Wednesday, April 20, 2011

RDC: Territoire de Rutshuru : l'armée se réorganise, l'insécurité aussi !!


Ce mois de mars se poursuit dans un Rutshuru qui connaît un regain d'insécurité pendant la période de redéploiement de l'armée nationale FARDC recomposée en régiments à divers points de regroupement. Les positions militaires dégarnies sont aussitôt récupérées par des hommes armés génériquement qualifiés de rebelles rwandais FDLR. Quand il s'agit de FDLR, ils viennent en petits groupes du territoire de Walikale, à l'ouest, et de celui de Masisi plus voisin pour prendre position au Binza, à Murara, à Rubare ou à Kalengera. La récente opération militaire qui a tenté de les déloger du groupement de Binza n'a pas réussi à en venir totalement à bout.
D'autres groupes armés opèrent aussi dans le même rayon. C'est le cas par exemple du groupe rwandais RUDI commandé par un certain SOKI allié aux Mayi Mayi de Kambale dit ''Complet'' qui insécurise l'axe Nyamilima - Buramba sur la route Rutshuru - Ishasha. GADI Ngabo, un rebelle qui avait l'œil sur le trafic vers le poste douanier de Bunagana, serait arrêté en Ouganda et un proche de Laurent Nkunda, le colonel Emmanuel NSENGIYUMWA, un transfuge des FARDC passé à la rébellion en alliance avec les FDLR, est tué par balles le 25 février 2011 au cour d'un affrontement à Humule, près de Katwiguru dans le groupement de Binza, selon OCHA.
Des déplacés fuient donc le groupement de Binza pour se fixer provisoirement dans la cité de Kiwanja. 1115 personnes déplacées sont recensées par une ONG locale de Rutshuru qui affirme qu'elles sont dans des familles d'accueil et 36 ménages occupent 3 salles de classe dans des écoles primaires à Kiwanja. Notons que, dans le camp Kiwanja, le nombre de déplacés atteint le chiffre officiel de 409, chiffre stable depuis deux mois(1).
De ce fait, la situation sécuritaire parait préoccupante. Le monitoring de la coordination inter agences de Rutshuru a répertorié ces deux derniers mois de nombreux cas de pillage dans les groupements de Binza, de Gisigari, de Busanza, de Binza, de Bukoma et de Tongo. Visuellement, cela fait apparaître la cité de Kiwanja et Rutshuru-centre comme un ilot de sécurité au milieu d'une zone rouge. C'est vrai mais en partie seulement.

Les ingrédients locaux d'un pourrissement de la situation :
Des bandits ''intouchables''.

Les faits d'insécurité sont connus, répertoriés et les auteurs parfois très bien circonscrits mais les actions de poursuite ne suivent pas. " A 1km d'ici, il faut payer 3$ pour accéder à son champ ", révèle Mme Maguy Sasapu de la Dynamique des Femmes Juristes à Kiwanja. " La perception de cette taxe est attestée par une quittance délivrée en bonne et due forme par les FDLR. Et, au moment de la récolte, il faut encore leur verser une partie de la récolte. Cela ne date pas de cette semaine mais personne ne pense à sécuriser les paysans. Dois-je penser qu'un partage du butin se fait à un certain niveau ? Je ne suis pas loin de le penser quand je vois des autorités de proximité rouler en RAV4 alors qu'aucun salaire ne leur est alloué. Ici à Kiwanja, certaines parcelles sont soupçonnées d'abriter des personnes qui recrutent pour le compte de groupes armés inconnus. Les candidats recevraient 80$ avant de partir à moto pour une destination inconnue sans doute pour recevoir une formation militaire. A Mutabo, dans le groupement de Busanza, un groupe de bandits qui se fait appeler ''MAFUKO'' fait des rapines en toute impunité. Les citoyens réalisent-ils qu'ils sont victimes d'un ''business'' ? "

Plus grave encore, l'armée nationale fait partie du problème au lieu que ses soldats soient des agents de la sécurité. Josué BAHATI de la plate-forme des ONGD FOD accuse : " Le dernier cas de vol nocturne à mains armés a été perpétré le 28 février dernier par des hommes en uniformes qu'on a l'habitude de cacher sous l'appellation'' non autrement identifiés''. En suivant les traces par les objets qui tombaient dans la fuite, les gens se sont rendus compte que ces traces indiquaient très clairement le campement des militaires FARDC. Et puis, l'incendie du véhicule d'il y a quelques semaines vers Rumangabo, c'est parce qu'il transportait plus de 50.000$ de salaire des militaires. Le major qui convoyait cette somme, dont les cendres n'ont pas été retrouvées dans la carcasse, est en liberté. Malheureusement, les soldats impayés retournent leur colère contre les civils. Il y a une inconscience de nos militaires qui ne se rendent pas compte que l'ennemi c'est le FDLR et tous les déserteurs qui refusent de se rendre au déploiement tout en gardant leurs armes. Il y a nécessité de contribuer à la motivation maximale des soldats loyaux en guerre. Au lieu de cela… ! "
Une ''couverture'' efficace.
La religiosité des gens leur joue un mauvais tour quand elle induit une naïveté qui fait croire que toute personne présente dans une église est fréquentable. Le laxisme dans le contrôle du mouvement des populations est un au autre cheval de Troie que les ''inciviques'' ne manquent pas d'enfourcher. Mme Hortense Kavugho, activiste du CEREBA et Kanyere Kombi, journaliste, se plaignent en échos de ne pas trouver un espace où dénoncer tout ce qui ne va pas. " Un Blanc de la société pétrolière SOCO a été kidnappé puis libéré. Celui qui osera donner des indications sur les ravisseurs se verra mis devant toute l'armée pour qu'il pointe du doigt le ou les malfaiteurs. Ça c'est quelle culture de rechercher les criminels ? Seul celui qui veut se suicider peut faire un geste dans ce sens si les concernés sont justement devant lui dans de telles conditions.

Les bandits FDLR sont supposés vivre en brousse mais ont des femmes dans la cité. Et certains ont déjà versé la dot. Peut-on dénoncer sa belle-famille ? Le pasteur Philémon peut lui-même vous dire combien de FDLR il reçoit dans son église. Il est d'ailleurs déjà allé les rencontrer dans leur brousse pour tenter de les convaincre, sans succès, de rentrer au Rwanda. Est-ce pour cela qu'ils sont devenus nos frères dans la foi ?
Près du rond-point ici, quelqu'un fait son commerce tranquillement là bas. Tous les services concernés le connaissent et passent pour recevoir de l'argent. Que fait cet homme à la nuit tombée ? C'est un Rwandais de 1994. Sa carte de résidence c'est la corruption. Tout le monde le sait et personne ne s'interroge sur les conséquences de ce laisser-aller. Pourquoi c'est comme ça ? Pourquoi cela est possible ici ? Après on va chercher la MONUC pour lui demander de nous sécuriser. Son premier devoir c'est de se sécuriser elle-même !! L'un de ses agents a été rançonné l'autre jour. Il voyageait sans escorte. Un véhicule de MSF a été pillé en plein jour près du camp de la MONUSCO. Tout le salaire des agents est parti. Il y a trois jours, le major Shabani Saleh a été enlevé à Kahunga, toujours en plein jour. Il voyageait à bord d'un camion de marque Fuso attaqué à cet endroit. Le 8 mars, une veuve a été violée.
Quand c'est trop, on ne sait plus quoi dire à qui. A Rubare, les soldats attaquent les FDLR qui se replient dans la forêt du parc et y attendent les paisibles femmes qui vont s'y aventurer pour chercher le bois de chauffe. Dans cette région, plusieurs hommes qui voulant par après chercher de la braise dans le parc ont été victimes de la colère des FDLR qui les prennent pour des indicateurs des soldats FARDC.
Présentement là, le grand problème c'est nous. Nous n'interrogeons pas notre propre responsabilité.
"
Des autorités uniquement préoccupées par leur auto sécurisation.
Tanzi Jerôme, le coordinateur de la plate-forme FOD n'est pas d'accord. " La sécurité c'est l'affaire des autorités. La sensibilisation des FDLR au retour volontaire a échoué. Il faut en tirer les conséquences qui s'imposent et les éloigner de la RDC ou les cantonner loin des frontières avec le Rwanda. Au lieu de cela, chaque fois que nos autorités veulent se déplacer, elles ont les numéros de téléphone de tous les chefs des groupes armés. Un simple appel et c'est le calme pour laisser passer le député ou le gouverneur. Après, ça reprend comme avant. Qui va nous donner un vrai gouvernement capable d'apporter les vraies solutions aux vrais problèmes ? "

Une ''fragmentation'' néfaste.
Alors que les habitants de la cité devenue un îlot dans une zone rouge devraient se souder pour affronter ensemble l'adversité, c'est le clivage ethnique qui produit ses effets dans un territoire martyr. Le pasteur Philémon Byangulu, par ailleurs Président du Baraza Intercommunautaire du territoire de Rutshuru, en parle longuement. " Hutu, Tutsi, Nande, Hunde, Shi ou autres, les différentes tribus vivant sur l'étendue du territoire de Rutshuru ont été invitées à s'organiser sur le modèle du Baraza provincial à Goma. Certaines tribus, par peur que certaines vérités ne sortent, se sont désolidarisées de cette initiative. La conséquence c'est l'existence de deux Baraza, celui de la cité et celui qualifié de ''Baraza du gouverneur'' que je préside. En fait, dès le départ, notre Baraza avait la ''polio''. La cérémonie d'investiture a été suivie par rien du tout. Aucune réunion, aucune activité, rien, rien !!! Les tentatives de conciliation des deux Baraza sont faites par des ONG comme World Relief, ADRA ou CARITAS Justice et Paix et pas par nous-mêmes. Quelle sera la source de légitimité du Baraza des ONG ? C'est à nous de créer l'opportunité de nous rencontrer pour faire les choses ensemble. Aujourd'hui nous dialoguons par les ondes. Dans les cérémonies, on me réserve une place comme Président. Ce n'est pas la solution. C'est unis que nous ferons efficacement face à tout ce qui se dégrade autour de nous. "

Kiwanja, le 18 mars 2011.
Prosper Hamuli - Birali.

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(1)Sources : UNHCR, UNOPS/IDP, PREMIERE URGENCE, NRC. 15 mars 2011
Source: Pole Institute, Kiwanja, le 18 mars 2011.

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