La Libye à l’heure du partage pétrolier (AgoraVox 03/09/2011)
Le régime de Mouammar Kadhafi tombé, voilà que se précisent les grandes manœuvres du partage pétrolier libyen. Avec pour règle du jeu le souvenir de l’attitude des chacune des grandes diplomaties pendant le conflit qui vient de s’achever.
On soupçonnait l’empressement diplomatique à faire tomber Mouammar Kadhafi d’être de nature purement intéressé. La rancune et l’appât du gain ayant, certainement, été décisifs dans la définition des termes de la résolution 1973.
La rancune, compréhensible au regard des décennies de violences, d’agression, d’humiliation du régime Kadhafi, semblait la moins inavouable des arrière-pensées à l’œuvre. Qui pourrait ne pas se réjouir de la fin de Kadhafi, même si cela passe par quelques hypocrisies diplomatiques ?
Un appât du gain qui ne souffre plus de la contestation
L’appât du gain, plus dommageable à reconnaitre pour les grandes puissances, ne pouvait jusqu’à présent souffrir d’aucune preuve de flagrant délit.
Jusqu’à présent oui, mais eu égard à une lettre que publie aujourd’hui (1er septembre 2011) Libération on se rend compte que derrière la fin de règne du clan Kadhafi se dessinait, aussi, l’énormité du gâteau libyen. La lettre, datée du 3 avril, soit 17 jours après l'adoption de la résolution 1973, est explicite quant à la façon dont se fera le partage des réserves pétrolières libyennes.
La France et le Royaume-Uni : les grands gagnants
Une règle s’imposera : les pays qui se seront le plus impliqués dans leur soutient au CNT seront les premiers et les mieux servis. Et à ce petit jeu on verra s’affirmer deux grands vainqueurs, un rentier et des grands perdants.
Les grands vainqueurs seront, bien évidemment, la France et le Royaume-Uni, tous les deux à l’origine de la résolution 1973. Les chiffres avancés par Libération font état d’un CNT prêt à accorder 35% des nouveaux contrats pétroliers à la France. Connaissant l’esprit de négociateur de la puissance britannique, on peut penser que la part du Royaume-Uni devrait s’approcher de ces chiffres.
Assurément, donc, Total, la française, et BP, la britannique, joueront, à l’avenir un rôle décisif dans l’exploitation des réserves libyennes, estimées à près de 44 milliards de barils.
La France, déjà le deuxième acheteur du pétrole libyen, derrière l’Italie, pourrait voir sa dépendance énergétique vis-vis de la Lybie s’aggraver. Vraisemblablement qu’à l’avenir ce sont bien que les 15% actuels de son or noir qu’elle fera venir de la Lybie.
A coté de ces deux compagnies une autre entreprise sera importante : ENI, le géant italien du pétrole. Pour ENI peu de choses devrait changer tant l’Italie eut, sur ce conflit, l’intelligence de s’impliquer à la hauteur de ses intérêts passés et à venir. Et puis le CNT avait prévenu qu’il honorerait les engagements pétroliers du précédent régime. Or les contrats d’ENI courent jusqu’en 2042 !
En revanche l’avenir sera moins rose pour les compagnies de trois pays émergents s’étant opposés à l’intervention, sans pour autant l’empêcher. Ces trois pays sont la Chine, le Brésil et La Russie.
Mais lorsqu’on connait l’âpreté des négociations touchant à l’approvisionnement des matières premières on sait que ces trois pays sauront trouver les arguments pour se repositionner. Ils commenceront certainement par le plus évident : pour éviter une trop grande dépendance vis-vis des grandes multinationales du pétrole présentes sur son sol, la Libye a tout intérêt à faire jouer la concurrence.
Sources :
http://www.liberation.fr/monde/01012357324-petrole-l-accord-secret-entre-le-cnt-et-la-france
http://vigiinfos.canalblog.com/archives/2011/09/01/21912236.html
http://www.romandie.com/news/n/_La_France_aurait_conclu_un_accord_sur_le_petrole_libyen_avec_le_CNT_010920111009.asp
http://www.liberation.fr/monde/01012356045-silvio-berlusconi-au-charbon-pour-le-petrole-lybien
http://www.moneyweek.fr/20110860953/actualites/actu-marches/a-qui-profitera-le-petrole-libyen/
Author: Anthony Rigot
Source: AgoraVox, du samedi 3 septembre 2011
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