Les participants à la conférence de Paris ont dégelé, jeudi, une quinzaine de milliards de dollars d'avoirs libyens.
Il s'agissait, avait-on prévenu à l'Élysée, de «rassembler la communauté internationale derrière les autorités libyennes pour les aider à réussir la reconstruction d'une Libye nouvelle». Ambitieux, l'objectif de la conférence des «amis de la Libye» qui s'est déroulée jeudi, aura, presque, été atteint, tout au moins à l'aune du nombre de participants. Une soixantaine de délégations, pays ou organisations, ont répondu présent à l'invitation lancée par Nicolas Sarkozy, en tandem avec David Cameron. Une initiative prise pas plus tard que la semaine dernière, donc «avec la volonté d'aller vite pour embrayer dans cette période de transition décisive», soulignait-on dans l'entourage de Nicolas Sarkozy. Implicitement, la participation à cette conférence signifiait, pour ceux qui sont venus, une reconnaissance du nouveau pouvoir libyen. Le pas a été franchi, in extremis, par la Russie, jeudi, tandis que l'Algérie, terre d'accueil pour la famille Kadhafi, a promis de le faire. Alger, dont l'attitude a été qualifiée jeudi d'«ambiguë» par Alain Juppé, était représentée par son ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci. Peu allante, elle aussi, la Chine a néanmoins dépêché un vice-ministre jeudi à l'Élysée. Seul absent notable, l'Afrique du Sud, mécontente de l'intervention de l'Otan. L'Union africaine, quoique représentée, s'est également dite pas encore prête à reconnaître le CNT.
Stabiliser le pays et normaliser ses relations de voisinage ne sera pas le moindre défi que devra relever la Libye nouvelle. La fin des combats se fait toujours attendre. «Le sort des armes ne peut plus s'inverser, mais la force de nuisance des pro-Kadhafi, les snipers notamment, reste importante», note-t-on à l'Élysée. L'Otan poursuivra ses frappes «tant que cela sera nécessaire», a averti David Cameron.
Avant même la reconstruction du pays, c'est l'aide d'urgence qui était au menu de la conférence de Paris pour tenter de pallier le manque d'eau, d'électricité et de carburant. Des besoins immédiats dont le financement doit être assuré par le dégel immédiat de 15 milliards de dollars d'avoirs du clan Kadhafi à l'étranger, dont 1,5 milliard en France. Les deux principaux responsables du CNT, Moustapha Abdeljalil et son numéro deux, Mahmoud Jibril, qu'un avion français est allé chercher jeudi matin à Benghazi, ont présenté leurs priorités en matière de reconstruction.
Former une «police efficace» et «démocratique»
Le principal défi sera celui de la mise en place d'institutions démocratiques. Pour les puissances qui «accompagneront» cette renaissance, il s'agira surtout d'éviter les dérives d'un scénario à l'irakienne ou, plus redoutable encore, à l'afghane. «Rien ne peut se faire sans la réconciliation et le pardon», a prévenu Nicolas Sarkozy. La «feuille de route» institutionnelle du CNT prévoit, sur dix-huit mois, la mise en place d'un gouvernement provisoire, d'une Assemblée constituante et l'adoption par référendum d'une Constitution suivie d'élections générales. Mais le projet est loin d'être finalisé. D'ores et déjà, l'Union européenne s'est dite prête à aider les nouvelles autorités à former une «police efficace» et «démocratique», a indiqué jeudi sa chef de la diplomatie, Catherine Ashton. À la demande du CNT, Ban Ki-moon a proposé l'envoi rapide d'une mission des Nations unies. Quelques dizaines d'hommes, voire même quelques centaines, pourraient-ils stabiliser un pays grand comme trois fois la France? La question se posera, tout comme celle de la collecte des armes distribuées à profusion et celle de l'islamisme. Un risque balayé d'un revers de main à Paris, où l'on affirme qu'«il peut y avoir des groupuscules mais que l'islamisme ne représente en Libye ni une sensibilité importante ni une menace». Le groupe des amis de la Libye nouvelle pourra en juger lors de son prochain rendez-vous fin septembre à New York. Nicolas Sarkozy a enfin assuré vouloir se rendre à Tripoli avec David Cameron dès que le CNT y sera installé.
Author: Alain Barluet
Source: Le Figaro, Mis à jour le 02/09/2011
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