Friday, May 4, 2012

RDC: Même si “Terminator” se termine, les problèmes du Kivu demeurent posés

Même s’il est toujours retranché dans le massif du Masisi, au dessus de Goma, entouré de soldats qui lui sont restés fidèles il est douteux que le général Bosco Ntaganda demeure encore longtemps en liberté et à la tête du CNDP (Conseil national pour la défense de la démocratie). En effet, le gouverneur du Nord Kivu, Julien Paluku, a déclaré que le général allait être poursuivi pour indiscipline et devrait répondre de ses actes. En effet, Bosco Ntaganda, dit « Terminator » est, malgré les démentis qu’il oppose, soupçonné d’avoir poussé à la révolte plusieurs centaines de militaires tutsis, auparavant intégrés au sein des forces armées congolaises. Ces hommes font actuellement l’objet d’une opération militaire menée par un bataillon de la Force de réaction rapide, l’une des meilleures unités de l’armée congolaise, formée par les Belges à Kindu. Il semble que les autorités congolaises aient pris la décision de régler le problème posé par Bosco Ntaganda pour plusieurs raisons : l’indiscipline de ses troupes, qui répondaient à des structures de commandement parallèles, la pression maximale exercée par la communauté internationale, dont les Belges et les Américains, et, in fine, la crainte de voir Ntaganda s’allier avec des rebelles hutus commandés par un major du nom de Gasore. Cette alliance semble contre nature, les hommes de Ntaganda ayant été, durant des années, en première ligne de la lutte contre les combattants hutus des FDLR mais elle pourrait s’expliquer par le fait que, n’ayant plus grand chose à perdre, le général est prêt à conclure n’importe quelle alliance sur le terrain pour maintenir sa position de force. Quant aux ONG, nationales et internationales, sous la houlette de Human Rights Watch qui souhaiterait que Ntaganda soit transféré à la Cour pénale internationale, elles ne relâchent pas la pression : 142 organisations de la société civile et de défense des droits humains se sont adressées à la secrétaire d’Etat Hillary Clinton pour presser les Etats Unis d’apporter son soutien au gouvernement congolais pour qu’il arrête « Terminator ».
Notons au passage que si les instructeurs belges étaient autorisés à encadrer, même de loin, les troupes congolaises actuellement engagées contre les troupes de Bosco, le moral des troupes s’en trouverait galvanisé et plus rapidement exaucé le vœu exprimé par Didier Reynders lui-même.
Si le sort de Bosco Ntaganda semble scellé, à court et à moyen terme, sa probable mise à l’écart provoque une réaction en chaîne, depuis le Nord Kivu jusqu’à la frontière katangaise, des violences sont enregistrées sur toute la «ligne de front », des milliers de civils sont en fuite et le fond du problème n’est toujours pas réglé.
Rappelons que le CNDP avait été intégré dans l’armée congolaise en 2009, à la suite d’un accord négocié au plus haut niveau, entre les présidents Kabila et Kagame. Aux termes de cet accord, le général Laurent Nkunda, qui avait fondé le CNDP pour défendre la communauté des Tutsis congolais et protéger la frontière du Rwanda, avait été retiré du Kivu et placé en résidence surveillée au Rwanda. Très populaire parmi ses hommes (et même au sein d’une partie de la population du Kivu) le charismatique Laurent Nkunda avait été trahi par son second de l’époque, Bosco Ntaganda, un homme qui avait été l’adjoint de Thomas Lubanga en Ituri et commis là bas de nombreux massacres, entre autres près de la mine d’or de Kilo Moto à Mongwalu.
Pour prix de son intégration dans les forces armées congolaises, Ntaganda avait reçu le grade de général et co- dirigé, avec efficacité, les opérations menées contre les rebelles hutus. Mais la mise à l’écart de Nkunda avait laissé des traces au sein du CNDP, désormais divisé en deux tendances : certains militaires étaient demeurés secrètement fidèles à Laurent Nkunda, considérant Bosco comme un traître, les autres collaborant avec le nouveau chef.
De 2009 jusque 2012, l’accord entre Kigali et Kinshasa avait d’une certaine manière, permis de stabiliser l’Est du Congo et les deux capitales y trouvèrent satisfaction : les opérations se poursuivaient contre les rebelles hutus et, lors des dernières élections, le Kivu vota dans le calme, les hommes du CNDP invitant, dans certaines régions, à… voter pour le président Kabila.
Cependant, ainsi que le souligne Human Rights Watch, Bosco Ntaganda avait lui aussi tiré profit de la situation. Jouissant de son impunité et de son rang militaire, il avait éliminé des civils et s’était impliqué dans de nombreux dossiers, de trafic d’or entre autres, alourdissant d’autant son dossier.
Depuis plusieurs semaines, les pressions devenant intenables, Kinshasa, en concertation avec Kigali, avait décidé d’écarter le trop compromettant Ntaganda du commandement des troupes. Il aurait du être remplacé par l’un de ses adjoints, le colonel Makenga, également membre du CNDP, également accusé de tueries dans le Nord Kivu mais dont le cas n’a pas encore été documenté par la CPI.
L’opération, qui aurait du être menée en douceur, échoua cependant, à la suite d’une tentative d’assassinat à laquelle Makenga échappa de justesse : voici une semaine, alors que son convoi se dirigeait vers Bukavu où une réunion militaire était organisée, il tomba dans une embuscade et plusieurs militaires furent tués. Makenga échappa à l’attentat car, prévenu du projet par ses propres services de renseignement, il avait gagné Bukavu par d’autres moyens.
Les soupçons se dirigèrent dans deux directions, soit l’aile rivale du CNDP, proche de Laurent Nkunda soit le général congolais Delphin Kahimbi, chef des opérations militaires dans la région et proche du président Kabila.
Ces rumeurs de trahison et la rivalité au sein d’un CNDP divisé sur la succession de Bosco Ntaganda expliquent, en partie, la mutinerie d’une dizaine d’officiers suivis par leurs soldats.
Pour l’avenir, même si Bosco Ntaganda est mis à l’écart, voire liquidé, -pour éviter qu’il ne dévoile trop de faits gênants à la tribune de la CPI-, le problème du Kivu ne sera pas résolu pour autant : les militaires du CNDP considèrent qu’ils doivent être dirigés par un officier tutsi sorti de leurs rangs et qu’ils ont pour mission de protéger les intérêts de leur communauté rwandophone, le Rwanda garde ses exigences en matière de sécurité et surveille de près l’évolution de la situation, les populations locales redoutent d’être victimes de nouveaux affrontements et sont exaspérées par le sentiment, même en temps de paix, de vivre en liberté surveillée…

Source: Carnet de Colette Braeckman, du 3 mai 2012

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