Mark Zuckerberg a inventé Facebook. Il faut vous y faire.
- Facebook al món (Des 2010) (visualisation des membres du réseau Facebook en 2010), marcbel via Flickr, CC-Licence-by -
Qui a eu l’idée d’inventer Facebook? L’histoire a toujours été un peu louche. Mark Zuckerberg, le PDG prodige, a toujours affirmé qu’il était seul créateur du célèbre réseau social, projet qu’il a imaginé puis développé lorsqu’il était étudiant à Harvard.
Les trois plaignants affirment que Zuckerberg leur a volé l’idée et retardé le projet pour lancer Facebook le premier. Ces derniers mois, Narendra et les frères Winklevoss ont cherché à rouvrir le dossier. Ils avaient déjà été dédommagés par approximativement 117,5 millions d’euros sous la forme d’actions Facebook, mais selon eux, Zuckerberg leur a menti sur la valeur réelle de l’entreprise, et affirment qu’ils méritent beaucoup plus. Lundi 11 avril, une cour d’appel s’est prononcée en leur défaveur.
Tout le monde s’intéresse à la genèse de Facebook, et c’est bien normal. Des sommes gigantesques sont en jeu —l’entreprise a été récemment estimée à 52 milliards d’euros. Ajoutez à cela des jumeaux beaux gosses, un geek à l’esprit de compétition surdéveloppé, la politique de classe harvardienne et désormais un entrepreneur accusé d’escroquerie pour n’avoir jamais livré pour 138.000 euros de pastilles de sciure de bois, et vous aurez assez de matière pour occuper Aaron Sorkin jusqu’à la fin de sa carrière.
La réponse est simple: parce que Zuckerberg a fait mieux. À ses débuts, Facebook n’avait pas grand-chose de révolutionnaire. Même s’il s’avère que les Winklevoss sont effectivement à l’origine de l’idée d’un réseau social pour Harvard, ils ont clairement puisé leur inspiration ailleurs. Les sites de réseautage social —même ceux dédiés aux étudiants— existaient déjà bien avant l’apparition de Facebook. Le site n’a rien inventé de neuf, mais s’est distingué en améliorant un vieux concept, en le rendant plus rapide, plus attirant, plus pratique et plus addictif. Une histoire familière qui rappelle celle de l’iPod, l’iPhone, l’iPad, de Windows ou encore de Google. Les idées derrière ces produits n’avaient rien de nouveau, mais on ne les estime pas moins pour autant. Et puis les idées sont surfaites. Dans le milieu high-tech, ce qui importe vraiment c’est l’exécution.
Zuckerberg a également eu raison sur les limites du site MySpace, dont on croyait à un moment donné qu’il allait tout engloutir. Sur MySpace, tous les profils étaient publics par défaut, et les utilisateurs pouvaient personnaliser leur page comme bon leur semblait. Ces caractéristiques ont beaucoup plu à une certaine catégorie d’utilisateurs —les adolescents— mais Zuckerberg avait deviné que cela ne remporterait pas l’adhésion de tout le monde. Il voulait que les gens toutes catégories confondues se sentent à l’aise sur Facebook, et pour cela on il fallait appliquer certaines règles: en plus de s’inscrire avec son vrai nom, on ne pouvait voir que les profils de ses amis, et impossible d’avoir une page qui joue Hollaback Girl dès qu’elle est chargée. (Eh oui, croyez-le ou non, mais Facebook était jadis salué pour sa sobriété et ses paramètres de confidentialité élevés.)
Pour rendre la chose encore plus addictive, le site a lancé il y a cinq ans le Fil d’actualité. Quand Facebook a activé cette nouvelle fonctionnalité durant l’été 2006, le tout premier commentaire qu’ils reçurent fut: «Virez cette merde!» Des centaines de milliers d’utilisateurs avaient rejoint des groupes anti-Fil d’actualité, et les journaux étudiants s’inquiétaient du potentiel de «stalking» de cette nouveauté. À l’époque Zuckerberg avait à peine bronché, et on a du mal aujourd’hui à imaginer ce que seraient nos vies sans ce flux d’informations. Encore une fois, le plus important n’était pas l’idée, mais le fait que Zuckerberg ait eu l’intelligence —ou l’insolence— de persévérer malgré la colère de ses utilisateurs.
Évidemment, cet argument ne l’absout pas de toutes les fourberies que ses rivaux lui reprochent d’avoir commises au moment de la création de Facebook. Mais on aurait tort de penser que si Zuckerberg avait été plus sport, quelqu’un d’autre se trouverait aujourd’hui à la tête de cette entreprise révolutionnaire et milliardaire. C’est absurde. Le réseau Facebook vaut des milliards parce qu’il a farouchement éjecté la concurrence avec des produits qui séduisent tout le monde. Et tout ça grâce à Mark Zuckerberg. Peut-être qu’il n’a pas inventé les réseaux sociaux, mais personne ne mérite autant qu’on rende à César ce qui appartient à Zuckerberg.
Author: Farhad Manjoo
Traduit par Nora Bouazzouni
Source: Slate.fr, du Dimanche 17 avril 2011
Une histoire pas si simple
Mais personne ne croit vraiment que l’histoire est aussi simple. Les emails et les messages instantanés de Zuckerberg à l’époque suggèrent qu’il aurait trouvé l’inspiration, l’argent et le code source auprès de plusieurs personnes. En 2008, Facebook signait un accord à l’amiable avec les jumeaux Cameron et Tyler Winklevoss et leur camarade de chambrée Divya Narendra, qui avaient embauché Zuckerberg à l’époque où tous les quatre étudiaient à Harvard pour travailler sur un réseau social baptisé The Harvard Connection.Les trois plaignants affirment que Zuckerberg leur a volé l’idée et retardé le projet pour lancer Facebook le premier. Ces derniers mois, Narendra et les frères Winklevoss ont cherché à rouvrir le dossier. Ils avaient déjà été dédommagés par approximativement 117,5 millions d’euros sous la forme d’actions Facebook, mais selon eux, Zuckerberg leur a menti sur la valeur réelle de l’entreprise, et affirment qu’ils méritent beaucoup plus. Lundi 11 avril, une cour d’appel s’est prononcée en leur défaveur.
Paul Ceglia, entrepreneur un peu escroc
Aujourd’hui, l’histoire de Facebook se complique encore un peu plus. Paul Ceglia, un web entrepreneur originaire du nord de l’état de New York —et dont le casier judiciaire mentionne une escroquerie au bois de chauffage— a présenté une série d’emails destinés à prouver qu’en 2003, Zuckerberg aurait signé un accord lui attribuant 50% de Facebook, contre un investissement d'un peu moins de 700 euros. Facebook assure que les emails sont des faux.Tout le monde s’intéresse à la genèse de Facebook, et c’est bien normal. Des sommes gigantesques sont en jeu —l’entreprise a été récemment estimée à 52 milliards d’euros. Ajoutez à cela des jumeaux beaux gosses, un geek à l’esprit de compétition surdéveloppé, la politique de classe harvardienne et désormais un entrepreneur accusé d’escroquerie pour n’avoir jamais livré pour 138.000 euros de pastilles de sciure de bois, et vous aurez assez de matière pour occuper Aaron Sorkin jusqu’à la fin de sa carrière.
De l'idée à la réalisation
Mais au-delà du sensationnel, si la genèse de Facebook nous intéresse tant c’est parce que nous voulons savoir à qui attribuer le mérite de cette brillante idée. Aux États-Unis, on se range du côté du gars qui a eu la super idée plutôt que de celui qui a passé un an sans dormir pour la réaliser. Si c’est bien Zuckerberg qui a eu l’idée de créer un réseau social pour tout un campus, alors il mérite les milliards de dollars qui affluent vers son compte en banque. Mais s’il a volé cette idée, pourquoi devrait-il en tirer bénéfice si quelqu’un d’autre y avait pensé avant lui?La réponse est simple: parce que Zuckerberg a fait mieux. À ses débuts, Facebook n’avait pas grand-chose de révolutionnaire. Même s’il s’avère que les Winklevoss sont effectivement à l’origine de l’idée d’un réseau social pour Harvard, ils ont clairement puisé leur inspiration ailleurs. Les sites de réseautage social —même ceux dédiés aux étudiants— existaient déjà bien avant l’apparition de Facebook. Le site n’a rien inventé de neuf, mais s’est distingué en améliorant un vieux concept, en le rendant plus rapide, plus attirant, plus pratique et plus addictif. Une histoire familière qui rappelle celle de l’iPod, l’iPhone, l’iPad, de Windows ou encore de Google. Les idées derrière ces produits n’avaient rien de nouveau, mais on ne les estime pas moins pour autant. Et puis les idées sont surfaites. Dans le milieu high-tech, ce qui importe vraiment c’est l’exécution.
Une obsession pour les performances
Néanmoins, ce qui est clair dans l’histoire de Facebook, c’est que dès les prémices de l’entreprise, Zuckerberg —et lui seul— a compris l’ampleur que pouvait prendre son idée. Il a eu du flair en baptisant sa société Facebook (Thefacebook à l’origine, puisque facebook.com était déjà pris), car il projetait de reproduire le site pour de nombreuses écoles; à côté, le Harvard Connection des Winklevoss paraît drôlement limité. Zuckerberg a pris une série de décisions intelligentes afin d’éviter de connaître le funeste sort des précédents réseaux sociaux. Comme l’écrit David Kirkpatrick dans The Facebook Effect —qui raconte l’histoire du site de manière bien plus sincère que le film The Social Network ou le livre qui l’a inspiré— Zuckerberg et la première équipe qui a travaillé sur Facebook étaient obsédés par les performances du site. Contrairement à Friendster, qui s’était lancé bien trop rapidement et était devenu complètement inutilisable à cause de problèmes de serveurs, Facebook a soigneusement organisé son lancement, en ouvrant le site seulement à quelques autres universités sélectes, ignorant les suppliques de centaines d’autres écoles intéressées.Zuckerberg a également eu raison sur les limites du site MySpace, dont on croyait à un moment donné qu’il allait tout engloutir. Sur MySpace, tous les profils étaient publics par défaut, et les utilisateurs pouvaient personnaliser leur page comme bon leur semblait. Ces caractéristiques ont beaucoup plu à une certaine catégorie d’utilisateurs —les adolescents— mais Zuckerberg avait deviné que cela ne remporterait pas l’adhésion de tout le monde. Il voulait que les gens toutes catégories confondues se sentent à l’aise sur Facebook, et pour cela on il fallait appliquer certaines règles: en plus de s’inscrire avec son vrai nom, on ne pouvait voir que les profils de ses amis, et impossible d’avoir une page qui joue Hollaback Girl dès qu’elle est chargée. (Eh oui, croyez-le ou non, mais Facebook était jadis salué pour sa sobriété et ses paramètres de confidentialité élevés.)
Des fonctionnalités qui ont eu raison de la concurrence
Bien sûr, Zuckerberg et son équipe ont eu des idées originales qui ont certainement participé au succès de Facebook. En 2005, Aaron Sittig, un des premiers concepteurs d’interface utilisateur du site a eu l’idée d’ajouter une option unique aux albums photo du site autrement dépouillés: le tagging (l’ajout de mots clés associés à des objets, lieux ou visages). C’est rapidement devenu la fonctionnalité incontournable du site et ça a renforcé l’idée de Zuckerberg pour qui la puissance de Facebook —la raison pour laquelle on a du mal à ne pas s’y connecter plusieurs fois par jour— tient dans la façon dont le site nous informe des moindres faits et gestes des personnes qui nous entourent.Pour rendre la chose encore plus addictive, le site a lancé il y a cinq ans le Fil d’actualité. Quand Facebook a activé cette nouvelle fonctionnalité durant l’été 2006, le tout premier commentaire qu’ils reçurent fut: «Virez cette merde!» Des centaines de milliers d’utilisateurs avaient rejoint des groupes anti-Fil d’actualité, et les journaux étudiants s’inquiétaient du potentiel de «stalking» de cette nouveauté. À l’époque Zuckerberg avait à peine bronché, et on a du mal aujourd’hui à imaginer ce que seraient nos vies sans ce flux d’informations. Encore une fois, le plus important n’était pas l’idée, mais le fait que Zuckerberg ait eu l’intelligence —ou l’insolence— de persévérer malgré la colère de ses utilisateurs.
Évidemment, cet argument ne l’absout pas de toutes les fourberies que ses rivaux lui reprochent d’avoir commises au moment de la création de Facebook. Mais on aurait tort de penser que si Zuckerberg avait été plus sport, quelqu’un d’autre se trouverait aujourd’hui à la tête de cette entreprise révolutionnaire et milliardaire. C’est absurde. Le réseau Facebook vaut des milliards parce qu’il a farouchement éjecté la concurrence avec des produits qui séduisent tout le monde. Et tout ça grâce à Mark Zuckerberg. Peut-être qu’il n’a pas inventé les réseaux sociaux, mais personne ne mérite autant qu’on rende à César ce qui appartient à Zuckerberg.
Author: Farhad Manjoo
Traduit par Nora Bouazzouni
Source: Slate.fr, du Dimanche 17 avril 2011
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