pleine manoeuvre pour déployer ses hommes dans la zone.Une mission qui a viré en affrontements entre les soldats des Frci et le commando de l'ex-sergent-chef, le mercredi soir. «Depuis quelques minutes, nos positions à Abobo et Anyama sont attaquées par des éléments des FRCI qui nous accusent d'aider les miliciens pro-Gbagbo à Yopougon», a déclaré ce même jour à l'agence Reuters « le Général IB », qui revendique 5 000 hommes. Ses hommes ont par ailleurs mis en garde contre tout autre attaque de leurs positions par les soldats de Guillaume Soro, dans une déclaration signée d’un certain capitaine Aka Meyo, porte-parole des Forces de défense et de sécurité impartiales (Fdsi), l'autre nom du commando invisible. La réconciliation annoncée à la suite de l'allégeance faite au président Ouattara par IB et ses troupes, au cours de la conférence de presse du mardi 19 avril dernier, à leur QG d'Abobo, paraît donc mort-née. IB avait pourtant indiqué au cours de sa conférence de presse qu'il s'inscrivait dans la voie de la réconciliation tracée par le président Alassane Ouattara. «Ado est mon père, je suis à sa disposition», des propos conciliants auxquels il faut ajouter son souhait de faire table rase du passé douloureux qui l'oppose à ses frères d'armes. «Je n'ai aucun problème avec Soro», a dit «Major», soulignant que même si c'était le cas, cela ne devrait pas menacer la vie de la nation et les intérêts des Ivoiriens. Qu'est-ce qui n'a donc pas marché pour que pro-Soro et pro-IB commencent à se faire la guerre le mercredi dernier ? Difficile de dire. Toutefois, cette inimitié traduite dans les bruits d'armes entre les forces de Soro et celles de IB avant-hier à Abobo rappelle la guerre fratricide que les deux leaders se sont livrée pour le contrôle de la rébellion en 2004. 7 ans plus tard, les démons de la division font encore incursion au sein des troupes de l'ex-rébellion. Cela au moment où la lutte commencée ensemble a porté ses fruits avec l'accession au pouvoir d'Alassane Ouattara, leur leader commun.
Retour 7 ans en arrière
L'installation d'Alassane Ouattara devrait en effet ressouder les liens entre les membres de l'ex-rébellion, qui ont combattu pour le porter à la tête de l'Etat. En tout cas, le nouveau président ivoirien, qui a pris une ordonnance dans le but de réunifier les différentes forces ivoiriennes dans une même armée dénommée les Forces républicaines de Côte d'Ivoire (Frci), devra veiller à ce que ces forces qui lui sont fidèles ne se retrouvent en belligérance comme en 2004. Où la guerre des chefs au sein de l'ex-rébellion avait causé la mort de plusieurs dizaines de personnes dans les villes de Korhogo et Bouaké. Les uns voulant éliminer les autres pour demeurer les maîtres des lieux. Sur le terrain à cette époque, deux troupes s'affrontèrent. L'une reconnaissant Ibrahim Coulibaly comme le véritable chef, l'autre soutenant Guillaume Soro, le jeune secrétaire général de l'ex-rébellion, comme le leader. Mais l'enjeu reste le contrôle du mouvement. Depuis Paris où il était en liberté sous contrôle judiciaire et interdit de quitter le territoire français, IB ne renonce pas pour autant au titre de véritable chef des Forces nouvelles. Il affiche ses intentions de retourner en Côte d'Ivoire et prendre les commandes, accusant Guillaume Soro et ses troupes de « trahir la lutte ». Cette volonté de retour crée la suspicion au sein des chefs militaires et aiguise les appétits. Ceux qui se sont révélé être des soutiens d’IB se sont heurtés à la volonté des pro-Soro de réaffirmer l'autorité de leur SG et de maintenir l'ordre au sein de la troupe. La fracture naissante va donc se traduire dans des termes comme «éléments incontrôlés» ou encore «traîtres». Dans cette atmosphère de belligérance, soulignent des sources, un cortège de Guillaume Soro composé de plusieurs véhicules a été attaqué le 20 juin 2004. D'autres attaques et affrontements suivront entre les combattants pro-Soro et les pro-IB. Cela va déboucher sur la mort de plusieurs chefs de guerre et se conclure par une hégémonie presque totale de l'ancien leader de la Fesci sur l'ex-rébellion des Forces nouvelles. 7 ans après cet épisode douloureux, l'histoire semble se répéter, cette fois à Abidjan où toutes les factions sont présentes. Le président Ouattara va-t-il réussir l'ultime réconciliation entre ces anciens compagnons de combat, qui revendiquent chacun sa part de lutte pour son accession au palais présidentiel ? Autant dire que le successeur de Laurent Gbagbo a du pain sur la planche.
Author: Hamadou ZIAO
Source: L'Inter, du 22/04/2011
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