Que le colonel Kadhafi demeure encore introuvable, cela ne peut empêcher des réflexions sur cette guerre en Libye. Une guerre qui suscite tant d’interrogations sur la «renaissance africaine». Thabo Mbeki vient de briser la glace. Comme pour dire que le débat vient d’être relancé sur ce thème. Surtout qu’avant la Libye, il y a eu la Côte d’Ivoire, la République démocratique du Congo, et encore et toujours la Somalie. Mais l’Afrique est restée de marbre.
Dans une déclaration au journal Sunday Times, Thabo Mbeki, ancien président sud-africain et l’une des figures emblématiques de l’ANC, est très irrité contre ce qui se passe en Libye. Dans son accès de colère, il invite les «Africains à se dresser contre l’Occident». Car pour lui, ce qui se passe en Libye, avec les bombardements de l’OTAN, «est un désastre».
Mais là où ses déclarations deviennent très intéressantes, que le désastre l’est davantage et suscitent justement un débat de fond, c’est lorsqu’il pose trois interrogations également de fond : Où en est le processus qui a abouti sur l’indépendance du continent africain et sur la fin de l’apartheid ? Où en sommes-nous aujourd’hui, où en serons-nous demain ? Pourquoi sommes-nous si silencieux ? Véritable cri de cœur de ce «sage d’Afrique».
Avant de répondre à ces interrogations, force est de souligner avant que la «trop généreuse» Libye ne soit lourdement secouée, il y a eu la Côte d’Ivoire, fer de lance du développement de l’Afrique de l’Ouest ; la République démocratique du Congo, pays riche et reconnu par son hospitalité légendaire pendant que la Somalie - stratégique de la Corne de l’Afrique est déchiquetée. Ces pays ont également sombré dans l’horreur, détruits par des tonnes d’armes venues de l’Occident à telle enseigne qu’ils constituent aujourd’hui des plaques tournantes de la circulation d’armes, du trafic frauduleux des minerais...
Des morts se comptent par millions. Mais jamais, les pays africains ne se sont levés comme un seul homme pour dénoncer les faiseurs de guerre. Bien au contraire, ils ont servi d’agents exécuteurs.
L’Union africaine est toujours passée à côté de la plaque sans prendre des sanctions qui s’imposent. Par contre, silence radio, pour le cas de la République démocratique du Congo agressée par des pays africains que l’on passe pour modèle, alors qu’un génocide est en train de se commettre chaque jour dans ce vaste pays d’Afrique centrale.
Ne parlons pas de la Somalie, abandonnée à elle-même, aujourd’hui, soumise à une famine infernale qui décime toute une population. Entre-temps, la piraterie, cette pratique criminelle d’un autre âge, refait surface et les fruits des rafles sont blanchis dans des capitales occidentales. Et pourtant, une armada internationale patrouille dans les mêmes eaux sans les neutraliser. Incroyable encore comme cette autre présence militaire internationale en RDC qui n’arrive pas non plus à neutraliser les forces négatives qui pullulent dans la région pendant que se poursuive en toute quiétude le pillage des minerais du Congo.
En gros, dans tous les cas, pas une seule action d’éclat et de grande envergure initiée par les Africains. Les yeux sont tournés toujours vers ce même Occident que l’on assimile déjà à un cynique, un pyromane.
Pas de narcissisme
Certes, Thabo Mbeki a raison de se mettre en colère. Plutôt que de s’appuyer sur le reflexe pavlovien, Thabo Mbeki pose trois questions de fond qui remettent sur le tapis la problématique de la «renaissance africaine». Mais qu’a-t-on fait des 50 ans des indépendances africaines ? Pourquoi ce silence ?
Avant de se dresser contre l’Occident, les Africains devraient impérativement répondre à ces deux interrogations fondamentales. Est-il normal que des pays aux immenses potentialités comme la RDC et la Côte d’Ivoire, pour ne citer qu’eux, tombent si bas avec des populations chosifiées à souhait, des gouvernements obéissant à des centres périphériques qui contrôlent leurs économies depuis l’accession de ces pays à l’indépendance ? La réponse est non. La faute incombe aux Ivoiriens et aux Congolais qui refusent jusqu’ici à faire preuve de haute responsabilité politique.
Qui refuse de donner un bon salaire aux fonctionnaires de l’Etat ? Pourquoi des millions des populations africaines n’ont pas accès aux soins de santé, à l’eau potable, à l’instruction pendant que des villas cossues surgissent à côté des maisonnettes, à l’image des fauves dans la forêt, le long des avenues défoncées et caillouteuses ? Serait-ce toujours l’Occident qui serait à la base des salaires impayés et détournés, de l’absence de programmes rentables et réalisables, de cette démocratie balbutiante pour moins de liberté, moins de tolérance ?
Les évêques congolais avaient déjà suscité les mêmes questions que Thabo Mbeki, mais en termes différents : « Qu’avez-vous fait des richesses de ce pays ? Qu’avez-vous fait de l’accession de ce pays à l’indépendance ?»
Au moment où les Congolais s’apprêtent à aller aux urnes, pour la seconde fois en l’espace de cinq ans, ils ont l’obligation morale et politique de trouver des réponses à des questions pertinentes. Des réponses qui auront indiscutablement le mérite de conduire vers un choix utile en vue de faire des élections 2011 un moment déterminant de l’histoire de la République démocratique du Congo.
Thabo Mbeki a raison de souligner que les «Occidentaux ne défendent que leurs propres agendas». C’est le contraire qui aurait surpris en ces instants précis de la conquête des espaces économiques afin de disposer des «nations puissantes». Malheur aux Africains s’ils pensent autrement d’autant plus leurs jérémiades ne changeront pas d’un seul iota cette vision des choses.
C’est dire que les Africains doivent se dépouiller de l’habit du vieil homme, se départir de tout comportement narcissique pour relever les grands défis d’Etats et Nations forts et prospères. Thabo Mbeki vient de relancer le débat de la renaissance africaine.
Author: Freddy Monsa Iyaka Duku
Source: Le Potentiel, du 03/09/2011
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